Face à lui-même


Jonas Vingegaard (casque rouge cidessous) lors du Tour de France 2025 
accompagné de Sepp Kuss (devant lui) et Matteo Jorgenson.

Vingegaard, le maître des lieux ?

Délesté de la présence de son bourreau Tadej Pogačar, Jonas Vingegaard se lance aujourd’hui en immense favori de la Vuelta, à Turin, où sa victoire est attendue par tous, et surtout par lui. Mais les pièges ne manqueront pas.

"Vous pouvez toujours avoir des jours off, 
il faut juste espérer que j’aie eu mon quota pour cette année"
   - JONAS VINGEGAARD

23 Aug 2025 - L'Équipe
PIERRE MENJOT

TURIN (ITALIE) – Pas le temps de souffler depuis le Tour, à peine une semaine à profiter en famille au Danemark avant de reprendre l’entraînement où « j’ai fait presque tout ce que je voulais, même si j’ai été un peu malade, mais rien de méchant ». C’est la vie que Jonas Vingegaard a choisie pour cette année, après son choix, dès l’hiver dernier, d’enquiller les deux derniers grands Tours de la saison, depuis que la Vuelta est passée du printemps à la fin d’été, il y a trente ans.

Quatre semaines après sa deuxième place sur le podium à Paris, le voilà donc à Turin, hôte du Grand Départ, où l’affluence de la Piazzetta Reale, pour la présentation des équipes jeudi, n’avait pas grand-chose à voir avec la Grand-Place de Lille, début juillet. « Le Tour est la course où il y a le plus de médias, de pression, le plus de tout, et de ce que j’ai vu sur la Vuelta, il n’y a pas ça ici » , apprécie-t-il.

Pas de pression, mais une évidence. Le leader de Visma-Lease a bike est le deuxième meilleur coureur du monde sur les courses par étapes, et le premier n’est pas là. Un temps annoncé, Tadej Pogačar (UAE) a renoncé, et c’est un vrai gouffre qui se dessine entre le Danois de 28 ans et le reste du peloton.

« Bien sûr que je suis un des favoris, mais si c’est le cas, ça veut dire que vous êtes fort, et j’espère donc montrer que je suis le meilleur, répète-t-il. D’un côté, c’est toujours bien de courir contre Tadej. De l’autre, c’est bien aussi quand il n’est pas là, parfois. Le mieux, de toute façon, est de gagner, qu’il soit là ou pas, et je suis ici pour gagner le Tour d’Espagne, c’est assez clair. J’ai toujours eu beaucoup d’objectifs dans ma carrière, et gagner cette course en fait partie. »

Son équipe l’a protégé en début de saison, exempté d’un stage en altitude en janvier, peu de jours de course (d’autant plus qu’il avait déclaré forfait pour le Tour de Catalogne après sa chute à Paris-Nice), afin qu’il soit frais cet été. Au-delà de la supériorité du champion du monde, le Scandinave a connu deux jours sans sur le Tour : au chrono de Caen puis à la première arrivée en montagne, à Hautacam. Deux vilaines ratures dans le plan tout bien préparé de son équipe. C’était nouveau pour Vingegaard depuis son avènement en 2021, et s’il se montre rassurant en assurant qu’ils ont « compris pourquoi, mais on garde ça pour nous », il susurre aussi: « Vous pouvez toujours avoir des jours off, il faut juste espérer que j’aie eu mon quota pour cette année. »

Un leader incontesté

Même s’il devait connaître une autre sale journée sur cette Vuelta, il semble plus à l’abri, avec un parcours très montagneux, sans journée étouffante (seulement deux étapes avec plus de 4000 mètres de dénivelé positif) mais riche de onze arrivées au sommet, dont certaines très raides (Angliru, la Farrapona, la Bola del Mundo), soit autant d’occasions de briller. En 2023, un coup de froid au début de Tour d’Espagne ne l’avait d’ailleurs pas empêché d’être le meilleur, bien que 2e à Madrid après avoir gelé les positions derrière son équipier Sepp Kuss.

L’Américain sera là en équipier, comme Matteo Jorgenson ou Ben Tulett, en plus d’un essaim de gardes du corps de grande qualité (Campenaerts, Zingle, van Baarle), preuve que la mission « faire gagner un grand Tour à Vingegaard » est prise très au sérieux par les Visma. Une tâche que leur champion n’a pas réussie depuis deux ans quand même (2e des Tours 2024 et 2025, de la Vuelta 2023).

« On a un leader clair ici, qui est Jonas, et des gars très forts. Mais un seul leader », souligne Grischa Niermann, l’un des directeurs sportifs de l’équipe. Un message qui plaira à la femme du Danois, qui avait critiqué, avant le Tour de France, le fait que les Néerlandais courent plusieurs lièvres à la fois. Des flèches inattendues que le staff avait tenté d’esquiver mais dont il se serait passé.

Les seules attaques, cette fois, viendront de ses adversaires, au premier rang desquels le duo d’UAE João Almeida - Juan Ayuso. Le premier revient de sa chute sur le Tour (7e étape), le second de celle au Giro (seulement deux jours de course depuis, au début du mois) et n’était pas prévu sur cette épreuve, jusqu’au forfait de Pogačar.

