FIDEO CLUB

Après 18 saisons en Europe, Ángel Di María est rentré cet été chez lui, à Rosario Central, où il avait toujours promis de terminer sa carrière. Malgré les menaces de mort, les caisses vides et la faiblesse du championnat local. Récit d’un miracle argentin.

“C’est l’un des meilleurs joueurs de l’histoire de l’Argentine, et il est resté le gars du barrio qui ne la ramène pas. On veut voir le crépuscule d’un artiste rare taillé dans un copeau d’allumette, qui a rendu sa fierté à la nation”
   - Sergio Vazquez, ancien joueur de Rosario Central

“Des Chinois téléphonent pour savoir s’ils peuvent séjourner dans la maison d’hôtes du club dans le but d’acquérir un peu de ce que cet environnement offre et tenter de briller comme Angel Di María”
   - German Ángel, président d’El Torito, 
     premier club du Fideo

“Que Di María s’installe ici avec sa famille est un symbole d’air plus pur, après que la ville a connu des actes de violence extrême, liés à la drogue. Cela peut remettre Rosario à sa juste place. Nous sommes la capitale mondiale du football”
   - Pablo Javkin, maire de Rosario

4 Sep 2025 - So Foot
Par Rico Rizzitelli, à Rosario Photos: Ignacio Colo pour SoFoot

SAMEDI 26 JUILLET 2025, ROSARIO, province de Santa Fe, 16h15. Le jour qui dévale et le brouillard qui assiège la ville. Sous un ciel de traîne qui évoque la fureur de Jérôme Bosch, le fleuve Parana, majestueux en diable, menace de tomber de son lit à quelques encablures du stade. La pluie et le froid antarctique n’empêchent pas le Gigante de Arroyito, l’arène de Rosario Central, de ressembler à un essaim frénétique où tous les supporters des Canallas (Canailles) slaloment pour trouver leur place. Sur les trottoirs, entre les poteaux électriques repeints en jaune et bleu, des fans improvisent des grils qu’ils étanchent à coups de Fernet‑Coca ou de bière tandis que des barras bravas extorquent 3000 pesos argentins (2 euros) à qui veut garer sa voiture alentour en échange d’un marquage très leste. Jusque‑là, un décor comme on en trouve chaque week‑ end dans toutes les grandes villes argentines, où le football et ses acteurs prennent toute la place, à Rosario plus qu’ailleurs encore. Pendant que Leo Messi flâne sous le soleil floridien avec ses amis préretraités barcelonais, Angel Di María, l’autre héros majuscule de la cité rosarina, s’apprête à disputer son deuxième match à domicile depuis son retour à la maison. L’intérieur de l’enceinte ressemble à un Beaubourg poussiéreux avec ses énormes tuyaux bicolores sous les gradins verticaux et où, au hasard des couloirs, des graffitis éternels “las Malvinas son argentinas” (“les Malouines sont argentines”) côtoient le vestiaire des joueurs de Central en partance pour l’échauffement, Di María en tête. Perdu dans ses pensées, “Fideo” joue déjà avec un ballon, étanche à la pression, interdit à l’amour immodéré d’un stade, d’une ville, d’un pays –“Dans ces moments-là, je suis très mal à l’aise ; je veux rentrer sur le terrain et rien d’autre”, dira‑t‑il au quotidien La Nacion, dix jours plus tard. Dehors, la pluie redouble. À ciel ouvert, le Gigante n’abrite qu’un toit minuscule qui héberge les médias et les loges. Dans la tribune de presse, ça clope, ça boit du maté, ça braille au micro. Dans les virages, les pétards et les fumigènes claquent et un tifo promet: “La mas vibrante de la Argentina”. Le fils prodige est de retour et la hinchada de Rosario Central se pâme. “Le gars a visité le monde pour se bâtir une vie inespérée, gagner de l’argent et fréquenter les meilleurs clubs d’Europe, avise dans les travées de Arroyito Sandro, 39 ans, DJ, une casquette à la gloire de Central et de Juan Domingo Peron sur la tête. Avec la sélection, il a souvent été blessé, a perdu des finales puis en a gagné, et il revient, comme si de rien n’était, dans sa ville, son club, sa rue. C’est un rêve d’Argentin.” Sur le terrain, contre San Martin de San Juan, Di María frappe tous les coups de pied arrêtés, renoue avec la poésie des défenseurs locaux et tire déjà la langue avant la mi‑temps. Quinze jours de vacances depuis 2023, ça finit par se voir, a fortiori quand on aligne une seconde saison d’affilée sans moufter, mais le héros a trop attendu ce retour chez lui pour en perdre une seule minute.


