Le Père, le Foot et le Saint-Racing
Le but salvateur de Dimitri Liénard (en haut) face à l’OL en 2018 et les deux passages de Kevin Gameiro (en bas) au RCSA ont marqué le père Miesch.
La Ligue 1 vue de l'extérieur. Partout en France, le Championnat cimente le quotidien de fans, de personnages de l'ombre ou de simples amateurs, au-delà de ses acteurs les plus en vue.
CETTE SEMAINE, LE PÈRE MIESCH CONFESSE SA PASSION INDÉFECTIBLE POUR LE FC STRASBOURG
Vicaire épiscopal de l’évêque du diocèse de Strasbourg, le père Olivier Miesch voue un culte tout personnel au RCSA.
"Au stade, je m’accorde le droit d’être
excité comme un ultra et de mauvaise foi"
- OLIVIER MIESCH
BERNARD LIONS
5 Dec 2025 - L'Équipe
RIBEAUVILLÉ (HAUT-RHIN) – L’écharpe du RC Strasbourg trône sur la pile de sacs entassés dans un coin de la salle à manger. Hors de question, pour Olivier Miesch (55 ans), de l’égarer lors de son déménagement, fin novembre, après que l’évêque de Strasbourg lui a demandé de quitter son poste de curé de la communauté Au Coeur de la Zorn, qui rassemble dix-sept paroisses catholiques dans le nord de l’Alsace, pour le seconder comme vicaire épiscopal de la région pastorale de Centre Alsace.Le but salvateur de Dimitri Liénard (en haut) face à l’OL en 2018 et les deux passages de Kevin Gameiro (en bas) au RCSA ont marqué le père Miesch.
Habiter désormais au presbytère du Couvent des Soeurs de la Divine Providence de Ribeauvillé lui permet de se rapprocher de Christ, JeanLouis de son prénom, le maire de cette cité de cinq mille âmes, tout en restant à une heure de route de la Meinau. Son autre cathédrale, après celle de Notre-Dame de Strasbourg. « Dans la première, je suis le père Miesch. Mais dans la seconde, c’est moi, Olivier, confesse cet abonné du Racing depuis le début des années 2000. Il est souhaitable d’avoir d’autres passions dans la vie. Si tu te limites à ta fonction, à un moment, ça bloque. Au stade, je m’accorde le droit d’être excité comme un ultra et de mauvaise foi. Tout en me comportant avec mes valeurs et en faisant attention, car mes propos engagent plus que ma personne. Vous ne m’entendrez jamais chanter, comme les Messins : “La cigogne, la cigogne, on te fait mal au bas du dos.” Et une fois le match terminé, je redeviens de bonne foi.»
Cette double vie, ce fils d’un ancien ouvrier des usines Peugeot de Mulhouse et d’une employée à la Poste la mène depuis que son supérieur au séminaire lui a fait découvrir la Meinau. « J’avais une vingtaine d’années et cette communion au stade, pour reprendre un mot de ma profession, fut une révélation. Mon sport, c’était le théâtre alsacien. Je jouais dans un club d’accordéon, pas de foot. » Avec le temps, Olivier Miesch est devenu un expert du jonglageentre l’étole, son écharpe de prêtre, et celle du Racing.
