Seixas éclipse Gaudu
Vainqueur du prologue et du chrono de clôture à La Rosière (ci-dessus), Paul Seixas
a imposé sa loi au Tour de l’avenir grâce à sa supériorité dans l’exercice en solitaire.
Le très attendu Paul Seixas s’offre le Tour de l’avenir, neuf ans après le dernier vainqueur français, David Gaudu. Justement la semaine où le Breton décroche une étape puis une journée en tête d’un Grand Tour, la Vuelta.
5 Sep 2025 - Vélo Magazine
Par Jean-François Quénet
Seixas, pas dans sa meilleure forme !
C’est toujours a posteriori, lorsque les carrières des coureurs ont pris fin, que se détermine la qualité de telle ou telle édition du Tour de l’avenir. Mais il y a peu de risques de se tromper à alléguer que celle de 2025 restera dans les annales, et pas seulement parce que son vainqueur s’appelle Paul Seixas, premier Français champion du monde juniors contre-la-montre (alors qu’il est estampillé grimpeur), premier Français professionnel en World Tour à seulement 18 ans (au fait, il n’aura 20 ans que le 24 septembre 2026 à la veille des Mondiaux Élites de Montréal).
Il y a du lourd dans le top 10 final de ce Tour de l’avenir : la petite bombe belge Jarno Widar, 19 ans, double vainqueur d’étapes, à Tignes et La Rosière, des noms de lieux qui parlent aux montagnards, le fluet Norvégien Jorgen Nordhagen, 20 ans, champion du monde juniors de ski de fond l’année dernière, l’italobritannique Lorenzo Finn, encore plus jeune que Seixas (de trois mois), l’équatorien Mateo Ramirez, 19 ans, recruté par UAE Team Emirates en juin et dauphin de Widar au très montagneux Tour du Val d’aoste en juillet, l’espagnol Pablo Torres, 19 ans lui aussi, garçon de grande éducation, rempli de satisfaction par sa septième place alors qu’il était deuxième l’an passé.
Rappelons que la catégorie du Tour de l’avenir, c’est moins de 23 ans. Les coureurs nés en 2003 et 2004 sont donc soit des professionnels accomplis comme Isaac Del Toro, soit dépassés par leurs cadets, soit à maturité tardive. La hiérarchie bougera, comme toujours. On demande à revoir le Provençal Maxime Decomble, cinquième après avoir été leader. Paul Seixas, qui a remplacé le Giro Nextgen, initialement à son programme, par le Critérium du Dauphiné (8e), ne disputera pas d’autres courses Espoirs. Il n’était pas obligé de mettre en jeu sur le Tour de l’avenir sa réputation déjà très élevée. Forfait au Tour de l’ain (malade), il n’était pas non plus au mieux de sa forme, dit-il...
Auteur d’un dépassement audacieux dans une arrivée en côte,
David Gaudu a signé l’une des plus belles victoires de sa carrière sur la 3e étape de la Vuelta,
devant Mads Pedersen et Jonas Vingegaard (en rouge).
Gaudu rebondit
David Gaudu avait bien démarré une saison axée sur le Giro et le Tour en battant Adam Yates dans une étape du Tour d’oman. Mais c’est sur la Vuelta que le Français a brillé. Après sa victoire lors de 3e étape, il a vite analysé la situation : « J’ai raté mon Giro, j’ai renoncé au Tour et je gagne en Italie sur la Vuelta ! » Gaudu avait à peine retrouvé ses esprits qu’un flash a traversé sa mémoire : « Ma dernière victoire en World Tour remonte à l’étape du Dauphiné (2022) où j’avais battu Wout (van Aert), et ici c’est Mads (Pedersen) !»
Le Breton gagne peu mais bien. Dans le Piémont, il a pris le dernier virage à l’intérieur et dépassé le caïd danois dans une manoeuvre à la Max Verstappen qui restera l’un des chefs-d’oeuvre de la saison 2025. Le lendemain, à l’occasion d’une arrivée inédite de la ronde espagnole dans les Alpes françaises, à Voiron, il s’est fait la peau à l’approche du sprint pour délester Jonas Vingegaard du maillot rouge qui fera du bien à sa collection, même s’il était évident que le bonheur n’allait durer qu’un jour, le temps d’un contrela-montre par équipes où il a pu s’appuyer sur Stefan Küng, Rémi Cavagna et... Thibaud Gruel – on reverra ce jeune Tourangeau promis à un bel avenir !
Après avoir prolongé son contrat, Gaudu apporte une éclaircie à la saison terne de Groupama-fdj qui demeure toutefois dans la première moitié du World Tour sur le cycle 2023-2025 et peut repartir pour trois ans au plus haut niveau mais sans autre perspective que celle de jouer au petit poucet face aux mastodontes à cinquante millions d’euros l’année, dont la future Decathlon-CMA CGM.
