BIG GRIZOU
En difficulté avant la Coupe du monde, ANTOINE GRIEZMANN rayonne avec les Bleus dans un nouveau rôle de milieu de terrain.
29 Nov 2022 - L'Équipe
DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL DAMIEN DEGORRE
DOHA – L’idée a peut-être commencé à germer au surlendemain de la victoire de l’équipe de France en Islande (1-0), en octobre 2019. Les Bleus, installés à Enghien-les-Bains (Val-d’Oise), achèvent leur dîner à l’hôtel et, alors qu’il quitte sa table et passe devant celle du staff, Antoine Griezmann est interpellé par Didier Deschamps. Sur le ton de la boutade, le sélectionneur lui lance: «Tu sais que tu ferais un très bon milieu défensif ? » L’attaquant sourit. Il sort d’un match à Reykjavik où il s’est distingué par son volume: 3 tacles, 8 ballons récupérés, des sprints défensifs à gogo, 8 duels défensifs remportés, le tout dans une position de meneur d’un 4-2-3-1.
Trois ans plus tard, la blague n’en est plus une et voilà Griezmann qui brille dans un rôle inédit après avoir traversé de longs mois à la recherche de lui-même, dévoré par le besoin de prouver qu’il était toujours un joueur qui compte.
Son année 2022 l’aura expédié un peu partout, milieu droit avec l’Atlético de Madrid contre Manchester City (0-0, en quarts de finale retour de C 1) façon Ma tu idi2018,deuxiè me attaquant axial d’un 4-4-2 en Liga, à la pointe d’un losange ou bien à droite d’un 3-4-3 avec les Bleus. Au fond, ne pas être figé ne le dérangeait pas, quand bien même son rendement était insuffisant (1 seul but sur les six premiers mois).
Le staff n’a envisagé sérieusement cette option que fin septembre
Ne plus être désiré l’a davantage perturbé. En juin, au sortir d’un rassemblement décevant, Griezmann ne savait toujours pas si son club lèverait l’option d’achat auprès du FC Barcelone. Il savait que le Barça ne voulait plus de lui. Il constatait aussi que l’Atlético était disposé à le renvoyer en Catalogne sans état d’âme si la clause, fixée à 40 M€, ne diminuait pas. Il avait le sentiment d’être un jouet, pire, un paria, et cela affectait son orgueil. Mais pas autant que le traitement infligé par Diego Simeone avec ses entrées en jeu au bout d’une heure. « Psychologiquement, il appréhendait son sort et il n’arrivait pas à se libérer. C’est comme s’il avait appuyé sur le bouton “veille”», confie-t-on dans son entourage. Bien sûr, Deschamps aurait préféré qu’il joue plus que la trentaine de minutes octroyée, mais il n’a cessé de lui témoigner sa confiance. Le sélectionneur a vu que Griezmann a remonté la pente. L’attaquant de 31 ans a marqué 3 fois, offert une passe décisive avec l’Atlético et pressentait que sa situation allait se régulariser. Il a accepté de baisser son salaire de moitié en même temps que le Barça a réduit le montant de l’option. À Bilbao, en Liga, le 15 octobre, il marque le seul but de la rencontre et acte sa renaissance.
Mais, en équipe de France, la question de son positionnement n’était pas réglée. Ce n’est qu’en quittant le Danemark (0-2), le 25 septembre, que Deschamps et Guy Stéphan, son adjoint, envisagent sérieusement l’idée de l’intégrer comme relayeur.
Avant le Danemark, il a pris la parole dans le vestiaire pour la première fois
Pourtant, le sélectionneur avait répété qu’il aimerait que son attaquant (112 sélections, 42 buts) s’épargne quelques courses de repli. Le 18 juin 2021, à la veille de France-Hongrie (1-1), il déclarait: « C’est un joueur offensif, créatif. Évidemment, il a aussi cette faculté qui lui est propre d’un don de soi remarquable. Il fait beaucoup d’efforts défensifs. Même si parfois, il en fait un peu trop. » Mais Deschamps précisait: « C’est naturel pour lui et c’est aussi important pour l’équilibre et le collectif. Et cela ne l’empêche pas de garder son influence et son efficacité dans le domaine offensif.» Les prémices de quelquechose?
Peut-être… Un peu plus d’un an plus tard, le staff admet que Griezmann, qui ne peut pas partager l’axe avec Karim Benzema, n’a plus la même explosivité. Mais il a conservé le reste: l’endurance, l’intelligence, la subtilité, le goût de défendre, le sens de la passe à l’image de ses quatre caviars en deux matches pour Kylian Mbappé. Alors, quand Deschamps lui annonce avant de s’envoler à Doha son intention de le placer en relayeur droit, le Colchonero le prend comme une responsabilité à saisir.
Samedi, avant le succès sur le Danemark (2-1), il a pris la parole dans le vestiaire pour la première fois. Et sur le terrain, au Qatar, il donne davantage de la voix, replace, guide, motive. Surtout, « il s’éclate, aime aller au charbon » , assurent ses proches. S’il n’a pas encore tout le bagage tactique d’un relayeur, il en a les attributs physiques. Face à l’Australie (4-1, mardi), il a parcouru 11,7 km. Contre les Danois, un peu moins (10,6 km) mais ses 5 tacles, 43 sprints et 6 ballons récupérés ont dessiné une performance défensive de haut niveau. Et cette reconversion ne surprend personne. « Il a toujours eu pour caractéristiques de faire les efforts pour l’équipe » , avance Jules Koundé. Griezmann démontre, surtout, qu’il peut servir le collectif et ses attaquants tout en continuant de faire briller son étoile. En attendant d’en décrocher une autre avec les Bleus ?
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