PLUSFORT QUE TOUS - FACE À L’HISTOIRE


21e étapeLe vainqueur du Tour de France Tadej Pogacar 
célébré par les membres de l’équipe UAE Team Emirates, hier.

Tadej Pogacar a remporté son troisième Tour de France et réalisé le doublé avec le Giro. Un exploit monumental, historique, qui le rapproche des plus grands, mais l’enserre également dans les doutes inhérents à son sport.

22 Jul 2024 - L'Équipe
ALEXANDRE ROOS

Une nouvelle fois hors concours dans le contre-la-montre final, TADEJ POGACAR a empoché une sixième victoire d’étape pour sceller son troisième succès dans la Grande Boucle et son premier doublé Giro-Tour. Vertigineux. Il filait hier sur les tortillons entre Monaco et Nice, sur ses terres d’adoption, seul dans saquête, sur le chemin qu’il trace sur son vélo, qui est celui de l’histoire et de l’éternité. Tadej Pogacar a remporté son troisième Tour de France, agrémenté de six victoires d’étape, dont celle d’hier dans le contre-la-montre final, et si, pour y parvenir, il a dû croiser le fer avec son plus proche ennemi, Jonas Vingegaard, cette bataille terrestre, éphémère, àl’image de celle qu’il mène contre Mathieu Van der Poel dans les classiques, masque un combat plus grand, plus fondamental, un défi à sa démesure, face à sonsport, ses plus grands champions, son passé et son passif. Avec cette victoire dans le Tour, le Slovène a réalisé un doublé avec le Giro qu’on n’avait pas vu depuis 1998 et Marco Pantani. Avec ses six étapes, il tutoie Luis Ocaña et Eddy Merckx.

Il boxe dans une catégorie d’élite et s’il continue à ce rythme, le Cannibale sera bientôt le seul à partager le même ring que lui. Mais la manière dont il a écrasé ce Tour de France et le chronomètre dans de nombreuses montées l’a également placé face aux fantômes du cyclisme, dont l’histoire est un éternel recommencement, et à ce sujet, rappelons que Pogacar avait déjà dû répondre aux doutes au moment de sa première victoire dans son premier Tour, il y a quatre ans, et qu’il avait alors déjà été rappelé qu’avec le maillot jaune, on gagnait un lion en peluche et une corbeille de suspicion. Celle-ci l’a donc encore accompagné cette fois, comme elle avait escorté Vingegaard l’an passé, sans que l’on sache vraiment s’il avait à répondre de ses errements présumés ou de ceux avérés du cyclisme, alors qu’on associe et mélange souvent les deux, lesport et ses champions.

Un sport qu’on épingle alors qu’il pose les bonnes questions, qui a les qualités de ses travers, comme on dit pour briller en entretien d’embauche, mais qui, aussi, absout et condamne à discrétion, amnésique et hypermnésique, qui mène avec acharnement et à raison la chasse aux tricheurs du présent, mais regarde sous l’oeil de la bienveillance et du folklore certains errements « artisanaux » du passé. Un sport où il est impossible de convaincre et de contenter tout le monde, entre ceux qui s’ennuyaient il y a dix ans du train des Sky et des attaques d’apothicaires dans le dernier kilomètre, regrettait un cyclisme « à l’ancienne », et ceux qui trouvent quefinalement les punks qui partent à 80km de l’arrivée et explosent leurs rivaux ne sont pas beaucoup plus divertissants. Mais avec toujours le même oeil qui interroge.

Pogacar tient le sort deson sport entresesmains

C’est toute cette histoire à la fois magnifique et gadouilleuse qui poursuit les champions actuels et il est donc légitime de poser des questions à Pogacar, coupable d’une telle hégémonie. Ses réponses ne satisferont jamais tout le monde, après tout il peut bien raconter ce qu’il veut, mais plus que ce qu’il dit, c’est ce qu’il fait qui importe. Le leader d’UAE tient dans ses mains le sort de son sport, c’est la responsabilité de tous ceux qui remportent le Tour de France, encore plus quand ils s’imposent à plusieurs reprises.

Alors quand on est le champion d’une génération, voire d’un demi-siècle, un des plus grands sportifs actuels, avec les bémols et le poids du cyclisme…

Rien ne semble l’empêcher d’enchaîner les victoires

On croyait le Slovène dans une impasse sur le Tour face à Vingegaard, qui lui avait cassé les reins sur les deux dernières éditions. On pensait même qu’il avait acté son impuissance dans la Grande Boucle, cet hiver, raison pour laquelle il avait choisi de prendre ladérivation vers le Giro, pour continuer de garnir son palmarès dans d’autres théâtres. S’il annonçait viser le doublé, ce ne pouvait être qu’une manière de ne pas perdre la face, il ne pouvait pas vraiment croire qu’il pourrait dominer le Danois en juillet après trois semaines sur les routes italiennes.