« Nous sommes forts, on a confiance en nous, et à deux, on peut mettre Visma sous pression. On doit essayer, on n’a pas peur » , clame le Portugais, qui a battu deux fois Vingegaard en montagne cette saison (à l’Alto da Foia sur le Tour d’Algarve, à la Loge des Gardes durant Paris-Nice). « Mais les étapes clés sont celles qu’on attend le moins », prévient aussi le Portugais, coutumier de se faire piéger dans des journées a priori sans embûche.

Or, elles sont nombreuses sur la Vuelta à cause de la chaleur parfois étouffante, les routes au revêtement gruyère, les parcours qui évoluent (les incendies survenus dans la péninsule obligeront sans doute à quelques ajustements).

Qu’importent tous ces imprévus, Vingegaard prendra le départ de Turin, à l’heure des antipasti, avec une seule mission, reprendre sa place tout en haut d’un podium, sous peine de boucler sa plus mauvaise saison depuis qu’il est un vainqueur du Tour.

***



Les Français à l’offensive

Sans ambition affirmée pour le général, les Bleus voudront jouer à l’avant pendant trois semaines, en quête de victoires d’étape.

Paret-Peintre : « Compléter ma trilogie »

Alors que la France n’a plus placé un coureur sur le podium d’un grand Tour depuis Romain Bardet sur la Grande Boucle 2017 (3e), de telles altitudes semblent encore hors d’atteinte pour cette Vuelta. Ce sont sur des terrains escarpés, comme demain, que les coureurs hexagonaux sont attendus, en quête de victoires d’étape.

Seul vainqueur d’étape français sur le dernier Tour, au Ventoux, le Haut-Savoyard a pris le temps de profiter ces dernières semaines, et c’est « détendu » qu’il aborde cette Vuelta. Valentin Paret-Peintre (24 ans) sera l’un des lieutenants de Mikel Landa chez Soudal-Quick Step, mais l’Espagnol, tombé au Giro en mai, n’est pas encore certain de sa condition, et le grimpeur pourrait donc avoir sa carte à jouer. «J’ai regardé les étapes, certaines me correspondent plus, mais il faut prendre les opportunités comme elles viennent, pose-t-il. L’objectif est d’aller chercher un succès d’étape pour compléter ma trilogie. Quand j’ai gagné au Giro (en mai 2024), j’ai dit que c’était un de mes objectifs de gagner sur les 3 grands Tours. Je ne pensais pas que ça viendrait si vite sur le Tour, mais ça me donne encore plus de motivation pour gagner sur la Vuelta.»

Gaudu - Martin-Guyonnet : « Se faire plaisir sur le vélo »

En te mps nor mal, Davi d Gaudu e t Guillaume Martin-Guyonnet représenteraient deux belles cartes pour un top 10, mais les deux leaders de Groupama-FDJ vivent des mois compliqués. Le Breton « court après [ses] sensations », entre chutes et méformes, récemment sur le Tour de l’Ain alors qu’il revenait d’altitude (39e). «J’ai toujours su rebondir dans les moments les plus durs de ma carrière. Mais la Vuelta m’a réussi dans le passé, j’espère me relancer.» Comme l’an dernier, 6e du général et requinqué moralement, ou en 2020 avec deux étapes remportées.

Son équipier normand sort d’un Tour de France dans le dur (16e), qu’il explique par « des valeurs biologiques assez basses ». Il s’est reposé depuis et espère «se faire plaisir sur le vélo». «Je ne mets pas le général en fil rouge, j’ai envie de faire une Vuelta relâché, mais tourné vers l’offensive, comme en 2020 où j’avais été dans de nombreuses échappées et meilleur grimpeur de l’épreuve.»

Bisiaux : « Essayer de m’accrocher »

À 20 ans, Léo Bisiaux va découvrir l’exigence d’un grand Tour et il se dit « excité, comme avant toutes les premières fois». Au sein d’un collectif Decathlon-AG2R tourné autour de Felix Gall, 5e du dernier Tour, le Riomois aura d’abord un rôle de soutien en montagne, mais sa belle forme des dernières semaines lui offre de belles perspectives, après une première partie de saison difficile en raison d’un hiver consacré au cyclo-cross. «À la Clásica San Sebastián ( 14e), quand je vois que je peux suivre les meilleurs, je suis entré dans quelque chose de nouveau. Et à Burgos ( vainqueur de la 3e étape, 3e du général), l’équipe a eu plus confiance en moi. L’idée était d’être dans mon pic de forme en août avec la Vuelta, où je vais essayer de m’accrocher, au moins jusqu’à la 6e étape où on fera le point sur la suite.»

***

Pour qui le premier maillot rouge ?

Comme au Giro en mai, Mads Pedersen s’imaginait bien lever les bras dès le premier jour et porter le maillot de leader, à l’issue d’une arrivée pour sprinteurs à Novare. Mais le Danois a vu son horizon s’obscurcir avec l’entrée en lice de Jasper Philipsen (Alpecin-Deceuninck), remis de sa fracture de la clavicule survenue au Tour de France (3e étape). « Ça rend les choses plus difficiles, il est l’un des meilleurs sprinteurs du monde et l’a montré au Tour, concède le champion du monde 2019. Mais ce n’est pas impossible, j’ai couru contre lui au Tour du Danemark (3 étapes remportées par Pedersen, aucune par Philipsen qui effectuait sa reprise), je l’ai déjà battu au sprint, ça me donne assez de confiance.» Derrière eux, le plateau de sprinteurs apparaît plus léger, avec des outsiders comme Casper Van Uden (PicNic – PostNL) ou les Français Bryan Coquard (Cofidis) et Axel Zingle (Visma-Lease a bike).

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