Au tour de Vauquelin


Quatrième de l’étape au prix d’un effort démesuré, Kévin Vauquelin a ravi le maillot 
jaune de leader à son compatriote Romain Grégoire, qui se retrouve 13e à 5’31’’.

Romain Grégoire décroché, c’est le Normand qui a récupéré le maillot jaune, mais Joao Almeida s’est (encore) rapproché de la victoire finale.

"De jour en jour, il m’impressionne, je 
ne l’ai jamais vu à un tel niveau"
   - EWEN COSTIOU, COÉQUIPIER 
     DE KÉVIN VAUQUELIN

"Je n’avais pas imaginé être en position de jouer le général, 
mais c’est sympa pour l’équipe"
   - JULIAN ALAPHILIPPE

20 Jun 2025 - L'Équipe
YOHANN HAUTBOIS

SANTA MARIA IN CALANCA (SUI)- À ce moment de la course, pour les coureurs au mental et physique aussi solides qu’une fondue suisse, les cloches juste après la borne du dernier kilomètre sonnaient le glas de leurs espoirs d’en finir avec dignité, autrement que la bouche et le maillot ouverts. Elles les alertaient également qu’ils n’en avaient pas fini avec l’étape, qu’il restait encore un tour gratuit avant de franchir la ligne d’arrivée, après avoir déjà englouti le col de San Bernardino et ses paysages sublimes.

Mais les instruments en cuivre et en étain n’appartenaient pas à l’organisation, ni à un troupeau de vaches à la robe caramel, ils pendaient au cou de bipèdes, à la peau rougie par un soleil de feu. Quel bovidé aurait pu grimper jusqu’à Santa Maria in Calanca sans se casser une patte ou tout simplement passer une fesse dans les sentes étroites menant à ce petit village toisant tout un peloton qu’il attendait de classer selon ses mérites? Dans l’ordre, Oscar Onley qui remporte cette étape autour de laquelle il tournait depuis quelques jours (3e à Heiden, 2e à Piuro), son dauphin Joao Almeida dont l’orbite se rapproche dangereusement de la première place du général (7e le matin, 3e hier soir) mais surtout Kévin Vauquelin.

Le Normand d’Arkéa-B & B Hôtels a mordu dans le guidon comme jamais pour aller chercher ce maillot jaune que Romain Grégoire a porté fièrement depuis le début de l’épreuve. La tunique de leader change d’épaule, pas de nationalité, et si le coureur de Groupama-FDJ a pris un éclat (6’53’’), il a su toute la semaine se mettre à la planche et dépasser ses limites en montagne (voir cicontre). Lui succède un autre Français, donc, mais jusqu’à quand, avec seulement 39 secondes d’avance sur Almeida? La formation UAE joue un peu les maîtres du temps, sûre de sa force collective (même si elle a été piégée bêtement dimanche dernier) et de la forme de son leader, deux fois à l’attaque sur les pentes de Castaneda, une première pour rien, la seconde pour prendre le large avec Oscar Onley et gratter encore 57 secondes à Vauquelin.

Après cinq jours à pratiquer l’intox, estimant chaque matin qu’il était presque impossible de revenir sur les échappés du premier jour, les discours avaient évolué chez UAE. Alors que Kévin Vauquelin, faute de rouleaux, effectuait des ronds dans la zone d’arr i v é e p o u r a n t i c i p e r l a récupération, Mauro Gianetti, le manager général, devisait d’abord sur le ton de la résignation, battu d’avance: «Vauquelin a montré qu’il est en très bonne condition. Honnêtement, cela ne va pas être facile, il est leader, il y aura la motivation et il vendra chèrement sa peau. On doit y croire, mais je ne sais pas encore quel temps Joao a comme retard au général… » Il regarda son téléphone : « Julian (Alaphilippe) est à 29 secondes,

Joao, à 39 secondes. Pas facile, mais faisable. Je pensais qu’on avait plus de retard, qu’on était à la minute. Belle opération finalement. » Son sourire annonçait qu’il n’attendrait pas la messe dans deux jours, une stratégie offensive anticipée par Mickaël Leveau, le directeur sportif de l’équipe bretonne: «ils veulent encore gagner des secondes. On est prêts à ça. On a un coup d’avance, on va s’en servir jusqu’au contre-la-montre.»