“Je veux jouer et vivre”

Dix‑huit ans après son départ, Fideo a le mérite de la constance. En 2007, il affirmait vouloir “revenir un jour et gagner quelque chose avec Central”. Comme tant d’autres, il aurait pu tapiner pour des wagons de pétro‑ryals dans le championnat saoudien ou cotiser dans la pension floridienne de l’Inter Miami où les Argentins affluent, mais il s’en est tenu à son plan initial: revenir à ses premières amours. Pour le célébrer, le club auriazul a mis les petits plats dans les grands en publiant d’abord un message sur ses médias sociaux (“Notre histoire commune a encore des pages à écrire”), puis en produisant, lors de sa venue de Lisbonne le 29 mai dernier pour signer le contrat, une vidéo avec en bande‑son Rosario siempre estuvo cerca (“Rosario n’était jamais loin”), un morceau de Fito Paez, une légende du rock argentin native de la ville et fan de Rosario Central. Le clip débute par un plan en contre‑plongée d’une femme poussant un jeune garçon à vélo dans un quartier de la ville. Elle emmène son fils à l’entraînement, à l’autre bout de la ville. “Un vélo peut être bien des choses. Un jeu, une aventure, un moyen de transport. Pour moi, c’était une promesse d’amour, d’effort, de sacrifice. Je n’aurais jamais imaginé qu’avec ce vélo, j’irais aussi loin”, promet alors la voix de l’ancien joueur du PSG et du Real. Le film court montre les joueurs, le coach, la aficion en fusion, puis Fideo au sortir de l’adolescence avec sa drôle de célébration de l’époque, à genoux, une main en direction des tribunes, une autre vers le terrain, puis tous ses buts en finale avec l’Albiceleste, ces lobs piqués face à Ederson, Donnarumma et Lloris, qui ont fait chavirer l’Argentine après trois décennies

de disette. “Il ne reste plus rien du Central qu’Angel connaissait, allègue Marcelo Trivisonno, un de ses anciens formateurs chez les Canallas. Aujourd’hui, le club est géré avec intégrité, le nombre de ses abonnés a augmenté, l’équipe est compétitive et a remporté la coupe de la ligue en 2023. Il revient à Central dans un contexte qui lui permettra de profiter du club comme il ne pouvait peut-être pas le faire à 17 ans.” Avoir fait des une‑deux en 2007 avec Gonzalo Belloso, le président actuel, a probablement facilité les négociations. À l’époque, entre le 14 décembre 2005 et le 16 juin 2007, le joyau du centre n’avait joué que 39 matchs, pour six buts. Personne n’en avait vraiment profité. 

