Le recalage horaire
Affaibli psychologiquement et physiquement l’an dernier, le Slovène n’a pas changé de vélo mais tout le reste ou presque : sa charge de travail, sa position et son casque.
"J’ai retrouvé beaucoup de confiance sur le Giro"
- TADEJ POGACAR
5 Jul 2024 - L'Équipe
DE NOTRE ENVOYÉ SPECIAL - YOHANN HAUTBOIS
DIJON – L’équipe UAE avait la tête ailleurs, hier, piégée dans la bordure tricotée par Visma-Lease a bike qui a isolé son leader Tadej Pogacar pendant une dizaine de kilomètres. Et, aussi, la tête en l’air puisque le car de la formation émirienne, au moment de quitter l’arrivée à Dijon, avait oublié un poteau qui permet de délimiter la zone de travail d’avec le public. Peut-être était-elle déjà tournée vers ce chrono qui, aujourd’hui, va serpenter entre les vignes jusqu’à Gevrey-Chambertin et qui marquera un premier tournant dans cette édition 2024.
Le Slovène s’y est consacré comme jamais alors que la morsure de la défaite à Combloux l’an dernier a laissé des traces pendant quelques semaines sur son moral qu’on pensait d’airain. L’été dernier, au départ de Passy, Pogacar ne s’était pas présenté dans les meilleures dispositions sur le plan personnel (la semaine dernière, il a évoqué un environnement toxique et « négatif » sans vouloir rentrer dans de plus amples détails) ni physique après sa chute à Liège et sa fracture du poignet qui l’avait éloigné du peloton.
Il a partagé son temps
d’entraînement
entre son vélo de route
et celui de chrono
Quand il reprit la compétition, il se concentra d’abord sur sa condition physique et les délais ne lui permirent pas de travailler l’exercice du contre-la-montre avant fin mai. Les courbes parfaites de Jonas Vingegaard ets on changement de vélo avant la côte de Domancy accentuèrent le delta entre les deux ri vaux :1’38” concédée en 22,4 km, dont 16 secondes dès le premier temps intermédiaire (10,6 km). Pogacar avait quand même mis 1’13” à Wout Van Aert, troisième, et un an après, il avait estimé sa performance « pas si mauvaise que ça » . « On a analysé Combloux, il y avait différents aspects, estime avec le recul David Herrero, technicien en charge de la biomécanique chez UAE. Jonas avait pris plus de risques, Tadej avait été plus conservateur. Et si on avait fait le choix d’opter pour le vélo de route quand cela montait, c’est parce qu’il pouvait envoyer plus de puissance mais aussi parce que, du fait de sa blessure, Tadej n’avait pas pu travailler sur le vélo de chrono. Ce n’était pas la meilleure journée pour lui mais tout est différent aujourd’hui, il a pu beaucoup plus travaillé sur l’exercice.»
Le Slovène – qui a participé luimême au design du prototype de son casque, testé lors du dernier Giro – a partagé son temps d’entraînement entre son vélo de route et celui de chrono mais, surtout, il a passé deux jours sur la piste du vélodrome de Valence, en Espagne : « Du matin au soir, pendant des heures, insiste David Herrero. On a fait beaucoup de tests sur piste lors de la première partie de la saison cet hiver puis en février pour optimiser le matériel, dessiner un nouveau casque pour lui. On a analysé beaucoup de données, on a tout regardé, les vêtements, la position, on a cherché la meilleure combinaison possible. » Dans cette quête « d’équilibre parfait entre la performance aérodynamique et le confort de Tadej » (Fernandez Matxin, son directeur sportif), le double vainqueur en 2020 et 2021 a « retrouvé beaucoup de confiance sur le Giro après le désastre de l’an dernier, confiait-il il y a huit jours. Pendant toute la préparation ( l’an dernier), je n’étais pas confiant à 100%. Le chrono de Combloux, c’était juste un moment où, probablement, j’ai craqué mentalement.» Depuis, il a retrouvé du plaisir sur cet engin de torture, pas aux Championnats du monde de Glasgow où il avait terminé à la 21e place, loin de Remco Evenepoel, le vainqueur dont il fait le grand favori aujourd’hui.
