Des évolutions record


Avec 6,30 m, Mondo Duplantis a fait franchir hier une nouvelle barrière au record du monde. Retour sur une longue évolution entamée au début du siècle passé.

« Bubka avait une puissance physique extraordinaire. 
Il était bien plus monstrueux que Mondo » 
   - MAURICE HOUVION, ANCIEN 
     RECORDMAN DE FRANCE

16 Sep 2025 - L'Équipe
MARC VENTOUILLAC

Il l’a fait ! Ce n’est pas vraiment une surprise. Tout le monde savait que Mondo Duplantis serait le premier perchiste à 6,30 m et que cela ne saurait tarder. En cinq ans, depuis qu’il a effacé Renaud Lavillenie des tablettes, le Suédois a fait progresser le record du monde de 13 centimètres. Un centimètre à la fois, mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit toujours de la plus haute barre jamais franchie par un être humain.

Pas aussi symbolique que les 6 mètres que Sergueï Bubka réussit à passer le 13 juillet 1985 au stade Jean-Bouin, mais cette marque établie hier aux Mondiaux à Tokyo fera date. C’est le résultat d’une longue évolution commencée officiellement en 1912 avec les 4,02 mde l’Américain Marc Wright, mais si on remonte à l’époque précédant la naissance de la Fédération internationale, on trouve trace d’un certain John Wheeler, Britannique crédité d’un résultat « dûment contrôlé » (*) à 3,05 m en 1866. À l’époque, les athlètes sautaient à l’aide de perches en bois, courtes, rigides, qui empêchaient de prendre du levier (différence entre la base de la perche et la main haute du perchiste) et donc de sauter haut. Il a fallu bien des évolutions – des révolutions – pour en arriver aux 6,30 mdu Suédois.

L’ère du bambou

La perche en bambou apparaît au début du XXe siècle. Des perches plus flexibles, plus légères. « Elles permettaient aux athlètes de prendre plus de levier, explique Maurice Houvion, ancien recordman de France et entraîneur du champion olympique 1996 Jean Galfione. Les bons perchistes les faisaient venir du Japon, mais il fallait les traiter et les entourer parce qu’elles pouvaient s’ouvrir. Cela a permis à la discipline d’exploser. »

Le premier utilisateur référencé (*), un Américain, s’appelle Norman Dole et il est crédité de 3,69 m en 1904. C’est l’instrument de prédilection de Fernand Gonder, premier recordman du monde français en 1904 (3,69 m lui aussi). Il franchit même 4 mètres en 1905, mais sa performance n’est pas homologuée.

À partir de cette période, le bambou devient d’un usage courant qui, ajouté à la création du butoir, fait progresser la discipline durant plus de quarante ans. Le dernier as du bambou est l’Américain Cornelius Wamerdam. De 1940 à 1943, le Californien porte le record du monde de 4,60 m à 4,79 m (en salle; 4,77 m en plein air, les records étant alors disjoints).

Le court règne du métal

À la fin des années 1940, les perches en métal prennent petit à petit la place du bambou, plus cher et moins fiable. « Cela a permis de démocratiser la perche, cela a fait croître le nombre de perchistes, raconte Houvion, qui lui-même avait débuté avec ces perches. Mais elles étaient extrêmement rigides et il y avait de la difficulté dans le saut.» C’est avec le métal que Bob Gutowski met fin en 1957 au long règne de Wamerdam.

La discipline connaît deux rois, deux Américains: Bob Richards (premier double champion olympique de la discipline, en 1952 et 1956, avant Duplantis) et Don Bragg (champion olympique 1960 et dernier recordman du monde avec une perche en métal, 4,80 mla même année).

La révolution de la fibre de verre

Au début des années 1960 apparaissent des perches en fibre de verre. « Plus légères, très souples, rapporte Houvion. Elles permettent surtout de prendre plus de levier. Avec la métallique, les athlètes ne prenaient pas plus de 4,20 m de levier. Aujourd’hui, Mondo doit être à 5,20 m ! » L’embout est également très fragile. Maurice Houvion, un des premiers utilisateurs en France, faisait ainsi venir son épouse Yveline aux entraînements pour qu’elle rattrape sa perche avant qu’elle ne retombe au sol.

Les progrès dus à la fibre de verre sont immédiats et éclatants. Son effet catapulte modifie les sensations du perchiste. Quand la perche se détend, elle donne au corps une véritable vitesse ascensionnelle, le corps s’élevant à la verticale avant de franchir la barre. Il faut moins de deux ans pour que, de 4,83 men1961, le record soit porté à 5 mètres par le Finlandais Pentti Nikula, le 2 février 1963, lors d’une compétition en salle (l’Américain Brian Sternberg y parviendra en plein air au cours du printemps).

Les recordmen du monde se succèdent ensuite avec une grande variété. Quatorze hommes, dont les Français Thierry Vigneron, Philippe Houvion et Pierre Quinon, gravent leurs noms sur les tablettes de 1964 à 1983. Jusqu’à l’arrivée de Bubka.

C’est à la surprise générale que le Soviétique Sergueï Bubka devient champion du monde de la discipline en 1983 pour les premiers Mondiaux d’Helsinki. Personne ne se doute qu’il va régner sur la discipline comme personne, remportant les six titres mondiaux jusqu’en 1997. S’il ne compte qu’un seul titre olympique, en 1988, le néoUkrainien va s’octroyer 35 records du monde (salle et plein air) jusqu’à ses 6,15 m indoor en 1993. Une domination sans partage. «Bubka avait une puissance physique extraordinaire, reprend Houvion. Il était rapide et devait valoir 10’’35 au 100 m, il avait fait 8 mètres en longueur, il avait fait de la gymnastique avec son entraîneur Petrov. Il était bien plus monstrueux que Mondo.»

Le monde aux pieds de Mondo

Depuis cinq ans (un peu plus si on prend en compte son titre européen de 2018), le monde assiste, émerveillé et impuissant, au règne d’Armand Duplantis, Suédois d’origine américaine, bien parti pour faire progresser la perche encore plus que Bubka. Entraîné par ses parents (son père, Greg, avait culminé à 5,80 m), il saute depuis son plus jeune âge (4 ans). Un peu comme Renaud Lavillenie, qui avait réalisé l’exploit de faire mieux que Bubka en 2014 (6,16 m). Il est aujourd’hui encore plus invincible en compétition que ne l’était l’Ukrainien en son temps.

Le secret de sa domination? « Les performances sont influencées par la vitesse de la course, insiste Houvion. Il a couru le 100 men 10’’37 et je suis certain qu’il pourrait réaliser 10’’20. C’est la raison pour laquelle il est si fort. Et puis par rapport aux autres, il a cinq à dix fois plus de sauts dans sa besace, vu l’âge auquel il a commencé.» Si les blessures ne viennent pas le freiner, il n’y a pas de raison pour qu’il ne domine pas la perche pour au moins les cinq prochaines saisons.


(*) « La Fabuleuse Histoire de l’athlétisme », par Robert Parienté et Alain Billouin, Minerva, 2003.

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