LEBRON, FILS D’AKRON
Recordman des points inscrits en NBA, où il dispute sa vingt-deuxième saison, LEBRON JAMES fête aujourd’hui ses 40 ans. Basketteur ultracomplet, l’Américain continue de marquer l’histoire de sa discipline.
Pour fêter ses 40 ans, la mégastar des Lakers affrontera Cleveland demain soir (*) à Los Angeles. Un clin d’oeil du destin pour l’icône planétaire qui a longtemps joué pour les Cavaliers, à quelques kilomètres d’Akron, la ville où il a grandi, qu’il a rendue célèbre et dans laquelle il investit des millions de dollars.
30 Dec 2024 - L'Équipe
LOÏC PIALAT (TEXTE) ÉTIENNE LAURENT (PHOTOS)
AKRON (OHIO) – Juste des gamins d’Akron. Ils sont une dizaine sur ce terrain étroit, les lignes presque collées aux murs. Un gosse ne sait pas trop ce qu’il fait. Un autre, un mètre trente, place ses joueurs comme un meneur NBA. «On ne s’affale pas!», répète le coach à la pause. À cet âge-là, on apprend autant à poser des écrans que la vie de groupe.
Les Hornets, le nom de cette équipe de quartier, s’entraînent tous les mercredis soir au Summit Lake community center, MJC en bord de lac. Là où LeBron James a commencé le basket à 9ans. Les photos de lui, bras fins et visage poupon, dans la vitrine à l’entrée le rappellent aux visiteurs. «C’est sûr que c’est spécial», avoue Aston, bien conscient que son fils foule le même parquet que la star des Lakers.
James, lui, n’avait pas de père pour l’emmener à l’entraînement. Il a souvent parlé de sa jeunesse nomade et de sa relation fusionnelle avec sa mère, Gloria. Entre 5 et 8ans, il déménage douze fois. Du canapéd’unamiàlamaisond’uncoach.Conséquence d’une vie instable, il manque cent jours d’école en CM1.
À l’époque, l’«ancienne capitale mondiale du pneu» aux hivers rugueux et aux maisons fatiguées, patrie de Goodyear et Firestone, peine déjà économiquement. James s’en rend compte en arpentant les rues à vélo.
Avec 200000 habitants, Akron n’est pas Los Angeles ou Philadelphie mais les gangs existent. « Notre endroit sûr, c’était le parquet, la salle de sport, le terrain de football. Tant qu’on avait tout ça, on n’avait pas à trop se préoccuper de ce qu’il se passait en ville», raconte Austin Clopton, ancien adversaire du King en football américain, premier amour de James, comme tout jeune athlète de l’Ohio. Clopton montre fièrement le parquet rénové par la fondation LeBronL James dans la MJC qu’il supervis se. « Vous, vous connaissez LeBron. Nous, on connaît Bron. Dans le privé, c’est un mec noormal, gaffeur », révèle la vieille connaiss sance. Un «mec» aux qualités athlétiques supérieures à la moyenne, aussi…
«Coach Dru» répond par un rire bruyant quand on lui demande combien de fois il a raconté son histoire. Le basketteeur LeBron doit beaucoup à celui qu’il décrit commec un homme «au coeur beau et génér reux» . Dru Joyce II le repère dans un matchh des Hornets contre son fils, «Little Dru». Il lui propose de rejoindre les Shooting Stars,S une équipe qu’il coache en plus de sons métier de commercial. Les entraînemeents débutent dans l’immeuble de l’Arméée du salut sur un terrain en lino. «C’était comme dribbler dans sa cuisine», blague Ja mes dans son livre… Shooting Stars.
Les étoiles qui enchaînent les s victoires. «Mon fils, c’était un technicien. Vo ous lui donniez un exercice, il le respectait à la a lettre. LeBron avait ce don pour ralentir le jeuj dans sa tête et la capacité athlétique pour réaliser ce à quoi il pensait, explique l’éducat teur. On lui a appris que le basket, c’est du cinqc contre cinq. Il prenait beaucoup de tirs. UnU jour, en rentrant de l’entraînement je lui i ai dit : “Tu sais LeBron, si tu passes le ball lon, tout le monde va vouloir jouer avec toi.” Il a compris. Au point d’apprécier passer autan nt que marquer.»
Dans le même temps, sa vie se e stabilise. Sa mère accède à un logement social sur une petite colline, Spring Hill. App partement 602. Lui évoque un « style sovié tique» , un Français y verrait plutôt une résid dence typique de banlieue. À 12ans, il a so on premier vrai chez-lui. L’endroit l’a asse ez marqué pour qu’il donne son nom à sa sociétés de production. Et pour rentrer dan s son musée – le Home Court, inauguré l’a an dernier –, on ouvre la porte de l’apparte ement, reconstitué en détail, du poster d e Michael Jordan dans la chambre aux céré éales Fruit Peebles sur le frigo.
Les Shooting Stars se qualifie nt pour un tournoi en Floride, à Cocoa Be each. Les joueurs vendent du ruban adh hésif pour payer le voyage. Le sport donne aua fils unique des frères et d’autres horizo ons. «À Cocoa Beach, c’est la première fois que LeBron a vu l’océan, note coach Dru. C’était un moment spécial dans sa vie. La première fois qu’il a pris l’avion, c’est quand on a joué dans l’Utah. Ces moments ensemble construisent une relation.»
