Les recettes du miracle Slot
La succession semblait impossible. Mais après huit saisons et demie de Jürgen Klopp, Liverpool adore les premiers mois de son entraîneur néerlandais, en tête de la Premier League et de la Ligue des champions.
29 Dec 2024 - L'Équipe
VINCENT DULUC
LONDRES – Ce n’est pas ainsi que s’assument les héritages, dans le football moderne, où les successeurs sont régulièrement encombrés de la gloire des autres dont ils sont les rentiers. Aucun entraîneur n’a encore fait aussi bien que Sir Alex Ferguson, parti de Manchester United en 2013, et derrière le passage poussif d’Unai Emery, Mikel Arteta est encore loin des trophées d’Arsène Wenger, qui a quitté Arsenal en 2018. Et puis il y a Liverpool.Arne Slot (à gauche) a parfaitement réussi ses débuts à la tête de Liverpool, toujours emmené par le défenseur central Virgil van Dijk.
En six mois, Arne Slot a succédé à Jürgen Klopp sans chercher à prendre ses patins, sans rayer le parquet non plus d’une ambition qui serait trop personnelle, tout en dessinant le bilan d’une demi-saison quasi parfaite: leader de la Premier League et de la Ligue des champions, avec pour seul accroc une défaite face à Nottingham Forest (0-1, le 14 septembre), l’ancien entraîneur de Feyenoord (46 ans) a mis du baume sur le traumatisme d’une ville, presque un deuil, ressenti après l’annonce du départ de Klopp, le 26 janvier.
Les anciens avaient vécu la même blessure lors du départ de
Bill Shankly, en 1974, mais ils n’avaient jamais autant gagné qu’avec Bob Paisley, dans les neuf saisons qui avaient suivi. Liverpool n’en est pas là. La saison dernière, Klopp avait perdu une seule fois en 22 journées de Premier League, et encore, un jour où le VAR avait dysfonctionné à Tottenham (2-1, le 30 septembre 2023), et les Reds avaient terminé troisièmes, rincés physiquement et mentalement, peutêtre déboussolés par l’annonce, un peu.
Mais cette fois, avec six points d’avance sur Arsenal et un match en moins, Liverpool semble solide, dans une ville qui rêve de fêter son premier titre de champion d’Angleterre depuis 1990, puisque celui de 2020 avait été étouffé par les contraintes du Covid-19.
Plus de discipline défensive
Le jeu des différences, après six mois de gouvernance, est assez simple. L’évidence est que Slot a hérité de l’équipe de Klopp, et que cela lui a facilité la vie: le seul nouveau de l’été, Frederico Chiesa, a joué 18 minutes, jusque-là. « Et ce ne sont pas seulement de bons joueurs, ce sont de bons mecs avec qui on peut aller à la guerre» , souligne le défenseur Virgil Van Dijk. Mais l’évidence, aussi, est qu’il en a fait quelque chose d’autre, en introduisant plus de discipline défensive, et en restreignant la liberté de Trent Alexander-Arnold, notamment.
Quand Slot raconte qu’il s’est inspiré, jeune entraîneur, du Barcelone de Pep Guardiola, ce n’est pas seulement pour les arabesques : « Quand j’étais joueur, je trouvais qu’on me donnait à la fois les bons et les mauvais ballons, sans distinction. Et quand je voyais Barcelone, je constatais qu’ils jouaient seulement les bons. Cela a influencé mon style.» Son Liverpool est un peu moins ouvert que celui de Klopp, et curieusement, ou non, le jeu long et les deuxièmes ballons sont devenus un recours quand le niveau de l’adversité s’élève. Slot a doublé le nombre de clean-sheets.
Van Dijk est revenu à son meilleur niveau, à 33 ans, Ibrahima Konaté n’a jamais été aussi fort que ces derniers mois, jusqu’à sa blessure contre le Real Madrid fin novembre, et si Andy Robertson redevenait plus solide, à gauche, son Liverpool serait encore plus dur à bouger. Les Reds cherchaient un numéro 6? Ryan Gravenberch (22 ans) fait le job. Mohamed Salah n’avait inscrit que quatre buts en Premier League après le 1er janvier ? Il a déjà été décisif 27 fois en 17 matches (16 buts, 11 passes). Slot est un analyste qui croit aux clips, qu’il montre sans cesse à ses joueurs. « Clip! » est aussi le mot qu’il crie à son banc, pendant le match, pour revoir le ralenti d’une action qui nourrira sa causerie de la mi-temps ou sa stratégie.
Dans le jeu, Liverpool défend mieux, mais attaque moins joliment, parfois, comme dans sa pauvre première période face à Leicester (3-1), il y a trois jours : 73% de possession, un tir cadré avant l’égalisation de Cody Gakpo juste avant la mi-temps. Son équipe est presque toujours meilleure en seconde période : vis-à-vis de ses joueurs comme de l’extérieur, il est un entraîneur qui trouve les solutions.
Entraîneur en chef, pas manager
Médiatiquement, Slot passe derrière un inimitable, une bête de scène. Lui répond simplement aux questions, avec beaucoup de franchise, mais des règles: il ne parle pas des blessures, et pas des contrats. Sur ce plan, il se définit comme « l’entraîneur en chef » , ce qui n’est pas totalement innocent, puisqu’il n’a pas le titre de manager et que Liverpool cloisonne les pouvoirs et attribue le recrutement au directeur sportif Richard Hughes, certes en concertation.
La ville, elle, ne le voit que les jours de match. Il vit loin du centre, rentre chez lui le soir avec un plat à emporter, profite de chaque jour de repos et des trêves internationales pour rentrer voir sa famille restée aux Pays-Bas. Slot passe ses journées au club, s’accorde une distraction en jouant au padel avec ses adjoints sur les cours construits par Klopp. Mais à présent qu’il a réussi à être l’entraîneur de Liverpool juste derrière l’Allemand, il lui reste à vivre avec la pression d’un titre que seuls les Reds semblent capables de perdre, désormais. Ce qu’il conteste, bien sûr : « Je ne vois pas ça comme ça. On serait aux Pays-Bas, peut-être. Mais en Premier League, vraiment? »
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