Nico Williams aussi a bien grandi
Nico Williams, ici devant Virgil Van Dijk lors du quart de finale retour de Ligue
des nations entre l’Espagne et les Pays-Bas (3-3, 5-4 aux t.a.b.), le 23 mars.
L’ailier espagnol, qui a failli rejoindre son ami Lamine Yamal au Barça, a eu du mal à digérer sa notoriété née de l’Euro 2024. Mais il continue de faire des dégâts dans les défenses d’Europe et a ramené Bilbao en Ligue des champions.
"Il possède une vitesse et une capacité à déborder
comme personne. C’est un trésor"
- ERNESTO VALVERDE, ENTRAÎNEUR
DE L’ATHLETIC BILBAO
5 Jun 2025 - L'Équipe
ROMAIN LAFONT
Il aurait pu rejoindre, en août, le Barça de son grand pote Lamine Yamal et reformer le duo qui avait marché sur l’Euro durant l’été. Mais s’il était ardemment courtisé par le club catalan, Nico Williams est finalement resté à Bilbao, où il a vécu des semaines difficiles, entre l’incertitude liée à son avenir et son changement de dimension. « Je crois que ce mois a été le pire de ma vie, racontait-il à GQ, en novembre. Parce que voir des gens dire certaines choses de moi… Ce sont des situations compliquées, surtout pour un garçon de 22 ans.»
D’autant que son statut n’était plus exactement le même, au sortir de l’aventure allemande, qui avait vu l’ailier gauche marquer le premier but de la finale contre les Anglais (2-1): « Je pensais que ma vie allait continuer à être normale. Mon frère ( et coéquipier à Bilbao, Iñaki) me disait : “Mon garçon, tu n’es pas conscient de ce que tu as fait !” Je m’en suis rendu compte quand je suis parti en vacances. Je pensais que j’allais passer inaperçu et c’était tout le contraire. J’ai du mal avec cette transition. On pourrait dire que je ne sais pas être célèbre! » Il lui a aussi fallu digérer sa première saison à deux matches par semaine, l’Athletic terminant quatrième de Liga et échouant à une marche d’une finale de Ligue Europa à domicile. Il lui a enfin fallu encaisser le nouveau traitement des défenses adverses, des prises à deux voire à trois qui libéraient des espaces, mais l’empêchaient d’exprimer pleinement son jeu.
Les débuts n’ont pas été simples, mais Nicholas, son prénom à l’état civil car ses parents aimaient le voir écrit à l’anglaise, est monté en puissance, provoquant encore et toujours les latéraux adverses. Il est d’ailleurs le quatrième joueur des cinq grands Championnats à avoir tenté le plus de dribbles, cette saison, derrière Yamal, le Hammer Mohammed Kudus et Vinicius.
«Je me définis comme un joueur électrique, nous confiait-il cet hiver dans France Football. Les dribbles sont la base de mon jeu. Cela se travaille, mais tu dois déjà avoir quelque chose d’inné. J’ai grandi dans un quartier où tu joues au ballon 24heures sur 24 et où tu es tout le temps en train de tenter des choses, de réaliser des dribbles impossibles. Cela influe beaucoup sur ton style de jeu. La majorité des grands dribbleurs sont brésiliens, Ronaldinho, Neymar… Ils ont grandi dans un quartier avec toujours un ballon dans les pieds. Tu peux ramener ça sur le terrain. Aujourd’hui, dans les centres de formation, tout est plus robotisé. » Celui qui se coiffe en hommage à Wilfried Zaha, l’un de ses modèles, essaie de garder son imprévisibilité et regarde en direction de Kylian Mbappé, qu’il porte en haute estime.
« J’aime beaucoup l’observer, d’autant plus aujourd’hui alors que j’essaie de ne plus être seulement un dribbleur, nous expliquait-il encore dans les entrailles de San Mamés. J’aime comme il bouge, comment il se situe sur le terrain, comment il se démarque. Il fait des choses incroyables. Pour moi, il est en ce moment l’un des joueurs les plus complets au monde. » Lui est en train d’étoffer sa palette, pour le plus grand plaisir de son entraîneur au Pays basque, Ernesto Valverde : « Nico est un joueur de très, très haut niveau. Il possède une vitesse et une capacité à déborder comme personne. C’est un trésor. » Un trésor qui a terminé 15e du dernier Ballon d’Or et qui possède une valeur certaine. Cinquante-huit millions d’euros, soit le montant de sa clause, négociée lors de sa dernière prolongation en décembre 2023. Un prix qui paraît désormais dérisoire et promet de faire de lui l’un des animateurs du mercato.