Ewen Costiou, encore solide dans le plat après la première ascension de Castaneda ( « j’ai roulé pour enterrer Grégoire, c’est top de prendre le jaune»), ne se faisait aucune illusion sur ce qui se préfigure: les grosses pattes d’UAE vont leur appuyer sur la nuque, peut-être même dès l’étape à venir, pas si plate jusqu’à Neuhausen am Rheinfall. «Ce serait un peu risqué d’attendre le chrono pour reprendre du temps à Kévin, car il est vraiment très bon dans cet exercice, rappelait le coureur breton. De jour en jour, il m’impressionne, je ne l’ai jamais vu à un tel niveau. Cela nous motive tous à l’emmener le plus loin possible.»

Jusqu’à dimanche et ce chrono en côte «pas à mon avantage, estimait pourtant le Normand. Si je peux accrocher un top 5 au général, ce sera déjà exceptionnel. Ça va être compliqué, on ne va pas se mentir. Mais on va se battre jusqu’au bout. C’est incroyable pour moi de porter ce maillot sur une course World Tour, c’est déjà une grosse étape dans ma carrière.»

Vainqueur de l’étape à Bologne, sur le Tour l’été dernier, le coureur de Bayeux se rapproche un peu plus d’un cercle en haute altitude, qu’il a encore côtoyé sous la tente protocolaire, assis sur une chaise en plastique à côté d’Alexander Vlasov (nouveau meilleur grimpeur), d’Almeida, et pas loin de son dauphin au général, Julian Alaphilippe, encore vivant et qui a tenté d’aller, enfin, en chercher une, à quatre kilomètres du terme: «je suis content d’avoir fait partie du groupe de tête. Je n’avais pas imaginé être en position de jouer le général, mais c’est sympa pour l’équipe. » Mot pour mot ce que Vauquelin aurait pu déclarer mais lui semblait vraiment content de son sort. Avant de monter sur le podium pour s’habiller de jaune, cela méritait bien un petit coup de polish sur ses chaussures immaculées.

***

« Je suis un peu le chewing-gum qui colle aux baskets »

Y. H. DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL

Quatrième de l’étape et nouveau leader du Tour de Suisse, devant Julian Alaphilippe et Joao Almeida, Kévin Vauquelin tentera de défendre son petit matelas (39 secondes) jusqu’à dimanche.

“Des gens extérieurs, comme Mauro Gianetti, me disent de croire en moi ''

« En passant la ligne, vous avez dit « je suis mort »…

Qui n’est pas mort? Je pense qu’ Oscar (Onley, vainqueur de l’étape) et Joao (Almeida) ont fait leur maximum aussi pour se faire péter. C’est normal enmontagne, quandtu joues le général.

Il vous reste de l’essence dans le moteur ?

Je pense queoui, car mentalement, cela meten confiance. Il faut être plus résistant aumaldansles moments qui comptent, rester la tête câblée et courir juste.

Vous envisagiez de perdre combien de temps au maximum, aujourd’hui (hier) sur Almeida ?

J’envisageais juste defaire une belle étape pour mesituer. L’an dernier, je pétais quandil restait soixante mecs dans le peloton parce queje n’étais pas commeil fallait. Et là, je meretrouve à l’avant, àfaire top 5sur des étapes demontagne. Je nevais pas me mettre depression, j’ai encore beaucoup demarge, de l’expérience àprendre. Lecorps aussi abesoin defaire des efforts commeça, ce sera bénéfique.

Comment voyez-vous les trois prochains jours ?