La relation est si forte qu’elle décide de la suite de sa vie. Plutôt que Buchtel, lycée public où vont tous les bons sportifs afroaméricains de son quartier, il va à St-Vincent St-Mary, un lycée privé catholique majoritairement blanc. Parce que «Little Dru» sent que l’entraîneur de Buchtel ne le fera pas jouer. La rue les traite de «traîtres vendus à l’establishment blanc» , écrit le Laker dans son livre.
Avec un coach, Keith Dambrot, qui «ferait passer Dark Vador pour quelqu’un d’affable», selon James, les Fighting Irish écrasent tout ce qui bouge et remportent deux Championnats d’État d’affilée. Entre sa deuxième et troisième année de lycée (quatre années aux États-Unis), James franchit un cap et les deux mètres. Il participe au Adidas ABCD Camp dans le New Jersey. «Il n’a pas juste été le meilleur joueur, il a été le meilleur joueur de très loin. D’un coup, les gens ont réalisé que le meilleur lycéen du pays avait 16ans. À partir de là, tout a changé», résume Brian Windhorst, journaliste d’ESPN passé par «St. V».
«Jusqu’ici, LeBron recevait des offres de toutes les universités imaginables. Il avaitt même un espace réservé dans le vestiaire pour son courrier. Sérieusement! Après le camp, le courrier s’est arrêté. Toutes les universités ont compris qu’il irait directement en NBA», confie coach Dru, passé d’assistant à entraîneur principal.
La fameuse couverture «L’Élu» de Sports Illustrated sort en février 2002. Les caméras suivent James jusqu’à la cantine, des commerciaux de marques de chaussures rôdent. Le lycée délocalise les matches, parfois diffusés en pay-per-view, dans la salle de 5000 places de l’université d’Akron. «Je dis toujours aux gens que c’était comme les Beatles», conte Phil Masturzo, photographe du Akron Beacon Journal qui recevait des appels du monde entier pour reprendre ses clichés.
Pour sa dernière année, James, qui épate par sa gestion de la pression, renonce à son poste de receveur de l’équipe de football américain du lycée. « Je ne luii aurais jamais demandé d’arrêter. J’ai grandi en jouant au football. Mais pour être honnête, j’étais tendu à chacun de ses matches», confesse un Dru Joyce rassuré. Le dernier match à domicile des Fighting Irish se joue dans la petite salle du lycée, à l’insistance de James. «Il y a eu une coupure d’électricité en centre-ville, à cause de tous les médias présents», rigole Austin Clopton. «St. V» finit la saison avec un titre national. Le 23juin 2003, Cleveland drafte le prodige en première position. Mais l’histoire avec Akron continue.
Une école de 500 élèves
Aucune école n’a une entrée plus cool que la «I promise school». Au-dessus des escaliers, des dizaines de baskets, toutes porté es par James pendant la saison 20152016, celles du titre de Cleveland. L’école publique – ouverte en 2018 – est subventionnée par la star.
Elle accueille 500 élèves, identifiés à risque, bousculés par les circonstances de la vie. En gros, des mini-LeBron James. Stephanie Davis est la principale depuis un an et demi. Elle cite l’exemple d’un élève de cinquième, niveau de lecture CP à la rentrée et désormais au niveau CM1. «Pour moi, c’est comme cela que l’on mesure notre réussite. Le travail stratégique et ciblé avec cet élève en a fait un lecteur en quatre mois», explique-t-elle. Et le sport, avec un tel parrain? «Exactement comme dans les autres collèges publics d’Akron. L’académique reste la clé du succès.»
Victoria McGee, que le joueur connaît depuis l’enfance comme beaucoup de ses collaborateurs, a été la première employée de la LeBron James Family Foundation. Elle a un bureau à la «I promise school», qui propose aux familles une assistance pour le juridique, le social ou le logement. «Il sait que les élèves de l’école lui ressemblent. Il a été l’un d’entre eux. Le concept de services inclus dans l’école vient de son expérience avec Gloria. Ça les aurait vraiment aidés.»
L’école est l’exemple le plus spectaculaire de son engagement dans sa ville. Il n’est pas le seul. Un centre de santé, des logements, le House 330 – où se trouvent le musée, un café, une salle des fêtes ou ments. un restaurant «Il investit directement de tacos –, dans des le loge- quartier présente» où il a , grandi. résume Son Windhorst. empreinte Le est joueur omni- a aussi donné un million de dollars pour rénover la salle de St. V, rebaptisée LeBron James Arena. «C’est super ce qu’il fait mais bon, ça doit lui faire des réductions d’impôts», tempère un spectateur dans les tribunes des Fighting Irish. Rare critique entendue en deux jours sur place. «Ne lui dites pas mais je préfère Michael Jordan. C’est mon époque », sourit un ancien.
À l’école, le plus célèbre des Akronites s’agaçait de ne pas voir sa ville sur la carte des États-Unis. «J’aurai toujours de l’amour et de l’admiration pour LeBron, ce qu’il a fait pour cette ville, ce qu’il continue de faire, souligne Eric Brewer, serveur dans un restaurant du centre-ville, avec un sandwich portant le nom du joueur au menu. Je suis fier d’être d’Akron et l’association avec LeBron y est pour beaucoup. Avant, vous étiez toujours obligé d’expliquer que vous viviez à côté de Cleveland. Plus besoin maintenant.» Hommage d’un gamin d’Akron à un autre.
(*) En heure française: dans la nuit de mardi à mercredi, à partir de 3heures.
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