Philipsen, Ayuso et Vingegaard en rattrapage
Troisième Grand Tour par ordre chronologique, la Vuelta est vraiment la session de rattrapage, pas seulement pour David Gaudu et Groupama-FDJ. Tadej Pogacar l’avait à son programme de la saison, mais sa tendance de plus en plus marquée à l’asociabilité sur les courses par étapes, l’a incité à renoncer après son quatrième Tour de France victorieux, ce qui a rouvert la porte de son Tour national à Juan Ayuso, son meilleur ennemi en interne, chez UAE Team Emirates. En se bouchant les oreilles, le numéro 1 espagnol actuel a ainsi pu remporter sa première étape de la Vuelta après en avoir fait autant en mai au Giro. Mais, dans le même temps, Ayuso a également confirmé ses grandes difficultés à s’inscrire dans un projet collectif. Parmi les grands de ce monde, Visma-lease a bike apparaît comme la meilleure équipe même si l’addition des individualités et des résultats placent UAE en tête de tous les tableaux. Jonas Vingegaard avait, comme Pogacar, prévu de doubler Giro-Tour. En l’absence du Slovène, il valide sa « zoetemelkisation ». Le Néerlandais, meilleur dauphin d’eddy Merckx et de Bernard Hinault, avait confortablement remporté la Vuelta 1979 après quatre places de deuxième au Tour de France. Vingegaard était attendu à l’angliru, où il s’était révélé en 2020, sur son premier Grand Tour, au service de Primoz Roglic. Mais, en grand champion, il a commencé par saisir deux opportunités de s’imposer, à Limone Piemonte et Valdezcaray, puisque le but du jeu reste malgré tout de gagner des courses. Jasper Philipsen n’en pense pas moins. Rétabli à temps de ses blessures de juillet, il devient le premier sprinteur de l’ère moderne à remporter coup sur coup la 1re étape du Tour de France et celle de la Vuelta et par conséquent à endosser le Maillot Jaune et le rouge la même année.
Prodhomme affole les compteurs
Depuis le début de la saison, le grimpeur de la formation Decathlon-AG2R La Mondiale
Nicolas Prodhomme empile les succès, dont ici le classement général de la Route d’Occitanie.
Fin avril, quand Paul Seixas a désobéi à sa direction de Decathlon-ag2r La Mondiale pour laisser à Nicolas Prodhomme une victoire d’étape au Tour des Alpes, il n’imaginait pas que c’était pour son coéquipier, modèle de coureur dévoué au collectif, le début d’une sacrée série : 19e étape du Giro, 3e étape et général de la Route d’occitanie, 2e étape du Tour de l’ain devant Cian Uijtdebroeks, le vainqueur final. Par la suite, Nicolas Prodhomme, 28 ans, a parfaitement géré sa coupure de juillet pour faire de cette année sa grande année. Dans l’échappée à la Polynormande, il ne sent pas les pédales et s’en va conquérir une sixième victoire, après le numéro en solitaire, 62 bornes en tête sur les 62,5 km de cette 8e manche du Trophée Madiot, du cadet nantais Thomas Moreau ! « Je voulais que la victoire reste dans l’équipe et à un coureur normand », confie Prodhomme, originaire de l’orne et couronné à Saint-martin-de-landelles, un an après son complice Paul Lapeira, pour le plus grand bonheur du maître des lieux, Daniel Mangeas, revenu au micro pour l’occasion à la suite d’un AVC. 1965-2025 : soixante ans qu’il anime des courses de vélo dans son village ! Le public, toujours nombreux, vient-il surtout pour entendre à nouveau la voix légendaire du cyclisme français ? Il applaudit aussi à tout rompre le Français le plus victorieux de la saison à la fin août.
La première de Bisiaux
Paul Seixas défraye tant la chronique dès sa première année pro qu’on en oublierait facilement Léo Bisiaux, son aîné d’un an et demi. Mais le grimpeur de Riom a la bonne idée de remporter sa première victoire pro au Tour de Burgos, juste avant d’effectuer ses débuts en Grand Tour à la Vuelta, l’été où un autre Auvergnat, Romain Bardet, quitte en douceur la compétition, non sans ressentir les derniers frissons de la gagne, en Suède, sur le nouveau circuit gravel. Avant Bisiaux, le plus jeune leader de l’histoire du Tour de Burgos était Remco Evenepoel, en 2020. Mais, à la différence du Belge, le Français perd son maillot aux Lagunas de Neila, la traditionnelle ascension du dernier jour, au profit d’isaac Del Toro, insatiable depuis sa 2e place au Giro. Ce dernier, vainqueur notamment du Tour d’autriche, a pris le pas sur Juan Ayuso sur le circuit de Getxo. Définitivement ?
Triplé à Plouay
La Néerlandaise Mischa Bredewold est la première coureuse
à s’imposer à trois reprises sur le Grand Prix de Plouay.