Fin 2023, les dirigeants du club de la province de Santa Fe envisageaient déjà d’enrôler Ángel Di María, qui avait bien pris soin de ne signer qu’un an au Benfica (histoire de boucler une première boucle) après la Juve. Ils le voulaient surtout pour jouer la phase à élimination directe de la Libertadores, à partir d’août, et le Tournoi de clôture. Début avril, le vainqueur de la coupe du monde renonce après avoir reçu des menaces. Selon les versions, une voiture se serait approchée dans la nuit du 25 mars 2024 de la résidence familiale à Funes, une banlieue résidentielle de Rosario, pour mitrailler la palissade et graffiter des menaces. Une autre prétend qu’une tête de porc tué par balle serait apparue, accompagnée d’un avertissement: “Si tu reviens, la prochaine tête que tu auras sera celle de ta fille. Ne viens pas. On ne lance pas de fumigènes, nous, on tire et on tue.” Dans les deux cas, la rhétorique et l’imagerie narco ne laissent pas de place à l’équivoque, mais dans quel western Fideo, un joueur international aux revenus élevés, gênerait‑il le commerce d’un cartel? “On a tout entendu, et au final, les flics ont inculpé deux barras bravas de Newell’s Old Boys, notre ennemi héréditaire à Rosario, assure Carlos, 32 ans, prof de maths et abonné depuis onze ans. Pour intimider Di María et sa famille, ils ont versé quatre millions de pesos (2700 euros, ndlr) à une bande de trafiquants, Los Monos. Son arrivée a été retardée d’un an. On va se rattraper…” De son côté, Pablo Javkin, le maire centre gauche de la ville, fan de Newell’s Old Boys, jetait la pierre sur la Fédération nationale (AFA), sans la nommer, en considérant la décision de Di María comme “un symptôme des problèmes systémiques du football argentin” plutôt qu’une conséquence des batailles de narcos qui gangrènent Rosario depuis des années. Gonzalo Belloso et Carolina Cristinziano, sa vice‑présidente, eux, n’ont jamais rompu le contact. La volonté du joueur de renouer avec son berceau rosarino a fini par l’emporter. “Comme je l’ai dit au président, je ne suis pas venu pour être enfermé, rapportait le meilleur passeur de l’histoire du PSG début juillet, en conférence de presse, au sortir du mondial des clubs avec Benfica. Je veux jouer et vivre. Il a fallu du temps pour rentrer et avoir l’esprit tranquille. Mes filles connaissent Central et sa passion depuis leur naissance. Je suis heureux qu’elles puissent enfin l’expérimenter par elles-mêmes. Maintenant, ma mère vit à trois mètres de chez nous, elle vient boire du maté à tout moment.” Entre les deux parties, il n’y a pas vraiment eu de négociations. Une brève conversation a suffi.

“Di María a signé le contrat que le club pouvait se permettre de lui offrir”, résume un agent proche du club. Comprendre: il n’est pas venu pour l’argent.


En retard de plusieurs trains sur leurs homologues brésiliens en termes d’infrastructures et de résultats, les clubs argentins tentent chacun d’adopter un business plan pour les conduire au succès. Central a commencé à céder son large patrimoine immobilier dans la ville pour investir sur l’agrandissement du stade et la rénovation du centre d’entraînement d’Arroyo Seco, à 40 kilomètres au nord de Rosario. Début janvier, le contrat des Canallas avec Le Coq sportif, équipementier porte‑bonheur de la Copa Conmebol victorieuse de 1995 –seul titre international de Central–, est entré en vigueur. La marque française habille toutes les équipes du club et s’occupera du merchandising, qui promet d’être copieux avec Di María. Depuis la signature du fuera de serie local, la fièvre irraisonnée a pris le dessus sur les calculs, encouragée par une bonne saison dans le Tournoi d’ouverture (du 26 janvier au 1er juin), que le club a terminé à la première place de la zone B, avant de tomber contre Huracan en quarts de finale des play‑offs. La cité sportive de Central a été fermée pendant trois mois, afin de laisser l’équipe dirigée par Ariel Holan effectuer sa préparation à l’abri de l’effervescence qui s’emparait de la moitié jaune et bleu de la ville. Début juin, peu après la signature du contrat, le club a commencé à renouveler progressivement les abonnements.

Dix jours plus tard, les neuf matchs à domicile affichaient complet. Même frénésie sur les ventes du maillot de l’idole floqué du numéro 11. “Des cinq champions du monde (Paredes, Acuña, Montiel, Armani) qui évoluent dans le championnat local, seul Di María émeut les aficionados de foot, estime Sergio Vazquez, un international argentin des années 90 passé furtivement par le club auriazul. C’est un des meilleurs joueurs de l’histoire de l’Argentine, et il est resté le gars du barrio qui ne la ramène pas et qui revient du bout du monde. Ce qui se passe autour de Central va avoir lieu dans tout le pays. On veut voir le crépuscule d’un artiste rare taillé dans un copeau d’allumette, qui a rendu sa fierté à la nation. Il y a deux ans, tous les supporters de Newell’s l’avaient acclamé dans leur stade quand il était venu au jubilé de Maxi Rodriguez (le 24 juin 2023). Un truc insensé quand on connaît l’inimitié entre les deux clubs.” La dynamique Di María a également son petit effet sur les transferts. Alejo Véliz, attaquant de 21 ans formé au club et qui appartient aujourd’hui à Tottenham, avait reçu des offres du Racing et de Boca Juniors, mais il a préféré retourner à la maison pour côtoyer l’idole. On parle désormais d’un come‑back de Gaston Avila (le frère de Chimy Avila, du Betis Séville), défenseur maison qui est la propriété de l’Ajax mais évolue actuellement en prêt à Fortaleza. Avec Ángel Di María comme figure de proue de leur projet à court terme, Gonzalo Belloso et Carolina Cristinziano tracent leur route pas à pas.

