Yeux ouverts
26 Jul 2024 Libération
par Paul Quinio
Rêver éveillé. Profiter de la parenthèse, sans chausser pour autant une paire de lunettes enchantées pour mieux oublier la marche dramatique du monde ou le marasme politique français.
Les Jeux olympiques et paralympiques démarrent, avec ce vendredi une cérémonie d’ouverture que ses concepteurs et le pouvoir politique annoncent depuis des mois comme étant hors normes, avec la Ville lumière, son fleuve, ses ponts et ses monuments mythiques comme décor, et non un simple stade bondé de 80 000 spectateurs comme à l’accoutumée. Avec aussi ses stars planétaires en cerises sur un spectacle qui sera regardé de New York à Bangkok, de Lima à Douala, des îles Marquises à Helsinki par plus d’un milliard de téléspectateurs, sans oublier les 300 000 chanceux des bords de Seine. Donc oui, le rêve, dont il faut savoir profiter.
Il se prolongera à partir de samedi, dans les gradins installés sous la tour Eiffel ou dans un canapé d’un couloir de Manille, au bord du bassin royal du château de Versailles ou au bar-tabac de Pernes-lesFontaines, quand spectateurs ou téléspectateurs assisteront ici au geste parfait d’un tireur à l’arc, admireront là la concentration XXL d’une sprinteuse, apprécieront ailleurs la grâce d’un gymnaste, mais penseront aussi à la somme de travail qu’elle cache. Quand le rêve d’une vie, celui d’un ou une athlète, émeut, le temps d’un instant, des millions d’inconnus à travers le globe. Plonger un peu, beaucoup, à la folie dans cette parenthèse – certains ne le feront pas du tout et ils en ont bien le droit – n’empêche en rien de garder les yeux ouverts. Et donc de ne pas perdre de vue les travers que charrient ce type d’événements, dépenses faramineuses, impacts environnementaux, débauche communicationnelle, dérives sociales…
Et Libération, dans son traitement des Jeux, l’a fait. Et le fera quand viendra l’heure du bilan. Rester éveillé, c’est aussi bien sûr ne pas oublier que les guerres à Gaza, en Ukraine, au Soudan ou ailleurs ne connaissent pas la trêve. Que la démocratie américaine, comme le dit Joe Biden, est menacée. Ou que la nôtre, ici, n’est pas non plus un long fleuve tranquille.
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