L’actualité féminine, forcément, baisse d’un ton après le Tour de France de Pauline Ferrand-prévot et Maeva Squiban aux audiences télé phénoménales. Deux épreuves sont au menu de L’UCI Women’s World Tour. L’une, le Tour de Romandie, de création récente (2022), permet à la FDJ-SUEZ de remporter une nouvelle course par étapes, par le biais de sa Suissesse Élise Chabbey, soutenue par Juliette Labous (7e) qui se rapproche des cinquante jours de course comprenant la Vuelta, le Giro et le Tour ! L’autre, il est bon de le rappeler car tout n’est pas neuf chez les filles, est né vingt ans plus tôt le Grand Prix de Plouay, dans la foulée des Mondiaux qui avaient converti le village breton à la mixité et à l’étalement des compétitions. Si l’allemande Regina Schleicher reste à jamais la première, en 2002, des grands noms défilent au palmarès : Nicole Cooke, Fabiana Luperini, Annemiek van Vleuten, Marianne Vos, Lizzie Deignan (à trois reprises), Anna van der Breggen, Elisa Longo Borghini... Mischa Bredewold devient la première à s’imposer trois fois d’affilée. La Classic Lorient Agglomération-ceratizit (son nom actuel) délivre un podium 100 % néerlandais avec l’inusable Marianne Vos et l’émergente Eline Jansen qui se plaît en Bretagne. Déjà lauréate dans les parages de la Classique Morbihan en mai, elle termine sixième du Kreiz Breizh Élites Féminin, remporté deux jours avant le rendez-vous de Plouay par Elisa Longo Borghini, devant Margaux Vigié. À sa troisième édition, le Tour de l’avenir Femmes consacre Isabella Holmgren, lauréate, comme Paul Seixas, du prologue de Tignes et du contre-la-montre final à La Rosière. La Canadienne, elle, ne lâche pas le maillot de leader tandis que l’ardéchoise Célia Géry remporte trois étapes sur sept !
De Lie muscle son palmarès breton
Déjà victorieux du GP du Morbihan et du Tro Bro Leon,
Arnaud De Lie a une nouvelle fois imposé sa patte en Bretagne en levant les bras à Plouay.
Arnaud De Lie compte déjà trente victoires pros à 23 ans. Il est l’un des coureurs les plus appréciés en interview au Tour de France mais n’a encore découvert ni le Giro ni la Vuelta ni leurs courses satellites (Tirreno-adriatico, Tour de Catalogne, Tour du Pays Basque). En revanche, son palmarès breton a fière allure, au rythme d’une victoire par an : Plumelec en 2023, le Tro Bro Leon en 2024, Plouay en 2025. Ce sont les trois plus belles d’une région qui adore par affinité agricole « le Taureau de Lescheret ». Même quand la Bretagne Classic muscle son parcours, aucune côte du massif armoricain ne lui est insurmontable. Il s’impose au sprint, dans un peloton de soixante-dix unités, sur le bien nommé boulevard des Championnats du monde (un quart de siècle, déjà, que le Letton Romans Vainsteins y a décroché l’arc-en-ciel. Et, pour qui se demande ce qu’il devient, il a été arrêté, en mars dernier, à l’aéroport de Bergame, pour violation de ses obligations familiales…). « Je voulais gagner ici, j’étais déjà passé près en juniors, troisième du Championnat d’europe 2020, rappelle le Wallon. Ça reste un grand plaisir de rouler en Bretagne, on ressent un énorme engouement. »
Lapeira et Godon en chassé-croisé
Les bases de données compilant les résultats cyclistes sont fort pratiques, de nos jours, mais elles ne doivent pas effacer la mémoire des faits de course. Rappelons qu’il n’a manqué qu’un kilomètre à Paul Lapeira pour conserver son titre de champion de France, revenu à son coéquipier Dorian Godon, emmené au sprint par Nicolas Prodhomme. Ces trois coureurs de Decathlonag2r La Mondiale n’ont pas disputé le Tour de France mais assurent la continuité de l’été. Le 5 août, Lapeira est le premier du trio à retrouver le chemin de la victoire, au Tour de Pologne, où une chute l’impliquant alors qu’il portait le maillot de leader impose la neutralisation d’une étape. Malgré ses côtes fissurées et douloureuses, il joue un grand rôle dans la victoire de Prodhomme à la Polynormande que Lapeira avait remportée avec le maillot tricolore un an plus tôt. Godon ne pouvait faire moins que de gagner à son tour en bleu-blanc-rouge. Il y parvient aux 2e et 4e étapes du Tour Poitou-charentes en battant au sprint Arnaud Démare, bloqué à trois victoires de la centième depuis Paris-chauny en septembre 2024. Les deux courses par étapes de Nouvelle-aquitaine sont remportées par des Français qui ne comptaient pas encore de classement général à leur palmarès : le Breton Ewen Costiou au Tour du Limousin et le Nordiste Samuel Leroux au Tour Poitou-Charentes. D’autres premières interviennent : première victoire pro pour Tom Donnenwirth au Tour de l’Ain, pareil pour Thomas Gachignard en Limousin après avoir courageusement bouclé le Tour de France en dépit de la maladie. Jamais jusqu’alors un Monégasque n’avait gagné en World Tour, Victor Langellotti l’a fait, à 30 ans, à Bukowina Tatrzanska, terme de l’étape reine du Tour de Pologne où il a supplanté l’américain Brandon Mcnulty, vainqueur final.
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