Mais sur les routes transalpines, son hégémonie s’est exprimée dans la même mesure que lors des éditions du Tour qu’il avait remportées. Vainqueur à Pérouse sur un chrono en côte taillé pour lui (40,6 km dont six derniers kilomètres en montée), 2e derrière Filippo Ganna à Desenzano del Garda (31,2 km tout plat), le leader d’UAE – qui a effectué sa récupération sur son vélo de chrono, hier, « pour que la tête n’oublie pas la position qui est complètement différente» selon le manager général Mauro Gianetti –, semble avoir laissé derrière lui les doutes des derniers mois.
S’il n’a pas effectué de changements extrêmes du point de vue du matériel, « Pogi », qui espère néanmoins rouler sur un vélo « plus léger à Nice » , a surtout oeuvré sur sa position selon Herrero: « Le vélo n’a pas changé, c’est le même, mais on a changé la résistance à la traction ainsi que la position de Tadej. Si la position est trop agressive, vous produisez trop de lactate. On a trouvé la bonne balance pour durer longtemps et garder sa vitesse. Maintenant, c’est parfait car il peut donner beaucoup de puissance au vélo sans se fatiguer ni perdre de vitesse. » Et quand « on est très bien, on a la lucidité pour trouver les bonnes trajectoires », appuie Gianetti alors que son coureur a reconnu à une seule reprise le parcours entre Nuits-Saint-Georges et GevreyChambertin. En revanche, il n’a pas compté le nombre de fois qu’il a parcouru celui entre Monaco et Nice (34 km). Le résident monégasque le connaît par coeur.
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JONAS VINGEGAARD - 27 ANS, DAN, VISMA-LEASEABIKE
Il est dans l’inconnu - Le Danois n’a effectué aucune reconnaissance du parcours (au contraire de celui entre Monaco et Nice, début mars). Il a simplement étudié les passages à la vidéo et effectuera, ce matin, sa première reconnaissance dans les conditions réelles. Il a peiné dans les longues portions planes de la descente du Galibier mardi, signe que ce chrono pourrait être plus compliqué pour lui que pour les autres favoris. 9e sur celui de Tirreno (10 km) et 5e au Tour du Pays Basque (10 km), il s’avance sans certitudes. Th. P. (avec P. Me.)
Il a des atouts - Tout le monde le désigne comme l’immense favori de ce chrono, et le Belge se plaît très bien dans cette posture. Il est plein de confiance, connaît le parcours par coeur pour avoir multiplié les reconnaissances ces derniers mois. Il s’est imposé dans l’exercice en Algarve mi-février (22 km), a concédé du temps sur Primoz Roglic, Jay Vine et Mattias Skjelmose début mars au Pays Basque (10 km), mais le succès au Dauphiné (34,4 km) l’a conforté dans ses ambitions. Th. P. (avec L. He.)
PRIMOZ ROGLIC - 34 ANS, SLN, RED-BULLBORA-HANSGROHE
Il a des repères - Vainqueur du prologue du Tour du Pays Basque le 1er avril malgré une erreur d’aiguillage dans le final, le Slovène avait devancé Remco Evenepoel (victime d’une chute) et Jonas Vingegaard. Mais c’était il y a trois mois et sur une distance courte (10 km). Lors du Dauphiné, sur un kilométrage similaire à celui d’aujourd’hui, il avait été devancé de 39 secondes par le Belge. « Primoz l’a reconnu deux fois, malheureusement il n’a pas pu faire la descente car ils refaisaient juste le revêtement » , a expliqué Rolf Aldag, son directeur sportif. R. D. (avec P. Me.)
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