L’omniprésident


Olivier Létang et Benoît Millot, arbitre d’un Lens-Lille en 2021.

Le président du LOSC est l’homme au coeur de la réussite de son club. 
Depuis plus de 25 ans, le dirigeant s’investit dans tous les secteurs et pousse l’exigence à l’extrême, quitte à user certains de ses collaborateurs.

"Il avait l’idée de l’entreprise et une vision du foot, 
ce qui est rare"
   - ANCIEN DIRECTEUR LEONARDO, 
     SPORTIF DU PSG, À PROPOS D’OLIVIER LÉTANG

"Mon rôle est d’être son Lexomil, 
de le calmer parfois. 
Il peut être fatigant, oui, 
mais quand on le connaît..."
   - CHRISTOPHE CHENUT, ANCIEN PRÉSIDENT DU STADE 
     DE REIMS QUI A FAIT VENIR OLIVIER LÉTANG AU CLUB

20 Jan 2025 - L'Équipe
NATHAN GOURDOL et HERVÉ PENOT (avec D. D.)

Il s’est invité en personnage central de la qualification lilloise en 16es de finale de Coupe de France à Marseille (1-1, 4-3 aux t.a.b.). Roberto De Zerbi n’en avait que pour l’attitude d’Olivier Létang, coupable d’avoir apostrophé de manière virulente le quatrième arbitre. Ce n’est pas la première fois que l’on voit le président lillois vitupérer au bord du terrain dans un rôle qui n’est pas sans rappeler Jean-Michel Aulas, autre adepte de la pression maximale. Les deux hommes ont bien des similitudes, notamment celle de placer leur club au centre de leurs préoccupations dans des attitudes qui, parfois, exaspèrent mais disent tout de leur implication. 

Comprendre ce multicarte devenu personnage central du foot français, tour à tour milieu de terrain, directeur financier, sportif, général, agent puis président, c’est revenir aux sources d’une exigence rare, d’une ambition chevillée au corps et d’une volonté de s’élever professionnellement. Dans son sport ou ailleurs.

Il aurait même pu bifurquer quand Franck Riboud comptait le nommer à la direction des hôtels Royal et Ermitage à Évian, avant qu’un changement de stratégie interne ne lui ferme la porte. Christophe Chenut, son mentor, alors président du Stade de Reims, raconte le coup de fil d’un garçon de D2 du Mans, en 1997, point de départ de leur profonde amitié: «“Bonjour, je m’appelle Olivier Létang, je veux venir chez vous, car je veux rejoindre ma future femme étudiante à Reims.” En CFA2 ? “Ne vous inquiétez pas, j’ai un diplôme de commissaire aux comptes (il le complétera avec un MBA à l’Essec) et je trouverai un boulot.”» La comptable écartée, il récupère le poste. Footballeur et directeur administratif et financier, un destin déjà si rare .« Et là, j’ ai vu un OVNI à24-25ans»,s’ enthousiasme Chenut. L étang façon ne Reims, évite «quelques conneries qu’on peut faire comme président pour gagner trois francs six sous» , passe, seul, les examens de la DNCG et s’occupe de la paie de ses équipiers. « On le surnommait la science, rappelle Fabrice Harvey, l’un d’eux. Et il était aimé. Et ce n’était pas le dernier à chanter ou à boire un coup lors des montées.»

Bluffé par sa gestion, Chenut poussera son protégé au PSG puis à Rennes en glissant à François-Henri Pinault, président breton et ancien copain de promo: «Prends Olivier, c’est le meilleur, il va transformer ton club.» Et chaque étape de cette carrière s’est accompagnée d’une franche réussite. Lille croulait sous les dettes? Sous sa houlette, le club a effacé 270M€ de dette financière en quatre ans. «Mais il a fallu gagner la confiance des actionnaires, et elle est pleine et entière aujourd’hui, souligne Chenut. Si Olivier a fait des économies, dès le début, il voulait préserver le sportif, car c’est ça qui générerait de la valeur.»

Pour les à-côtés, il va jusqu’à réduire le nombre de maillots gratuits que les joueurs récupèrent, gratte sur tous les postes de dépense. Au PSG, dans un contexte différent, il impressionne aussi. Patrice Lair, entraîneur des filles après avoir été adjoint du Reims époque Létang, brosse le portrait d’un directeur sportif organisé qui lui donne tous les moyens nécessaires. Leonardo, son supérieur parisien, se félicite d’avoir cru en son intelligence: «Ce n’était pas facile, on parle du PSG d’Ibra, de Thiago Motta. Le PSG demande l’excellence. Il avait l’idée de l’entreprise et une vision du foot, ce qui est rare.»

Et à Rennes? Dès son arrivée, L étang, attaché au souci du détail, demande à repeindre les murs blancs sans âme du centre d’entraînement aux couleurs rouge et noir, y ajoute des phrases de motivation plus souvent entendues dans les séminaires d’écoles de commerce que derrière les mains courantes. « Si le club en est là aujourd’hui, c’est grâce à lui, explique une personne qui l’a bien connu là-bas. Il ne laisse rien passer, jamais, jusqu’à l’épuisement. Et même si sa secrétaire l’appréciait, tout le monde n’a pas la même capacité de travail, ça peut user» , ajoute-t-elle. Voilà l’envers du décor. Cela lui vaut, en Bretagne par exemple, de fortes tensions avec des entraîneurs épuisés, comme Sabri Lamouchi ou Julien Stéphan, qui aura son scalp dans une bataille interne entre le père et le fils Pinault.