“Ils visent la Copa Libertadores à moyen terme, et Fideo est le premier étage de la fusée”, renseigne la source proche du club. Un futur emballant pour un club passé sur le gril de tous les maux du football argentin: la corruption, les comptes dans le rouge, et évidemment les guerres intestines. Au point de se voir administrer par un tribunal de justice dans les années 2000, et de passer par la case D2 (2010‑2013), trois ans après le départ en pleurs de Di María pour l’Estadio Da Luz. “J’espère que l’argent que Benfica a versé servira à rembourser toutes les dettes, et qu’ils ne voleront pas l’argent cette fois-ci”, avait alors déclaré le tout frais champion du monde U20. Peine perdue: à la suite d’un imbroglio kafkaïen, Rosario Central abandonnait finalement ses droits initiaux sur le contrat (20% de la “propriété” du joueur, plus 20% sur l’éventuelle revente) à cause d’un trop‑perçu qu’il s’avérait incapable de rembourser. Les Canallas perdront des millions d’euros dans l’affaire.

L’amour originel

Dimanche 27 juillet 2025, Rosario, 11 h 15. Au lendemain du match contre San Martin, le terrain d’El Torito, sur lequel courait Di María de ses 4 à ses 8 ans, est détrempé. La fresque qui orne le mur d’enceinte a été refaite, elle avait été saccagée il y a un an et demi. On y voit le héros local célébrer le second but argentin en finale de la dernière coupe du monde, avec un sourire majuscule, son coeur en bandoulière, et ce slogan: “Une passion de quartier qui enchante le monde.” Les installations de ce club associatif du nord de Rosario, qui comme beaucoup offre de la nourriture, du soutien scolaire et joue un rôle social pour les habitants de ce quartier ouvrier frappé par les crises économiques successives, sont fermées pour cause de vacances d’hiver. Entre les familles, El Torito est une grande cour, une extension de leur maison. Une zone protégée, défendue par le maillot, où enfants, familles et voisins forment une communauté. Autour du 2430 Camino de los Granaderos, les rares passants pressent le pas sous une pluie intermittente. “Qu’Angel soit revenu jouer dans le club de sa ville ne change pas grand-chose, promet Ceferino, 41 ans, garagiste, qui siège au comité d’El Torito. On ne le voit pas beaucoup plus. Après, comme Argentins, nous sommes heureux de le voir représenter Central et parcourir tous les stades du pays.” Un peu plus loin, les maisons sont basses, avec des clôtures à l’avant et des patios reliés par le mur du fond. La Perdriel est une rue étroite de la Ceramica, un quartier aussi connu sous le nom de La Esperanza ou El Churrasco. Une artère cachée dans le paysage rosarino que tout le monde connaît comme “la rue Di María”. L’ancien joueur de la Juve a vécu toute son adolescence au 2066. Même si la famille n’y habite plus, sa mère Diana a récemment rappelé, comme une contribution aux racines de la famille, qu’elle possédait toujours la modeste masure avec un hangar: “Je n’ai pas vendu la maison où mes enfants ont grandi ; c’est un lieu du sacrifice, où nous avons encore des amis.” Ici, les murs parlent, les couleurs délimitent les territoires entre Lépreux (Newell’s) et Canailles. Quelques graffitis hostiles au président argentin d’extrême droite égayent le paysage: “Assez de faim et de répression: Milei dehors”.