Mais à 25 ans, c’est comme une nouvelle version de luimême qui a été sacrée hier à Nice, encore plus forte et dévastatrice, avec en arrière-plan unchangement d’entraîneur en fin d’année dernière qui l’aurait aidé dans cette évolution. Tout a l’air facile avec Pogacar, mais depuis son éclosion en 2019, il a déjà opéré quelques mutations, s’est enrichi de ses expériences passées. La morsure du Granon, il y a deux ans, lui a appris à courir plus juste, à moins se disperser, cellede l’an passé, où il était diminué par sa fracture au poignet de Liège-Bastogne-Liège, a piqué sonorgueil.

Aujourd’hui, même si la prudence nous dicte de ne pas tirer de conclusions quinquennales – on pensait qu’Egan Bernal remporterait cinq Tours d’affilée –, rien ne semble pouvoir l’entraver dans sa gloutonnerie, un titre olympique ou mondial à court terme, cinq Grandes Boucles, Paris-Roubaix et les cinq Monuments à moyen terme. Pogacar a atteint une forme de plénitude et avec Vingegaard et Remco Evenepoel à son côté sur le podium final, et dans cet ordre à l’arrivée du chrono hier, ce Tour de France aura porté à ses trois premières places les trois meilleurs coureurs actuels sur les courses par étapes, avec l’inconnue Primoz Roglic qui a encore dû abandonner, ce qui répond malgré tout àune forme de logique.

La dernière semaine a été une cour de récréation pour Pogacar, mais n’oublions pas que cette édition a fait coexister les intouchables et les mortels et qu’en début d’épreuve, on se réjouissait de la fraîcheur des victoires de Romain Bardet, Kévin Vauquelin, Anthony Turgis, des chevauchées du viking Jonas Abrahamsen, de la bataille pour le vert de Biniam Girmay. Dans l’illustration que leTour de France ne se résumera jamais à celui qui le domine et que, dans son grand ordonnancement, il aura toujours quelque chose à offrir aux autres.

***

Six à la maison

Vainqueur sur ses routes d’adoption, à l’occasion du chrono entre Monaco et Nice, le Slovène a remporté sa sixième étape sur ce Tour.

YOHANN HAUTBOIS

Au centre de la place Masséna, les drapeaux slovènes, bien que hissés à l’extrémité de hampes immenses, ne pouvaient tout de même pas rivaliser avec l’Apollon de la Fontaine du soleil, sept mètres de haut. Mais ils étaient assez nombreux pour marbrer le ciel niçois de bleu, de blanc et de rouge et prendre le dessus sur les supporters danois, la peau tannée, frangée de rouge et de blanc comme leurs couleurs nationales.


Tadej Pogacar, hier, après avoir franchi la ligne de l’ultime étape.

Le soleil avait eu beau jouer à cache-cache toute la journée, il a fait sa réapparition au moment du duel, dépourvu de suspense, et dans ce virage à 150 mètres de la ligne d’arrivée, le public frissonnait pour la forme, cherchait à se faire peur quand, sur l’écran géant, Jonas Vingegaard a chassé de la roue arrière ou quand Tadej Pogacar a pris un virage trop au large, au plus près des roches. Mais le Slovène, résident monégasque depuis 2020, connaissait trop bien le coin pour être piégé et résonnait même dans sa tête la phrase de sa compagne, Urska Zigart, coureuse de l’équipe LivAlUla-Jayco, qui « déteste cette descente car on l’a tellement parcourue» .

Mais parce qu’il était un peu à la maison, qu’il est un glouton insatiable, le leader d’UAE ne voulait pas non plus, sur les 33,7km de ce contre-la-montre, se «reposer » , tout en ne prenant « aucun risque » . Il a su assez vite que c’était gagné, qu’il empocherait une sixième victoire, plus fort, plus rapide, que son adversaire de Visma-Lease a bike et que Remco Evenepoel, tous les deux relégués respectivement à 1’03 et 1’14. Il ne leur aura rien laissé, des miettes sur la nappe (1étape chacun) et dans la moiteur d’une fin de journée orageuse, il a déboulé devant une place Masséna conquise, surplombée par les forces de l’ordre juchées sur les toits environnants.

"Je ne peux pas décrire 
comment je suis heureux, 
après des erreurs lors 
des deux dernières années, 
ici tout a été parfait" 
   - TADEJ POGACAR

Un dernier virage à gauche, encore cent mètres, et le coureur de Komenda pouvait saluer la foule, se jeter dans les bras de son staff, de ses équipiers, tous vêtus de jaune, sauf Joao Almeida (5e de l’étape), arrivé un peu avant lui et qui n’avait pas eu le temps d’enfiler la tunique d’or. Happé par la foule, endigué par les membres de la sécurité, «Pogi» promenait alors son sourire d’enfant, qu’il n’est plus vraiment à 25ans: «Je ne peux pas décrire comment je suis heureux, après des erreurs lors des deux dernières années, ici tout a été parfait.» Pas un accroc dans le maillot jaune, pas un virus, une chute, pour lui barrer le chemin vers son rêve de doublé Giro- Tour au cours « d’une année incroyable» . Ses lieutenants, Marc Soler et Adam Yates, pouvaient le fêter, le porter même jusqu’aux jets d’eau de la place mais il a à peine été mouillé et c’était à se demander si le moment le plus pénible de sa journée, finalement, n’a pas été de soulever le massif trophée du vainqueur. Deux ans qu’il ne l’avait pas tenu entre ses bras.

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