Cesont des arrivées encore punchy, il faudra mettre la jambe. Onvacourir aujour le jour. Onest diminués par deux abandons (Elie Gesbert et Laurens Huys), cela ne va pas être simple degérer la course. Almeida dit ques’ils n’essaient pas tous les jours, ils n’y arriveront jamais. Je suis un peule chewing-gumquicolle aux baskets, mêmes’il commenceun peuàsedécoller ( sourire). Mais je suis toujours là, ils ont intérêt à donner ce qu’ils ont àdonner. Et si je nesuis plus leader, ce nesera pas undrame.

Trente-neuf secondes d’avance sur Almeida peuvent suffire d’ici dimanche ?

Cela dépendra dela forme de Joao, mais ce sera unpeudur.

Avez-vous l’impression de prendre une autre dimension avec ce maillot ?

C’est surtout mafaçondepenser qui est différente. Sur des efforts très durs, j’ai souvent craqué dans la tête. Il faut queje croie enmoiau maximum, je dois courir agressif, être placé tout le temps.

Pourtant, on a plutôt l’image d’un coureur sûr de lui...

Oùest la limite ? Est-ce la tête ou les jambes qui arrêtent avant ? Peut-être que par fois j’ai tendance àmedirequec’est ma tête qui arrête, alors quecesont mes jambes qui sont limitées. Quand j’ai fait 2e dela Flèche Wallonne, cela aété ungrand soulagement, puis j’ai pris une claque à Liège (50e), ce qui m’a permis demereconcentrer, de partir très motivé enstage en altitude et devenir ici sans pression, avec juste l’envie debien faire et depenser àmoi, àmes efforts. Mes entraîneurs, des gens extérieurs comme Mauro Gianetti (manager d’UAE), me disent decroire enmoi, denepas regretter… J’avais tendance à regretter. C’est unpeule mental des coureurs decontre-lamontre ( sourire). Soit onfait tout à fond, soit onarrête complètement. J’essaie d’être comme un Guillaume Martin, qui nelâche jamais. C’est comme ça qu’on peut faire des résultats et prendre duniveau.

Justement, Mauro Gianetti vous a félicité à l’arrivée…

Oui. Ons’était déjà vus àla Flèche Wallonne, il m’avait déjà dit qu’il mettait beaucoup d’espoirs en moi. C’est sympaquandle manager de la meilleure équipe dumondetedit ça. C’est plutôt rassurant.

Vous êtes en fin de contrat en fin de saison. Que comptez-vous faire ?

Pour l’instant, on parle avec mon agent. Mais je nesuis pas dutout là-dessus, je suis enpréparation du Championnat de France, du Tour, je neveux pas mepolluer la tête.J’ai le maillot d’Arkéa-B&B Hotels sur le dos, et je comptele montrer.

Vous n’avez pas encore signé ailleurs ?

Non, pas encore ( sourire). »

***

Y. H.
Grégoire « vraiment détruit »

Bien que compétiteur, Romain Grégoire n’était pas mécontent de lâcher ce maillot jaune (13e au général hier soir) qui lui a coûté du jus, sur la route et dans les zones protocolaires, mais qu’il a défendu jusqu’au bout, au-delà de ses forces : « J’ai bien réalisé que je l’ai perdu, les deux dernières montées ont été bien assez longues pour y penser (sourires). Le porter a été une superbe expérience, super cool, mais ce qui aurait été exceptionnel aurait été de le garder jusqu’au bout. » La marche était trop haute, au lendemain d’un effort de titan, et avec de nouveau trois cols de première catégorie, hier, mais de toute façon, une telle lutte n’était pas au programme : « En arrivant en Suisse, je visais les étapes à 100 % et les deux jours de montagne, je devais me relâcher pour ne pas finir complètement mort en vue des championnats de France (le weekend prochain, aux Herbiers). Dimanche soir, je me suis dit : “Merde, je vais devoir m’accrocher tous les jours” (rires). Avec un tel avantage, je devais me battre. Mais à l’arrivée, j’étais vraiment détruit. »

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