À quelques rues du 2066, Belen, électricienne, assure bien connaître Fideo avec ses amis. “Chaque fois qu’il est à Rosario, on se voit, dit‑elle. On se retrouve chez lui pour un barbecue. On lui donne des nouvelles du quartier, on lui raconte des conneries des uns et des autres, et on se marre en se remémorant les choses qu’on faisait ensemble.” Avéré ou fantasmé, tout le monde veut s’accaparer une part de l’aura de l’Angel de la Perdriel. Des psys argentins très sérieux en font même un sujet d’étude sur Instagram ou sur YouTube. “Désormais, sa mission ne sera pas seulement de remplir le stade, mais aussi de boucler une boucle émotionnelle qui a commencé avec ces balades à vélo en compagnie de sa mère, s’est poursuivie avec la gloire planétaire et s’achèvera en rendant hommage à l’amour originel: celui qui jaillit de son quartier, de son peuple, de sa mère”, postait le docteur Chesnaki. Depuis les quatre finales de rang gagnées par l’Albiceleste (Copa América 2021 et 2024, Finalissima et mondial 2022), des fanatiques chinois ou d’autres parties du monde appellent les clubs d’origine des joueurs argentins pour toucher une certaine idée du Graal. “Ils téléphonent pour savoir s’ils peuvent séjourner dans la maison d’hôtes du club, dans le but d’acquérir un peu de ce que cet environnement offre et tenter de briller comme Angel Di María, en rigole encore German Angel, le président d’El Torito. Le club est situé dans une zone périphérique et ne dispose pas toujours de vestiaires. Il n’y a parfois même pas d’argent pour préparer le terrain ou acheter des ballons.” À la Ceramica, personne ne se prend pour un autre. Quand on demande sa route à Georgia, 41 ans et mère au foyer, dans une rue adjacente à la Perdriel, elle renvoie à l’essentiel: “Si vous ne finissez pas de l’autre côté du pâté de maisons, celui du bidonville, tout ira bien. Angel, tout le monde le connaît, ici. Il était dans la bande de mon petit frère. Ils jouaient au ballon dans notre jardin, et le chien gâchait les matchs en le mordant. Tout le monde a un chien ici. C’est la meilleure méthode antivol.” En janvier 2016, au lendemain d’un cinquième Ballon d’or, Leo Messi s’était fendu d’une déclaration comme d’un voeu pieux sur le site de la FIFA: “J’aimerais un jour revenir dans le football argentin.” Retourner au pays signifiait forcément signer à Newell’s Old Boys, son club de coeur à Rosario, où il a joué de 7 à 13 ans. Les supporters des Lépreux continuent de s’accrocher à un songe qui perd chaque jour un peu plus de “Que Di María s’installe ici avec sa famille est un symbole d’air plus pur, après que la ville a connu des actes de violence extrême, liés à la drogue. Cela peut remettre Rosario à sa juste place. Nous sommes la capitale mondiale du football” Pablo Javkin, maire de Rosario consistance. “Avant les victoires à répétition de l’Albiceleste ces dernières années, ça aurait peut-être été possible, spécule Rodrigo Moreno, réalisateur du génial Los Delincuentes, sorti en France en 2024, et accessoirement fan d’Estudiantes de La Plata. Auparavant, Messi était une idole globale, lointaine, on prenait un selfie. Aujourd’hui, c’est un pur héros argentin qu’on a mis un temps fou à aimer. S’il mange dans un restaurant à Buenos Aires et qu’un client poste une photo sur Instagram, deux mille personnes déboulent dans la demi-heure. Alors imaginez sa vie au quotidien à Rosario…” Même s’ils sont nés dans le même hôpital italien de la ville à huit mois d’écart, Messi et Di María se sont d’abord connus loin de chez eux, aux JO de Pékin (or olympique), puis chez les A le mois suivant, pour une coexistence qui allait durer seize ans. Forcément, depuis que Fideo l’a fait, tous les hinchas de Ñuls se remettent à croire au retour de la divinité au stade Marcelo Bielsa, à commencer par le maire. Contraint à un exercice diplomatique délicat,

Pablo Javkin ne peut s’empêcher de revenir à ses propres moutons: “Qu’Angel Di María s’installe avec sa famille et vive dans la région est un symbole d’air plus pur, après que la ville a connu des actes de violence extrême, liés à la drogue.