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R. Laf.
L’Espagne à la sauce basque
Les joueurs de l’Athletic Bilbao et de la Real Sociedad ont pris une place de plus en plus importante au sein de la Roja. Voici pourquoi.
“Une des bonnes choses du foot basque,
c’est sa patience"
- ROBERTO OLABE, ANCIEN DIRECTEUR
SPORTIF DE LA REAL SOCIEDAD
La légende raconte qu’en 2008, un seul bar de Bilbao diffusait sur écran géant le sacre de l’Espagne à l’Euro. Seize ans plus tard, les joueurs de l’Athletic et du voisin de la Real Sociedad ont pris une importance prépondérante au sein de la sélection. Lors du dernier Championnat d’Europe, ils étaient huit issus de l’un des deux clubs phares du Pays basque, soit plus que le Real, l’Atlético et le Barça réunis. Et parmi eux figuraient les deux buteurs de la finale contre l’Angleterre (2-1), Nico Williams et Mikel Oyarzabal.
Les deux hommes étaient présents au coup d’envoi du quart retour de cette Ligue des nations contre les Pays-Bas (3-3, 5-4 aux t.a.b.), fin mars, accompagnés dans le onze par Martin Zubimendi, l’homme qui dispute toutes les minutes dans l’entrejeu en l’absence de Rodri, et par le gardien Unai Simon. On n’avait pas vu cela depuis le début des années 80, à une époque où les deux clubs trustaient les titres de champion d’Espagne (*).
Comment expliquer une telle présence, alors que ni la Real ni l’Athletic n’ont réussi à terminer une seule fois sur le podium ces vingt dernières années ? D’abord par le vide laissé par certains géants. « Un club aussi important que le Real Madrid n’a pas beaucoup de joueurs sélectionnables en raison de la politique de construction de son effectif » , reconnaît Roberto Olabe, qui fut le directeur sportif de la Real Sociedad ces neuf dernières années. Avant de souligner les vertus du sportif basque : « Il y a une culture de l’effort, de la persévérance qui, dans les sports collectifs, a forcément de l’impact. Et la politique de clubs comme la Real ou l’Athletic Club favorise l’arrivée de joueurs dans l’élite. Cette saison, nous avons utilisé 21joueurs de l’académie. La saison précédente, 18… »
« En ajoutant Osasuna (de la Navarre voisine) et Alavés, il y a 60 joueurs qui jouent en Première Division sur un territoire de trois millions d’habitants, poursuit Olabe. Sans compter ceux formés dans les clubs basques comme Robin ( Le Normand, huit saisons à la Real), Antoine (Griezmann)… »
Encore faut-il connaître les vertus de ce processus, et c’est le cas du sélectionneur Luis de la Fuente, né dans la Rioja voisine mais qui a passé quinze ans comme joueur puis entraîneur à Bilbao, et qui affirmait en 2019, alors qu’il était à la tête des Espoirs, être « un socio de l’Athletic depuis trente-six ans » . Le technicien connaît les particularités d’un système qui accouche de joueurs sûrs à défaut d’être précoces. Roberto Olabe : « Une des bonnes choses du foot basque, c’est sa patience. (Dani) Vivian, à 18 ou 19 ans, ne figurait pas dans le classement des meilleurs joueurs. Robin, à 23 ans, pareil. Zubimendi, à 20 ans, allait en sélection, mais ce n’était pas l’un des joueurs les plus importants. Nous ne croyons pas que les joueurs sont bons parce qu’ils sortent à 17, 18 ou 19 ans, nous pensons qu’ils ont besoin d’un temps de développement. La réalité du joueur basque n’est pas celle d’un joueur précoce, c’est celle d’un joueur qui se fait petit à petit, qui va gommer ses défauts, progresser, continuer à travailler. Ils manifestent donc leurs qualités plus tard que dans d’autres endroits. »
(*) La Real Sociedad a été sacrée en 1981 et 1982, l’Athletic lui a succédé en 1983 et 1984.
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