Un bourreau de travail, mais aussi quelqu’un 
de généreux avec ses employés moins gradés

Son rapport aux techniciens reste pourtant assez clair: il aime savoir, discuter, regarder les séances, et place la complémentarité du binôme comme l’alpha et l’omega d’un club. Mais il ne se mêle pas, assure-t-il, de la composition, tout en ayant des avis précis. Lair résume: «Je n’ai vu parler dans mon vestiaire que lui et Aulas. Et c’était chaque fois un plus.»

Olivier Guégan, son ancien équipier, entraîneur et même ensuite son joueur du temps de son métier d’agent, confirme: «Son passage avec Leonardo lui a beaucoup apporté. Il était sans pitié, cash, et ça l’a conforté, je pense. Mais à Reims, déjà, il avait toujours l’idée de s’appuyer sur 4-5 joueurs et l’intelligence de ne pas affaiblir le sportif. Pour lui, l’entraîneur, c’est l’entraîneur.»

Tout en s’entourant de fidèles en qui il a une confiance aveugle. Sylvain Armand, dont le côté humain aide à mettre de l’huile dans les rouages, ou Didier Roudet, ancien Lensois, l’accompagnent à Lille depuis Rennes. Pas simple toutefois de partager le quotidien avec un bourreau de travail qui peut instaurer un climat de tension auprès d’employés déboussolés par ce fonctionnement. On évoque des gens à la limite du burn out, essorés par son perfectionnisme, les mails tardifs,lesréponsesdemandées sur-le-champ ou même des jeunes stagiaires de passage, bien moins investis évidemment, étonnés par ce qu’ils considèrent comme une forme de règne par la terreur. «Ce côté dur, c’est une de ses forces, c’est ancré en lui, assure Guégan. Car le foot est un milieu impitoyable, il faut avoir de très fortes convictions et être soi-même.»

Mais Létang n’est pas que ça, loin de là. C’est un personnage complexe, ambivalent, qui n’oublie pas ses collaborateurs les moins gradés. À Lille, il a élargi aux membres de l’association le cercle des personnes qui touchent des primes: la qualification en C1 a propagé pas mal de sourires en interne. À Rennes, il a offert des voyages à Arsenal ou à Séville en signe de récompense, donné des maillots aux employés. Demander beaucoup, mais donner en retour. Il a su, en parallèle, élargir son carnet d’adresses, entretenir un solide réseau. Ce qui lui permet de garder d’excellents contacts avec des anciens du PSG, comme Carlo Ancelotti ou Thiago Motta, croisés durant cette campagne de Ligue des champions. Ou d’investir dans des start-up, on ne sait jamais… Reste que son image ne sera jamais lisse. On lui reproche encore sa manière de parler de lui-même, de se mettre en avant. Devant un confrère rennais, il s’était énervé de l’entendre dire qu’il aurait peut-être un problème d’ego, comme s’il l’avait attaqué au coeur. Ce comportement ne cachet-il pas surtout une volonté d’être aimé, reconnu à sa juste valeur?

«En fait, c’est quelqu’un qui n’a pas confiance en lui alors qu’il a tout gagné, intervient Chenut. Et il n’est pas à l’aise dans la com’. Mon rôle est d’être son Lexomil, de le calmer parfois. Il peut être fatigant, oui, mais quand on le connaît… » Létang ne laisse personne indifférent. Mais les propriétaires du LOSC peuvent se réjouir d’avoir misé sur ce sportif adepte de course à pied, toujours tiré à quatre épingles. Ils verront Liverpool demain. Quand Létang est arrivé, Lille frôlait la faillite. 

***

Gudmundsson apte pour le défi Salah

La capacité du LOSC à contenir la menace Mohamed Salah sera un enjeu capital à Liverpool demain, et pour cette mission Bruno Genesio devrait pouvoir compter sur son latéral gauche Gabriel Gudmundsson. Victime d’une grosse béquille au niveau du quadriceps après avoir percuté un poteau au Vélodrome sur un sauvetage face à l’OM mardi, lors de la qualification pour les 8es de finale de Coupe de France (1-1, 4-3 aux t.a.b.), le Suédois a été préservé lors de la victoire sur Nice vendredi (2-1). L’optimisme quant à sa pleine disponibilité pour Anfield était de rigueur hier, lorsque l’équipe a repris l’entraînement après avoir gagné un jour de repos samedi. On ne peut pas en dire autant pour Edon Zhegrova (pubis), encore trop juste pour faire son retour dans le groupe vendredi. Le Kosovar, si précieux dans les sommets avec sa qualité de percussion, devrait au mieux gratter quelques minutes. Titulaire et rayonnant lors de quatre des cinq derniers matches de C1, Ayyoub Bouaddi (17 ans) s’avance comme favori pour débuter à côté du capitaine Benjamin André dans l’entrejeu, malgré des dernières semaines moins abouties. Les Lillois s’entraîneront ce midi au domaine de Luchin, juste avant de rejoindre les bords de la Mersey.

L’équipe probable : Chevalier - Mandi, Diakité, Alexsandro, Gudmundsson - André (cap.), Bouaddi - Bakker, Cabella (ou Mukau), Haraldsson - David.

***

EN BREF

52ANS Président de Lille. 
18 décembre 2020: il est nommé président du LOSC.
Carrière: milieu de terrain de Reims (1997-2004); 
directeur sportif de Reims (1er juillet 2006-16 septembre 2012); 
directeur du football du PSG (17 septembre 201230 juin 2017); 
président de Rennes (3 novembre 20177 février 2020).


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