Le nouveau Merckx?


Plus les années passent, plus la domination de Tadej Pogacar sur tous les terrains, des grands Tours aux Classiques, rappelle les grandes heures du Cannibale. Pourtant, leurs caractères diffèrent.

22 Jul 2024 - L'Équipe
LAURENT CAMPISTRON et LUC HERINCX

NICE (ALPES-MARITIMES) – Les moins de soixante ans n’ont peut-être pas cette impression de déjà-vu que ressentent leurs aînés en suivant les exploits de Tadej Pogacar. Ce sentiment de reconnaître dans les coups de pédale du coureur slovène, et plus encore dans sa quête infinie de victoires, la voracité du champion tout-terrain qu’était Eddy Merckx à la charnière des années 1970. Comme le Belge, capable de gagner partout et tout le temps, le leader d’UAE Emirates a choisi de ne pas choisir ses courses. Ou plutôt si, il les prend toutes.

Les grands Tours? Il adore. Le voilà déjà nanti de trois Tours de France et d’un Giro, et il y a fort à parier qu’il retentera tôt ou tard de remporter la Vuelta pour faire partie des rares coureurs qui ont réussi ce fameux triplé. Peutêtre même essaiera-t-il un jour de gagner les trois la même année, sorte de nirvana que même Merckx n’a jamais atteint. « Merckx m’a été seulement conté, donc je ne saurais pas trop comparer, observe Romain Bardet (DSM-Firmenich PostNL). En tout cas le cyclisme est beaucoup plus compétitif maintenant et on n’a jamais vu un coureur comme Pogacar. Ce qu’il fait sur tous les terrains… Il est d’une facilité déconcertante. Ce serait un euphémisme de dire qu’il est une jambe au-dessus de tous. »

« C’est un des plus grands coureurs de l’histoire, poursuit le Français Pavel Sivakov, l’un des équipiers du Slovène chez UAE. Emirates. Ce qu’il fait est juste impressionnant. Dans la vie de tous les jours, c’est un mec comme un autre, hyper simple, mais sur le vélo, c’est une machine. » Sur ce Tour 2024, Pogacar a ajouté six victoires d’étape à son compteur qui en comporte désormais dixsept. Au regard de sa large avance sur ses poursuivants immédiats, il n’était pas obligé de toutes les gagner, notamment les deux dans les Alpes du Sud (à Isola 2000 et à la Couillole), mais le bonhomme est de la trempe de ces gloutons, comme Merckx, qui n’abandonnent pas aux autres, encore moins à des concurrents directs, des courses qu’ils peuvent gagner eux-mêmes.

« C’est le meilleur coureur au monde, on ne peut rien faire, soupirait samedi le coureur français de DSM-Firmenich PostNL Warren Barguil, après l’arrivée au col de la Couillole. Quand vous êtes grimpeur et que vous arrivez au sprint avec lui, c’est très dur de le battre parce qu’il est super rapide. Il peut se permettre d’attendre dans les roues et de vous déposer sur un démarrage parce qu’il a un bon coup de “kick”. Pour en avoir parlé avec mes équipiers dans le bus, je pense qu’il va essayer d’aller chercher le record de Cavendish (35 victoires d’étape dans le Tour). »

“Un jour, Pogacar ira courir 
Paris-Roubaix. Quand on 
voit ce qu’il a fait 
sur les Strade Bianche 
cette année), on sait qu’il 
en est capable ''
   - BERNARD HINAULT

Pogacar aime aussi les classiques. Toutes, des Strade Bianche de la fin de l’hiver au Tour de Lombardie du début de l’automne. Comme Merckx. « La différence, c’est qu’Eddy faisait aussi les six jours de Grenoble ( sur piste) et tentait le record de l’heure » , nuance quand même l’ancien coureur belge Fons de Wolf. Quasiment intouchable sur les courses d‘un jour hyper vallonnées comme Liège-Bastogne-Liège (2 victoires en 2021 et 2024) ou le Tour de Lombardie (3 victoires en 2021, 2022 et 2023), Pogacar est aussi capable de rayonner sur les Flandriennes, comme l’atteste son succès de l’année dernière dans le Tour des Flandres (2023). Avec six Monuments à son actif, le Slovène est encore assez loin des 19 glanés par Merckx (7 Milan-San Remo, 5 Liège-Bastogne-Liège, 3 Paris-Roubaix, 2 Tours de Flandres, 2 Tours de Lombardie) mais il n’a que 25 ans, et sa soif de triomphes et de records devrait l’inciter à insister à San Remo, où il tourne autour de la consécration depuis trois ans (5e en 2022, 4e en 2023, 3e en 2024). Il devrait aussi s’engager bientôt sur Paris-Roubaix, une course qui semble peu adaptée à son frêle gabarit mais qui l’attire de plus en plus.