Il lui est d’ailleurs arrivé de prononcer la fin de la messe en enlevant son aube blanche pour mettre son écharpe bleue et partir en courant à la Meinau. Mais jamais dans une loge. «C’estla placeducuré . L a mienne, celle d’Olivier, se trouve à côté du virage visiteurs, en face du kop. » Où les ultras le respectent, après l’avoir vu éprouver avec eux sa profession de foi tout au long du chemin de croix du RCSA dans les divisions amateurs (2011-2016). «À la fin du match officialisant notre retour en Ligue 1, je suis allé sur la pelouse prendre un brin d’herbe. Je l’ai offert à un fan lors de son mariage, le week-end suivant. J’ai également célébré ceux de journalistes sportifs et d’un kapo, il y a deux ans. Bon, nous n’avions pas prévu que la préparation allait tomber le jour d’un match.» Pas plus qu’il ne s’attendait à ce que son ordina--tion sacerdotale coïnciderait avec le huitième de finale de la Coupe du monde 1998 entre la France et le Paraguay (1-0 a.p., le 28 juin). «Mes cousins m’en veulent encore d’avoir été coincés pendant deux ou trois heures dans la cathédrale de Strasbourg. À la fin de la cérémonie, quand il a entendu les clameurs des bistrots alentour, l’évêque a glissé: “Je crois que ça se passe bien”. » Il en est allé de même lorsqu’il a célébré sa première messe dans sa commune natale et rurale d’Oberhergheim, au sud de Colmar, le... 12 juillet, jour de la finale.
Un « miracle » avant un pèlerinage
Son sacerdoce, le père Miesch l’accomplit aussi en dehors de la Meinau. « Je pars en vacances là où va jouer le Racing. En Belgique, pour pouvoir assister à Lille-Strasbourg, à Montpellier, à Rennes, où on a pris une taule (1-4, le 2 novembre), à Lyon… J’irai à Marseille en début d’année. » Ce ne fut pas possible l’hiver dernier. Après la messe de minuit, il a soudainement perdu l’usage de ses jambes. « Le neurologue m’a dit que je souffrais d’une maladie auto-immune, dont il était très rare de récupérer à 100 %. »
Il y est parvenu, au bout de trois mois. «C’est un miracle, mais en rien surnaturel. J’ai bénéficié d’une bonne prise en charge aux urgences, puis en centre de rééducation. » Sa santé retrouvée, le père Miesch s’est offert son premier pèlerinage à l’étranger. Il faisait partie des 200 Strasbourgeois présents à Göteborg, pour le match de Ligue Conférence contre les Suédois du BK Häcken (2-1, le 6 novembre). « Après avoir été sauvés par les saints poteaux devant Crystal Palace (2-1, le 27 novembre), soyons fous et allons jusq u’aubout dans cette Coupe », souff le le supporter strasbourgeois. Si les voies du Seigneur sont impénétrables, la foi du vicaire est imperturbable.
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« Je me suis cassé la voix à la 90e+4 »
« Le match du maintien devant Lyon reste à part. Je me trouvais à hauteur du coup franc de Dimitri Liénard, à la 90e+4 (3-2, le 12 mai 2018). Quand il l’a frappé, on a vu le ballon aller au fond. Je me suis cassé la voix tellement j’ai hurlé de joie. Heureusement, j’étais juste un peu enroué pour la messe du dimanche. Mes paroissiens souriaient car ils savaient que, comme le dit la chanson, je n’ai qu’un seul amour, et pour toujours, Racing Club de Strasbourg. »
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« Le bout du bout de la période Furlan »
« Je me trouvais devant ma télé quand on est retombés en Ligue 2, en 2008. C’était le bout du bout de la période de (Jean-Marc) Furlan comme entraîneur. La crainte suscitée par BlueCo ne vient pas de nulle part, mais de la peur de revivre l’époque chahutée d'IMG McCormack (propriétaire du club de 1997 à 2003). Mais au regard du chemin parcouru, à une telle vitesse et malgré le risque de descente, on ne peut pas ne pas faire confiance à Marc Keller. »
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« Gameiro est devenu un Alsacien »
Comme Dimitri Liénard, Kevin Gameiro n’est pas un Alsacien ( il est né à Senlis, dans l’Oise). Mais il en est devenu un. Parce qu’il s’est identifié au club, dans lequel il est venu et revenu (2005-2008 et 2021-2024). Diego Moreira dégage également quelque chose qui me plaît, c’est un type bien. Cela se sent dans sa manière de jouer et de faire la fête. Les gardiens Alexander Vencel et Matz Sels ont aussi marqué l’histoire du club. »
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