VINGEGAARD: « SI VOUS AVEZ REÇU UN DON, VOUS DEVEZ L’UTILISER »


Revenu de ses chutes, le Danois, double vainqueur du Tour (2022, 2023), se plonge sur ses motivations, son mental, et veut croire en ses chances face au Slovène Tadej Pogacar, son éternel rival, vainqueur des éditions 2020, 2021 et 2024.

"J’aime vraiment le cyclisme. Sortir mon vélo tous les jours, faire des courses, me battre pour la victoire…'' 
"Je suis capable de résister (mentalement) quand les choses se passent mal"
"Je trouve que c’est bien de déjà se projeter doucement (sur l’arrêt de carrière), car si vous n’anticipez pas, vous devez tomber dans un grand vide, sans savoir quoi faire"

4 Jul 2025 - L'Équipe
PIERRE MENJOT

SIERRA NEVADA (ESP) – Ce matin de mai, le brouillard était épais sur les montagnes de Sierra Nevada, en Espagne. Cela n’empêchait pasles coureurs duTour, tous enstage d’altitude, desortir le vélo. Parmi eux, Jonas Vingegaard, casque rouge et blanc, ne voulait surtout pas louper la séance. Le Danois de Visma-Lease a bike, 28 ans, a enfin vécu une préparation optimale, à l’exception de quelques jours passés à récupérer d’une commotion cérébrale survenue lors de Paris-Nice, début mars. Plus que jamais, il veut croire en lui pour la victoire au Tour, comme il l’a détaillé pourJonas Vingegaard, lors de la présentation officielle des coureurs du Tour, hier, à Lille.

L’Équipe, même face à Tadej Pogacar, qui l’a entre-temps dompté au Dauphiné (2e à59’’ du Slovène). 


Jonas Vingegaard (à g.) et Tadej Pogacar franchissent la ligne ensemble, le 15 juin, 
au Val-Cenis (Savoie), terme de la 8e et dernière étape du Critérium du Dauphiné, 
que le Slovène a remporté devant le Danois (à 59’’).

Vous revoilà au départ du Tour, face à votre meilleur rival, Tadej Pogacar. Pensez-vous souvent à ce duel, à lui?

Non. Pour être honnête, je me concentre davantage sur moi au quotidien, comment faire de bons entraînements, et donner le meilleur de moi-même. Carje sais, enrevanche, combien il est fort. Mais j’ aime m’ entraîner, prendre mon vélo et sortir rouler. Je ne cherche pas de motivation supplémentaire en pensant à un adversaire, j’aidéjà énormément de motivation sans ça.

Vous répétez tous les deux que cette rivalité est positive, mais sans lui, vous auriez peut-être déjà quatre Tours de France au palmarès. N’est-ce pas paradoxal?

Je pense–et j’ imagine que c’ est la même chose des on côté–que le cyclisme serait plus ennuyeux, et que ça le serait pour nous deux, si on remportait chaque étape de montagne avec deux minutes d’ avance. Cela n’ a rien d’ amusant quand tout est prévisible. Évidemment que j’ aimerais avoir déjà remporté trois ou quatre Tours, mais je préfère qu’ on ait cette rivalité plutôt que d’avoir gagné quatre Tours avec dix minutes d’ avance à chaque fois.

En 2023, Pogacar revenait d’une blessure au poignet gauche et vous aviez gagné. L’an dernier, vous reveniez d’une lourde chute au Pays Basque et il s’est imposé. Cette année, avec vos deux approches optimales, le résultat définira-t-il vraiment qui est le meilleur?

Celadira qui est le meilleur maintenant, mais rien de définitif pour les prochaines années. S’il l’emporte là, cela voudra-t-il dire que je ne gagnerai plus jamais le Tour? Non. Vous ne savez jamais ce qui peut se passer, je peux faire un grand pas en avant la saison prochaine et gagner à nouveau.

Et si vous l’ emportez dans trois semaines, serait-ce une revanche après vos chutes, l’an dernier et encore à Paris-Nice enmars?

Pas une revanche, plutôt un soulagement, de montrer que… (Il s’interrompt.) Je crois que tout le monde a vu que j’ ai été assez mal chanceux l’ an dernier. Et montrer que je suis encore là, que je peux encore lutter pour la victoire, oui, ceserait un soulagement.

Vous courez pour quoi? Lavictoire? La célébrité? L’argent?

J’ aime vraiment le cyclisme. Sortir mon vélo tous les jours, faire des courses, mebattre pour la victoire bien sûr… Tout ça me donne la motivation pour m’ entraîner au quotidien. Rafael Nadal parlait du “sentiment de responsabilité, defaire les choses de la meilleure façon possible ’’.

Vingegaard termine blessé la 5e étape de Paris-Nice, à la Côte-Saint-André (Isère), le 13 mars, et perd son maillot de leader. Touché à la main gauche, il abandonne le lendemain.

Tout à fait. Si vous sentez que vous avez reçu un don, si je peux le dire ainsi, vous devez l’utiliser, sinon il s’envole. D’une certaine manière, j’ ai reçu ce don, et ça me motive de le sentir. Quand vous vous sentez bien à l’entraînement, que vous souffrez mais que ça vous paraît normal, comme ces dernières semaines pour moi, c’est tellement agréable. C’ était moins le cas il y a un an, après votre chute au Tour du Pays Basque. 

