Pogacar sort-il de nulle part?
Le 16 septembre 2016, aux Championnats d’Europe juniors, Tadej Pogacar, 17 ans, se classe troisième derrière deux jeunes Français, Nicolas Malle, médaille d’or, et Émilien Jeannière.
À dr., ce même jour, en course, devant l’Italien Samuele Battistella.
Le 10 avril de la même année, il s’était classé 13e de Paris-Roubaix juniors (ci-dessous).
Pas dominateur chez les jeunes, le Slovène n’était pas non plus totalement inconnu. Chaque année, il a progressé jusqu’à son explosion chez les professionnels.
"Pogacar se situait parmi les dix meilleurs mondiaux
chez les juniors sans être dominateur"
- PIERRE-YVES CHATELON, SÉLECTIONNEUR
DES ESPOIRS FRANÇAIS
"Il n’était pas sérieux, il ne s’entraînait pas beaucoup,
mais dans sa dernière année de juniors, il a vraiment explosé"
- JAKA PRIMOZIC, COUREUR SLOVÈNE DE LA
GÉNÉRATION DE POGACAR (HRINKOW ADVARICS)
"Un coureur lambda dans le peloton.
On parlait très peu de lui"
- DAMIEN TOUZÉ, QUI L’A CROISÉ
SUR DES COURSES DE JEUNES
27 Jul 2025 - L'Équipe
YOHANN HAUTBOIS
PONTARLIER (DOUBS) – Son nom est apparu pour la première fois dans nos pages, chez nos amis de Vélo Magazine, en juin 2016. Tadej Pogacar n’avait pas encore 18 ans (il les aurait trois mois plus tard) et il venait de remporter en mai une demi-étape de la Course de la Paix juniors, quelques heures après qu’Alexys Brunel eut pris le Maillot Jaune lors d’un petit chrono. « On s’était retrouvé avec lui et Alexys au contrôle antidopage, note Julien Thollet, sélectionneur de l’équipe de France Juniors. C’est mon premier souvenir de lui. »
Le Slovène, qui n’était pas un précoce chez les tout-petits (dernier de sa toute première course; 15e, meilleur résultat de sa première saison), n’est pas alors le cador du peloton – un argument de ses détracteurs pour dénoncer sa progression beaucoup trop explosive pour être honnête – mais il évolue tout de même dans des sphères assez élevées se rappelle PierreYves Chatelon, sélectionneur des Espoirs français: « Chez nous, Brunel marchait fort, il y avait aussi Marc Hirschi, Tanguy Turgis, Felix Gall, Brandon McNulty, Stefan Bissegger, Joao Almeida, Alessandro Covi… Mais ce n’était pas Remco Evenepoel qui, en 2018, était un phénomène et avait écrasé la saison. »
Le premier fait d’armes de celui qui n’est pas encore « Pogi » se déroule à Plumelec, en 2016, quand il prend la 3e place du Championnat d’Europe de la catégorie, battu par deux Français, le surprenant Nicolas Malle et Émilien Jeannière, aujourd’hui chez TotalÉnergies. Pour Chatelon, « Pogacar se situait parmi les dix meilleurs mondiaux chez les juniors sans être dominateur ». Il est même régulièrement battu par son compatriote, Jaka Primozic qui, aujourd’hui nuance sa propre supériorité : « Nous étions trois ou quatre coureurs avec Tadej et Jerman (Ziga, vainqueur de Gand-Wevelgem Espoirs en 2018, aujourd’hui dans le staff d’UAE). Lors de la Course de la Paix, on avait compris que Tadej était vraiment fort quand il était parti à une dizaine de kilomètres de l’arrivée. »
En 2015, junior 1re année, il n’avait pourtant remporté aucune course selon le décompte de ProCyclingStats, et cumulé seulement cinq tops 10. Mais Primozic rappelle sa croissance tardive : « Il était vraiment petit et fin. Il s’est développé plus tard. Quand vous avez 16-17 ans, il y a des différences si vous naissez en janvier ou en décembre, des gars peuvent être beaucoup plus forts physiquement. »
Et le coureur de chez Hrinkow Advarics (Continentale autrichienne) de se remémorer la première fois qu’il a été bluffé par «Tamau Pogi» (petit Pogi): «Je l’avais trouvé incroyable sur Paris-Roubaix juniors en 2015, il n’était pas du tout fait pour cette course avec ses 55 kg mais il s’était retrouvé devant (30e).» Avec son équipe de Radenska, il lui a fallu une année pour assimiler les codes d’un sport découvert à neuf ans dans le sillage de Tilen, son frère aîné.
Andrej Hauptman, aujourd’hui un de ses directeurs sportifs chez UAE, l’a alors pris sous son aile, embarqué sur des courses, principalement en Italie, au cours desquelles il a pris des tôles, aussi parce qu’il n’évoluait pas dans des conditions optimales. « Il n’était pas sérieux, sourit Primozic. Il ne s’entraînait pas beaucoup, il n’avait pas de plan d’entraînement comme d’autres. Mais dans sa dernière année de juniors, il a vraiment explosé, il était plus fort que nous, on ne pouvait plus le suivre. Chez les Espoirs, il a commencé à voler car son corps s’est développé. »
Chaque année, il est allé chercher des accessits (13 tops 10 en 2016, 14 en 2017, 20 en 2018), devenu, chez les Espoirs, champion du chrono de son pays en 2016 et, surtout, s’est imposé sur le très réputé Giro della Lunigiana. Pas assez pour faire peur aux coureurs français. Damien Touzé, plus âgé de deux ans, l’a affronté quelques fois et se souvient d’un coureur « lambda dans le peloton. On parlait très peu de lui. » Le coureur de Cofidis avait fini sixième des Mondiaux Espoirs gagnés par Benoît Cosnefroy en 2017, Pogacar seulement 20e. « C’est dur de comparer chez les jeunes, on n’a pas tous les mêmes moyens, poursuit-il. Grâce à la Fédération, nous faisions des stages de préparation, on avait de l’avance par rapport à la Slovénie. »
« Il n’était pas sous les radars non plus, comme pouvait l’être (Jonas) Vingegaard, souligne Châtelon. Il ne sortait pas de nulle part et sa victoire lors du Tour de l’Avenir en 2018 situe sa performance, d’autant qu’il avait chuté dans le col du Chaussy avant de combler le trou tout seul. Il avait gagné à la pédale, sans équipe. » Cette saison-là, il avait levé les bras à trois reprises (dont la Course de la Paix Espoirs). La suivante, il s’engageait avec UAE et remportait le Tour d’Algarve, celui de Californie, trois étapes de la Vuelta (3e du général)… La suite, on la connaît.
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