Alors sera-t-il un jour l’égal de Merckx ? « À cinquante ans d’écart, on ne peut pas comparer deux champions, observe l’ancien coureur et directeur sportif Cyrille Guimard. La configuration des équipes et la façon de courir sont totalement différentes. Merckx était le seul à avoir un train avec les meilleurs coureurs du monde qui fonctionnait un peu comme ceux d’aujourd’hui dans les cols. En ce sens, la concurrence est peut-être plus sévère pour Pogacar, qui fait face à des équipes plus puissantes. »

« On ne peut pas comparer, approuve Bernard Hinault, quintuple vainqueur du Tour. Le matériel et les méthodes d’entraînements ont changé. Pogacar, je l’avais vu gagner le Tour de l’Avenir en faisant un sacré numéro et je m’étais dit qu’il allait devenir un très grand. À son âge, il ne lui manque pas grand-chose pour être au niveau de Merckx. Il gagne déjà beaucoup de classiques, a accumulé trois Tours de France et deux deuxièmes places. Il fera partie des tout grands de l’histoire, même s’il n’est pas à l’abri d’un accident. Un jour, il ira aussi courir Paris-Roubaix. Quand on voit ce qu’il a fait sur les Strade Bianche cette année ( raid de 80 km), on voit qu’il en est capable. Il n’est pas trop léger, il fera juste sa course à l’avant comme Van der Poel cette année. »

Même s’ils sont aussi gagneurs l’un que l’autre, Pogacar et Merckx n’ont pas le même caractère. Le Belge pouvait être austère et taciturne sur un vélo quand le Slovène y est plutôt rieur et taquin, donnant l’impression de prendre son métier comme un jeu. « Ce sont deux personnages très différents, reconnaît Guimard. Merckx était timide, renfermé, il n’exprimait pas ses sentiments. Même après un exploit, on avait l’impression qu’il s’était ennuyé toute la journée. Pogacar, lui, est bon enfant, joueur. À ce niveau de performance, je n’ai pas souvenir d’un coureur avec une telle personnalité. »

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25 - Tadej Pogacar est à 25 ans et dix mois, le plus jeune triple vainqueur du Tour devant... Eddy Merckx, qui remporta son 3e Tour à 26 ans, 1 mois et 1 jour.

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12 doublés Giro-Tour

Avant Tadej Pogacar, ils ne sont que sept coureurs dans l’histoire à avoir réussi l’exploit de remporter le Tour d’Italie et le Tour de France la même saison.


FAUSTO COPPI 1949-1952
Sur ce Tour marqué par la rivalité Coppi-Bartali, il prend la tête lors de la 17e étape, ne la quitte plus et devient le premier à réaliser le doublé Giro-Tour la même année. En 1952, après son Giro victorieux, il emporte les trois premières arrivées en altitude de l’histoire à l’Alpe d’Huez, où il s’empare du maillot jaune, à Sestrières et au Puy-de-Dôme.

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JACQUES ANQUETIL 1964
Après son doublé Tour-Vuelta en 1963, il vise le Giro-Tour. Vainqueur du Giro, il se lance sur le Tour dans un duel avec Raymond Poulidor qui culmine au puy de Dôme, avant que ce dernier craque dans le dernier chrono, entre Versailles et Paris. Et Anquetil remporte son 5e Tour.

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EDDY MERCKX 1970, 1972, 1974
Le seul triple doublé de l’histoire. Il réalise son premier doublé GiroTour, en 1970, gagnant quatre étapes du Giro avant de régner sur le Tour. En 1972, il porte le maillot rose sur tout le Giro et aborde le Tour en favori, qu’il domine face à Luis Ocaña. Il a plus de difficulté à emporter son 5e Giro en 1974 puis 5e Tour.

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BERNARD HINAULT 1982, 1985
Après avoir écrasé le Giro (4 étapes plus le chrono par équipes), il domine le Tour, porte le maillot jaune dix jours, et gagne même sur les Champs Élysées. Il réitère trois ans plus tard, en remportant son 3e Giro, puis son 5e Tour, le dernier à ce jour gagné par un Français.

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STEPHEN ROCHE 1987
Lors du chrono du Ventoux, Jean-François Bernard prend le maillot jaune.
Il le perd le lendemain à Villard-de-Lans au profit de Stephen Roche. Dans l’Alpe d’Huez, Pedro Delgado prend le maillot et, au terme de batailles homériques dans les Alpes, doit le céder à l’Irlandais, qui ajoutera à son doublé Giro-Tour le titre mondial.

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MIGUEL INDURAIN 1992, 1993
Grand favori du Tour après sa victoire sur le Giro, il emporte d’entrée le contre-la-montre de San Sebastian. Il survole aussi le chrono de Luxembourg et prend le maillot jaune à Sestrières. En 1993, alors qu’il a encore remporté le Giro, il éteint ses adversaires dès le prologue au Puy-du-Fou et contient les assauts de Rominger et Jaskula pour l’emporter.

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MARCO PANTANI 1998
Après avoir remporté le Giro, Marco Pantani frappe fort sur le Tour – marqué par l’affaire Festina –, dans la 15e étape entre Grenoble et les Deux Alpes, et ne quitte plus le maillot jaune.
Des contrôles effectués à fins de recherche sur des échantillons sanguins de Pantani lors de ce Tour se révéleront positifs, comme ceux de nombreux coureurs.

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