Vous évoquiez une période difficile pour votre famille et vous. Pourquoi avoir tout fait pour revenir si rapidement?

Il y a plusieurs raisons. Déjà, le Tour est de loin la plus grande cours eau monde, et y être au départ avec le dossard numéro 1 (réservé au vain queur sortant), c’est spécial. En même temps, ma femme était enceinte, le terme était prévu pendant la Vuelta, donc faire le Tour d’Espagne n’ était pas une option. Entre faire le Tour ourien, je me suis dit autant tenter d’être là et on verra où ça me mène.

Au départ à Florence, il y avait “beaucoup d’émotions’’, selon vos mots. Les quelles?

Je me souviens d’ un moment, avant la première étape. J’ ai vu ma femme et ma fille présentes avant le départ et tous les moments difficiles traversés nous sont revenus en un instant. On a pleuré tous les deux, maisc’est normal, j’imagine. C’était beaucoup d’ émotions pour notre famille.

Vous avez pleuré a' ud' é part, puisau Lioran après votre victoire (11eé tape ), à Isola 2000(19 e étape) quand vous avez compris que vous ne gagne riez pas. Vous ne cherchez pas à cacher vos émotions?

Non, non, c’est vraiment old school de penser qu’ un homme n’ a pas le droit de pleurer. Montrer ses émotions me semble encore plus fort qu’essayer de les masquer. Parfois, elles prennent tellement de place. Le jour d’Isola (le 19 juillet 2024), j’étais complètement vidé, je ne savais même pas si je serais capable de terminer le Tour. Donc ce sont des choses qui arrivent, comme après mon premier Maillot Jaune surle Tour (en 2022).

Vous estimez-vous fort mentalement?

Je crois que c’est ma qualité principale. Je suis capable de résister quand les choses se passent mal.

Comme l’ étape du Lioran, l’ an dernier, où vous revenez après que Poga car vous a lâché?

Voilà. Et l’été précédent aussi. Être lâché plusieurs fois par Ta de jet réussir à revenir, garder foi en moi, je pense que ça montre combien je peux faire face. C’ est quelque chose que j’ ai appris avec les années, car je ne suis pas un leader né. Tout le monde connaît l’ histoire au Tour de Pologne(*), je n’étais pasaussi fort que maintenant, même si je n’ abandonnais pas facilement nonplus. J’ai appris avec l’équipe, avec Primoz (Roglic), Wout (Van Aert), et ma femme a aussi joué un grand rôle. Avez-vous peur, parfois? Il y a deux ans, vous jouiez les poissons-pilotes pour Christophe La porte au Dauphiné dans les derniers kilomètres, mais depuis votre chute en avril 2024, vous semblez plus précautionneux. Je n’ai paspeur, mais je fais plus attention, oui. Je suis encore là hein, pas mal placé. Quand je me revois avant, on dirait que je n’avais peur de rien. ( Il réfléchit.) Peut-être que je ressens un peu la peur, oui, pas de tomber, mais j’ai conscience de ce qui peut arriver et je fais un peu plus attention. Alors que, dans le peloton, j’ai le sentiment que tout le monde prend beaucoup plus de risques qu’il y aquel ques années.

Vous-êtes encore jeune (28 ans ), mais pensez-vous parfois à la fin de votre carrière?

Oui, j’y pense. Je trouve quec’est bien de déjà se pro jeter doucement, car si vous n’anticipez pas, vous devez tomber dans un grand vide, sans savoir quoi faire. Moi, je pense que je resterai à la maison, en famille, à chercher des choses à faire ensemble. Mais être plus présent pour eux, mes enfants surtout, et, quand ils seront plus grands, je pourrai ànouveau m’ occuper un peu de moi.

À quelle échéance imaginez-vous cette fin?

J’ai “déjà” (il mi me les guillemets) 28 ans, encore quatre de contrat (jusqu’à fin 2028)… Onverracomment je me sens à ce moment-là. Vais-je perdre la motivation demainetarrêter? Non, cela n’arrivera pas, pas demain en toutcas, mais, je veuxdire, cela peut arriver. Ça dépend combien de temps encore j’ apprécie cette vie-là .»


(*) En 2019, nouveau leader au soir de l’avant-dernière étape, le Danois n’avait pas dormi de la nuit et explosé le lendemain (81e de l’étape, 26e du général remporté par le Russe Pavel Sivakov).

***

EN BREF
28 ANS (DAN)
Professionnel depuis août 2018. 
Équipe : Visma-Lease a bike.
Ses Tours de France : 1er en 2022 et 2023 ; 2e en 2021 et 2024 ; meilleur grimpeur en 2022 ; 4 étapes remportées.
Août 2019 : première victoire en World Tour (6e étape du Tour de Pologne).
Palmarès : Semaine internationale Coppi et Bartali 2021 ; Drôme Classic 2022 ; Critérium du Dauphiné, Tour du Pays Basque et 2 étapes du Tour d’Espagne 2023 ; Tirreno Adriatico et Tour de Pologne 2024 ; Tour de l’Algarve 2025.

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