Bien sûr, je vais en souffrir, mais c’est une excellente nouvelle.

Lui et Lionel aiment leur club et leur ville. Cela peut remettre Rosario à sa juste place. Qui peut dire que le retour d’Angel ne contaminera pas son ami? Nous sommes la capitale mondiale du football, j’espère que nous pourrons en profiter.” Outre ses penchants pour Newell’s Old Boys, Javkin voit bien sûr tous les investissements que La Pulga et son acolyte de la sélection argentine pourraient encore apporter à la troisième ville du pays. Depuis longtemps déjà, Rosario organise des circuits touristiques, avec cartes interactives et audioguides, pour explorer les sites où toutes les légendes locales, l’écrivain et auteur de BD Roberto Fontanarrosa (fan hardcore de Central), l’acteur Alberto Olmedo, le “Che” Guevara, le rockeur devenu cinéaste Fito Paez et les deux stars de l’Albiceleste, ont passé une partie de leur vie. Une liste à laquelle on pourrait aisément ajouter Luis Menotti, Marcelo Bielsa, le “Trinche” Carlovich

(voir So Foot n°124) ou encore Luciana Aymar, la meilleure joueuse de hockey sur gazon de l’histoire, qui a récemment eu droit à l’inauguration de sa statue. “Ces visites sont conçues pour valoriser l’identité locale en mettant en avant des personnalités et des espaces qui font partie du patrimoine de notre ville. C’est un excellent moyen de découvrir Rosario”, assure Claudia Simon, porte‑parole du secrétariat au tourisme de la capitale de la province de Santa Fe.

Il en aura fallu du temps, à force de rendez‑vous manqués, de blessures et de finales perdues, pour qu’Angel Di María trouve au bout du compte sa place sur les cimaises du gotha du foot argentin, juste en dessous des deux gauchers diaboliques, et sur la même étagère qu’Alfredo Di Stéfano. L’Argentine dans laquelle Fideo a remis les pieds n’est plus la même que celle qu’il avait quittée il y a dix‑huit ans. Javier Milei et sa tronçonneuse ont remplacé les promesses de progrès social des Kirchner, le pays continue tant bien que mal d’avancer dans le chaos et le président de l’AFA, Claudio Tapia, n’en finit plus de féliciter le nouveau chef de l’État et de réécrire l’histoire. “Le miracle économique argentin a contribué à la solidité de l’AFA, qui peut ainsi développer des projets ici ou à l’étranger”, racontait‑il à la presse économique. Fort des succès de la Scaloneta, Tapia fanfaronne, mais la réalité du futbol local est imparable: Di María évolue aujourd’hui dans une ligue faiblarde, avec des terrains indignes, un calendrier illisible et des talents qui s’exportent avant même de passer à l’âge adulte, tel Franco Mastantuono au Real Madrid. Le jour du match de Central contre San Martin de San Juan, huit des quatorze rencontres de la troisième journée du championnat argentin se sont terminées sur un 0‑0. “Di María est bien élevé, il ne se plaint de rien, analyse Sergio Vasquez. C’est vrai que ça serait mal perçu vu l’accueil délirant qu’il reçoit, y compris chez les fans et les clubs adverses. Même si c’est un joueur exceptionnel, il va devoir se battre pour survivre.” Chaque jour apporte son lot de nouvelles le concernant. De ses investissements dans une tour futuriste avec ses amis d’enfance près de Rosario à sa rencontre avec une centenaire transie à Tucuman, en passant par un projet d’impatriation taillé spécialement pour lui par une députée de la province de Santa Fe. Les Argentins n’en manquent pas une. À la sortie du match contre San Martin, des socios de Central se pressaient pour le régaler de présents (calebasse de maté, dessins d’enfants, friandises) comme s’il était une divinité païenne. Lui se contentait de fixer le cap en conférence de presse: “Mon dernier rêve, c’est d’être champion avec Central.” 

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