14 secondes

4 Jul 2025

Vélo Magazine

par Gilles Comte

Qu’il accélère ou qu’il lève le pied, Tadej Pogacar est accusé d’arrogance. Au Dauphiné, le dernier Vélo d’or a plié la course en l’espace de quarante-huit heures, sur un mode opératoire identique et guère excitant (une seule accélération loin du sommet), à une nuance près: au lendemain de son succès à Combloux, le champion du monde a orchestré le rapproché de Jonas Vingegaard dans le dernier kilomètre menant à Valmeinier 1800, comme s’il avait cherché à lui épargner une humiliation inutile et ménager son mental si près du Tour de France. Pointé à une minute à la flamme rouge, le Danois était ainsi revenu à 14 secondes sur la ligne, suggérant un rééquilibrage du rapport de force qui ne pouvait être que favorable au plus faible des deux. D’humiliation, en réalité, il en a bien été question. Criarde tant elle était insidieuse. Un coup de génie en matière de perfidie. Sous l’apparence d’un commentaire d’après-course sans importance, de paroles en l’air, Tadej Pogacar avait expliqué qu’il s’était relevé dans le dernier kilomètre pour gagner du temps dans sa récupération, un peu comme on passe sur les rouleaux pour se décontracter les muscles et éliminer les toxines aussitôt la ligne franchie. L’écart aurait-il doublé plutôt que fondu dans le dernier kilomètre qu’il n’aurait pas affecté davantage Vingegaard, traité comme un rival négligeable, ramené au statut de faire-valoir. Quatorze secondes, la pire des vexations. Avant l’ascension finale, Pogacar était allé lui-même chercher un bidon auprès de son directeur sportif pour ravitailler son équipier Pavel Sivakov, qui roulait en tête de peloton : une marque d’humilité qui pouvait signifier aussi son contraire. Des coureurs en file indienne n’aiment pas sentir un élément qui semble se jouer d’eux. On promet un retour de bâton, on prédit une réaction des offensés, un jour, plus tard. On ne voit jamais rien venir…

L’arrogance est-elle un défaut lorsqu’on a les moyens de sa politique ? Il n’y a pas de champions sans orgueil, dont l’arrogance est l’émanation la plus directe, l’interprétation sans filtre et parfois maladroite. Les plus grands noms du cyclisme s’en sont toujours nourris, avec plus ou moins d’insolence et de forfanterie, mais avec le même capital de fierté. Hinault en jaune qui gagne l’étape des Champs-élysées en 1979 à l’issue d’une échappée avec Zoetemelk (son Vingegaard à lui) ou, dix ans plus tôt, Merckx, pourtant hors de portée au classement général, qui se lance dans une chevauchée solitaire de 130 km dans la grande étape pyrénéenne, n’ontils pas été entraînés par leur orgueil démesuré? On n’est pas censé apprécier les arrogants, mais on peut aimer les orgueilleux.

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4 Jul 2025

Vélo Magazine

di Gilles Comte

Sia che acceleri sia che rallenti, Tadej Pogacar è accusato di arroganza. Nel Delfinato, l'ultimo vincitore del Vélo d'Or ha piegato la corsa nel giro di quarantotto ore, utilizzando un modus operandi identico e poco entusiasmante (un'unica accelerazione dalla vetta), con una differenza: il giorno dopo il successo a Combloux, il campione del mondo ha orchestrato la chiusura di Jonas Vingegaard nell'ultimo chilometro che portava a Valmeinier 1800, come se avesse cercato di risparmiargli un'inutile umiliazione e di risparmiare, così a ridosso al Tour de France, il proprio stato mentale. Il danese ha accumulato un minuto di ritardo al triangolo rosso (dell'ultimo km, ndr) e 14 secondi all'arrivo, lasciando intendere che il rapporto di forze si è spostato a favore del più debole dei due. In realtà, si trattava di una questione di umiliazione. Era così insidioso da essere lampante. Un colpo di genio perfido. Con la scusa di un commento post-gara di poco conto, di una chiacchiera inutile, Tadej Pogacar aveva spiegato di essersi alzato nell'ultimo chilometro per guadagnare tempo nel recupero, un po' come quando si va sui rulli per rilassare i muscoli ed eliminare le tossine non appena si taglia il traguardo. Se nell'ultimo chilometro il distacco fosse raddoppiato anziché ridursi, non avrebbe più interessato Vingegaard, che è stato trattato come un rivale trascurabile, ridotto al rango di tirapiedi. Quattordici secondi, l'infrazione peggiore di tutte. Prima della salita finale, lo stesso Pogacar era andato a prendere una bottiglia d'acqua dal suo team manager per rifornire il proprio compagno di squadra Pavel Sivakov, che stava pedalando in testa al gruppo: un segno di umiltà che potrebbe anche significare il contrario. I corridori in fila indiana non amano sentirsi presi in giro. Promettiamo un contraccolpo, prevediamo una reazione da parte dell'offeso, un giorno, più tardi. Non lo vediamo mai arrivare...

L'arroganza è un difetto quando si hanno i mezzi per attuare la propria politica? Non esistono campioni senza orgoglio, di cui l'arroganza è l'emanazione più diretta, l'interpretazione non filtrata e talvolta maldestra. I più grandi nomi del ciclismo se ne sono sempre nutriti, con diversi gradi di insolenza e vanagloria, ma con lo stesso capitale di orgoglio. Hinault in giallo, che vinse la tappa degli Champs-Elysées nel 1979 dopo una fuga con Zoetemelk (il suo Vingegaard) o, dieci anni prima, Merckx, fuori portata nella classifica generale, che si imbarcò in una cavalcata solitaria di 130 km nella grande tappa pirenaica, non si lasciarono trasportare dal loro smodato orgoglio? Gli arroganti non dovrebbero piacere, ma gli orgogliosi sì.