« La Ligue a abandonné les clubs » : le cri d’alarme de Mccourt (OM) et Oughourlian (Lens)


Frank McCourt au Stade-vélodrome, à Marseille, le 27 avril. 
Joseph Oughourlian au stade Bollaert, à Lens, le 6 mai 2023.

Les propriétaires de l’olympique de Marseille et du RC Lens actent l’« échec » de la Ligue de football professionnel et appellent à agir rapidement.

« Lorsque la direction actuelle a pris ses fonctions, 
elle nous avait promis de hisser le foot français au 2e rang européen, 
devant l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne. 
La réalité est tout autre : la Ligue 1 est plus en retard que jamais, 
et l’écart avec les grandes ligues continue de se creuser »
   - Frank McCourt

« Le problème, c’est l’absence de responsabilité. 
Des dirigeants qui restent en place, payés des millions, 
alors que les résultats sont catastrophiques, c’est absurde » 
   - Joseph Oughourlian

6 Sep 2025 - Le Figaro
Propos recueillis par Christophe Remise et Jean-Julien Ezvan

Un pavé dans la mare. Frank McCourt, propriétaire de L’OM, et son homologue de Lens, Joseph Oughourlian, tirent la sonnette d’alarme avant l’assemblée générale de la Ligue 1, mercredi prochain. « La LFP ne représente plus les clubs», martèle le premier, appelant à « réparer ce qui ne fonctionne plus». «Cette situation est peut-être un mal pour un bien, à condition de réformer notre gouvernance et de mettre en place une direction à la hauteur », abonde le second. S’il n’est pas nommément cité, le président de la Ligue de football professionnel (LFP), Vincent Labrune, est ciblé. Le sujet du PSG et de Nasser al-khelaïfi est également mentionné… L’urgence les a poussés à unir leurs voix. Entretien croisé.

LE FIGARO. – Pourquoi prendre la parole ensemble, et quels sont les points qui vous rassemblent ?

FRANK MCCOURT. – Cela fait neuf saisons que je suis engagé dans le club. Depuis mon arrivée, j’ai entendu une multitude de promesses non tenues. Le point de bascule est intervenu dans le cadre des discussions autour de la proposition de loi Lafon. En juillet, la LFP a cosigné un rapport censé présenter la vision des clubs vis-à-vis de cette PPL, puis l’a adressé aux institutions politiques sans même que les clubs y aient directement participé ni n’aient pris connaissance de son contenu en amont ! La LFP ne représente plus les clubs et, les résultats en attestent globalement, c’est un échec. La Ligue est par ailleurs gérée de manière totalement irrationnelle sur le plan financier. Alors que le football français a tant d’atouts et tellement à offrir, sa gouvernance est opaque et inefficace, son management absent. Ça suffit! Il est temps de réparer ce qui ne fonctionne plus. C’est donc le moment de prendre l’initiative. Et je suis heureux de le faire avec Joseph. J’espère que d’autres clubs se joindront à nous. 

JOSEPH OUGHOURLIAN. – La LFP a failli. On nous avait promis en septembre 2023 près de 1 milliard d’euros pour l’ensemble des droits TV, on en a obtenu environ 700 millions, droits internationaux compris. Ensuite, l’accord avec DAZN s’est avéré être un fiasco, pourtant largement prévisible au vu de la façon dont les négociations ont été menées… Aujourd’hui, on ne sait pas vraiment combien on va gagner avec Ligue 1+. Peut-être entre 200 et 300 M€. En parallèle, les frais de fonctionnement de la Ligue et de sa présidence ont explosé. Et personne n’assume les conséquences de cet échec. La LFP a failli à sa mission, et, plus grave encore, elle a abandonné les clubs. Aujourd’hui, la LFP ne travaille pas pour l’ensemble des clubs et du foot français.

- Avez-vous des nouvelles de Vincent Labrune, particulièrement discret ?

J. O. – C’est un autre problème de la LFP : son manque de transparence. Il y a néanmoins, de l’autre côté, LFP Media, dirigé par Nicolas de Tavernost, dont le travail est un incontestable succès. C’est la preuve que des sujets complexes, lorsqu’ils sont confiés aux personnes compétentes, aboutissent à des résultats positifs. Le football français, en tant que produit, reste excellent. C’est juste une question de leadership et de gouvernance de ses instances.

F. M. – Le football français est riche d’atouts incroyables. J’ai entendu toutes les excuses possibles pour expliquer son déclassement, qu’il était inéluctable, que c’était partout pareil. Pour prendre une image simple, pourquoi le football européen a-t-il augmenté ses revenus de 70% depuis 2020, année du Covid, contre 6% pour la ligue française, même en prenant compte l’apport de plus de 1,5 milliard d’euros du fonds CVC ? Cela ne peut être attribué qu’à une seule chose, la gestion de ses instances, ou plutôt l’absence de gestion… L’exemple de Nicolas (de Tavernost) est éloquent. Il est arrivé dans une situation très difficile et, en un temps record, il a lancé Ligue 1+ et fait plus d’abonnés dans la première semaine que DAZN au total. Les bons résultats sont le fruit d’un bon management. C’est aussi simple que cela.

J. O. – C’est une honte que nous en soyons arrivés là, car il n’y a rien de fondamentalement mauvais dans le football français. Il y a aujourd’hui une Ligue à deux vitesses. On est déjà passé de 20 à 18 clubs et, si on continue comme cela, nous ne serons que 12 sous peu, car les clubs vont disparaître ou seront devenus à ce point si faibles que certains matchs perdront leur intérêt sportif. Je dois souligner que Frank pourrait se contenter de rester avec les grands clubs et se satisfaire des droits de la Ligue des champions, qui ont fortement augmenté, au passage, et que les gens payent. Il choisit au contraire de défendre l’intérêt collectif. C’est tout à son honneur.

- Vincent Labrune est-il encore capable de représenter le football professionnel ?

J.O. – Ce n’est pas à nous de répondre à cette question : c’est à l’ensemble des clubs de le faire. Mais les faits sont incontestables : la direction actuelle est défaillante. Si les clubs ne prennent pas les décisions, les politiques le feront. Et à raison, car ils savent combien nous sommes essentiels dans le tissu territorial. Dans une ville comme Lens, le club compte énormément, et nos élus le savent. Le stade est l’un des derniers lieux où les gens vivent ensemble. On ne peut pas perdre ça.

F. M. – Je n’ai pas besoin de rappeler ce que notre club signifie pour Marseille. Il n’y a guère de plus grande passion. Nous avons besoin d’une Ligue forte et saine. Aujourd’hui, tout est géré dans l’urgence et fait à la dernière minute. Le foot français a perdu 1,3 milliard d’euros l’année dernière. Quelle entreprise accepterait de tels résultats en conservant le même management? Comment peut-on espérer attirer les meilleurs talents et conserver nos meilleurs joueurs si nous n’avons pas les moyens dont disposent les autres ligues ?

- Ya-t-il un modèle dont le football français devrait, selon vous, s’inspirer ?

F.M. – Le football français est une organisation à trois têtes : la LFP, censée représenter les clubs, les clubs eux-mêmes, puis la Fédération française de football. Nous n’avons pas besoin d’un schéma aussi complexe, uniquement de deux entités partenaires : les clubs professionnels d’un côté et la fédération de l’autre, qui travailleraient ensemble pour faire grandir notre sport. Les clubs composeront cette nouvelle organisation autour d’un principe indispensable : un club, un vote. C’est comme cela que fonctionnent les ligues et les entreprises qui ont de bons résultats. Et c’est pourquoi je suis malgré tout optimiste : si nous réglons la question de la gouvernance et de son management actuel, le foot français renouera avec le succès.

J.O. – Le problème, c’est l’absence de responsabilité. Des dirigeants qui restent en place, payés des millions, alors que les résultats sont catastrophiques, c’est absurde. F. M. – Lorsque la direction actuelle a pris ses fonctions, elle nous avait promis de hisser le foot français au 2e rang européen, devant l’italie, l’espagne et l’allemagne. La réalité est tout autre : la Ligue 1 est plus en retard que jamais, et l’écart avec les grandes ligues continue de se creuser.

- Défendez-vous la réforme voulue par les sénateurs et le président de la FFF, Philippe Diallo ?

F.M. – Ce projet de réforme a du sens. J’ai rencontré le président de la fédération, Philippe Diallo. J’ai également rencontré la ministre des Sports, Marie Barsacq. Nous partageons tous le même objectif : remettre en état ce qui a été brisé. Je pense que l’ensemble des institutions préfèrent que les clubs règlent le problème eux-mêmes. Je suis 100 % favorable au principe d’une réforme qui renforcerait l’ensemble des clubs. Mais elle doit être portée d’abord par les clubs, sans quoi elle risque de manquer son objectif. Le fond du problème est limpide : il faut revoir la gouvernance, mettre en place un management compétent, éliminer les conflits d’intérêts et garantir une transparence totale.

- Considérez-vous que Nasser al-Khelaïfi est le vrai patron du football français ?

J.O. – Pour jouer au football, il faut deux équipes. Le système actuel donne plus à ceux qui ont déjà beaucoup. Il faut que ce soit plus équilibré pour développer un produit global intéressant, car il y a trop d’écart. Pour résumer, oui, le PSG est un club très important, qui attire de l’audience, de la visibilité à l’international, comme Marseille. Mais cela n’en fait pas une stratégie globale.

F.M. – Joseph et moi avons de très bonnes relations avec Nasser. Nous voyons juste le monde différemment. Il a récemment expliqué que le sacre du PSG en C1 était la preuve que les choses fonctionnent bien au sein de la LFP. Pour lui, la Ligue semble fonctionner parce que ça fonctionne bien pour le PSG. Je pense que nous avons une vision nettement différente du sujet.

- Cette situation pourrait-elle vous pousser à quitter vos clubs respectifs et à vendre ?

J. O. – Je n’abandonnerai pas Lens, surtout pas maintenant. J’ai en revanche toujours dit que, si un potentiel nouveau propriétaire arrivait, avec plus de moyens, d’argent, et qui respecte les valeurs et l’histoire du club, je n’irais pas contre l’intérêt du club et de ses supporteurs.

F. M. – Joseph et moi sommes très alignés philosophiquement. On ne se voit pas seulement comme des actionnaires, mais comme des propriétaires engagés pour nos clubs et leur identité. Notre mission est de tout faire pour améliorer les conditions dans lesquelles ils évoluent, gagner des matchs et des trophées, veiller à la solidité et à la prospérité de la Ligue. La preuve de notre engagement, c’est que nous faisons face à cette crise au lieu de détourner le regard.

- Combien de temps faudra-t-il pour rétablir la confiance et la compétitivité au sein du foot français ?

F. M. – Cela va prendre quelques années. Il faut nous armer de patience et de rigueur. Mais il faut commencer maintenant. Car la débâcle que nous avons connue les années passées autour des droits TV n’est que le symptôme d’un mal plus profond.

J. O. – Je suis optimiste au sujet de Ligue 1+. Lors des six dernières années, nous avons fait en sorte qu’il soit presque impossible de regarder un contenu pour lequel il existe une demande massive, en multipliant les diffuseurs, fragmentant l’offre et en positionnant maladroitement nos produits sur le marché. Certains diffuseurs aimeraient faire croire que les gens préfèrent regarder Real-Barça ou le derby de Milan plutôt qu’un Lens-Marseille, mais c’est faux… Cette crise peut être un mal pour un bien, à condition de réformer notre gouvernance et de mettre en place une direction à la hauteur.

F.M. – En effet : transformons cette crise en opportunité pour le football français en réparant ce qui ne fonctionne plus.

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