De duo à rivaux
Primoz Roglic et Jonas Vingegaard, qui font leur rentrée aujourd’hui au Tour d’Algarve, ont noué une relation de confiance pendant cinq saisons chez Jumbo, jusqu’au départ surprise du Slovène il y a un an.
19 Feb 2025 - L'Équipe
PIERRE MENJOT
ALBUFEIRA (POR) – Le Tour d’Algarve s’offre un plateau de premier choix cette année. Un total de dix grands Tours gagnés parles concurrents au départ, alimenté principalement par deux hommes: Primoz Roglic (4 Vueltas, 1 Giro) et Jonas Vingegaard (2 Tours). Le Slovène et le Danois effectuent leur rentrée au Portugal, où ils s’ annoncent parmi les candidats à la victoire. Rivaux, après avoir été si proches pendant des années chez Jumbo-Visma, le nom de la formation néerlandaise durant leurs cinq saisons côte à côte.Primoz Roglic (à gauche) et Jonas Vingegaard franchissent ensemble en tête la ligne d’arrivée de la dernière étape du Dauphiné 2022 au plateau de Solaison.
Pour qualifier leurs liens, Vingegaard évoquait en 2022 « plus qu’un équipier, un véritable ami ». Ses parents notent surtout que l’aîné (35 ans désormais) « s’est comporté en véritable grand frère » avec leur fils (28 ans), l’a couvé, jusqu’à lui conseiller son agent. Car le Danois, quand il débarque en 2019, n’est encore qu’un espoir, à la VO2 max incroyable, capable de prendre le record d’ascension du populaire Coll de Rates, en Espagne, comme de s’effondrer au dernier jour du Tour de Pologne, où devoir défendre son maillot de leader l’empêche de dormir.
Roglic connaît le chemin, il est là depuis 2016, recruté car il ne pas cher mais avait lui aussi des qualités, après une première carrière de sauteur à skis. Alors, sans être le plus vocal, il va prendre le frêle grimpeur sous son aile. « J’ai beaucoup appris à son contact, ne serait-ce qu’en l’observant en course ou dans sa manière de préparer ses rendez-vous, il m’est d’une grande aide, disait Vingegaard en 2022. Il sait me calmer. Je ne sais pas comment, mais il le fait. »
Un renversement hiérarchique progressif jusqu’à la rupture lors de la Vuelta 2023
Dans l’ombre, le jeunot apprend deux ans durant. La naissance de sa fille Frida, en septembre 2020, finira de le faire mûrir. Sur le Tour du Pays basque 2021, le cadet est propulsé co-leader avec Roglic pour un succès éclatant : les deux hommes font la peau à Tadej Pogacar (3e, derrière Roglic, vainqueur, et Vingegaard). L’attelage est confirmé pour le Tour, et malgré son abandon après huit jours de course, le grand frère fait tout pour aider son lieutenant. « Je demandais à Primoz de lui envoyer des messages chaque jour, avec des conseils sur la gestion de la course », expliquait Merijn Zeeman, le manager néerlandais.
C’est la première bascule. Le Danois termine deuxième à Paris, prend conscience qu’il peut gagner le Tour. Son équipier, lui, a déjà laissé passer la chance d’une vie, en 2020, coiffé par l’ovni Pogacar lors du contre-la-montre de la Planche des Belles Filles. En 2022, Roglic tombe à nouveau, lors de l’étape des pavés (où il se remet lui-même l’épaule). Il souffre mais serre les dents pendant neuf jours avant d’abandonner, comme un sacrifice pour Vingegaard, Maillot Jaune à Paris.
Le lien reste fort, mais la Vuelta 2023 va le rompre. En Espagne, l’impensable se produit: les Jumbo-Visma trustent les trois places du podium, sans concurrence, avec Sepp Kuss, l’équipier modèle, en rouge. Chaque jour est un malaise. Peut-on s’attaquer ou pas? Toute l’équipe veut protéger l’Américain. Sauf Roglic, qui avait remporté le Giro et fait l’impasse sur le Tour, et veut jouer sa chance. Sur les pente s de l’ Ang li ru (17e étape), il part à l’avant, et le Danois fait ce qu’il peut pour sauver Kuss, tout en montrant qu’il n’est pas moins fort que Roglic. Le soir, le staff décide de geler les positions. Plus personne ne bougera. Pour quelques semaines au moins: sentant sa place de patron menacée, l’ancien sauteur à skis demande à partir et rejoint Boracoûtait Hansgrohe. Sans prévenir son ancien protégé, mis au courant par Richard Plugge, le boss.
La séparation était devenue inéluctable. « Il ne m’est pas venu à l’esprit soudainement, en dernière semaine de la Vuelta, que je devais changer d’ air, assure le transfuge à Vélo Magazine quelques semaines plus tard. Je sentais avant cela l’usure du temps. J’ai recensé vingt courses que j’aimerais encore gagner moi-même et qui ne figurent pas à mon palmarès. Donc, il me fallait changer d’écurie si mon équipe ne pouvait pas m’offrir ces opportunités. »
Seulement deux occasions de s’affronter la saison dernière
Désormais, le Slovène devient « un de nos principaux adversaires », prévient le double vainqueur de la Grande Boucle, sans animosité. « Ce sera étrange de courir face à lui, qui m’a toujours aidé, m’a poussé à progresser, ajoute-t-il. Un feeling vraiment bizarre. » Qui se produira peu, finalement. Les deux hommes se croisent quatre jours au Pays basque, jusqu’à leur abandon après la lourde chute collective, et douze autres au Tour de France, collaborant parfois derrière Pogacar, jusqu’à l’abandon du plus âgé (13e étape).
Aujourd’hui, en Algarve, une nouvelle page de leur histoire s’ouvre donc. Au moins, les deux champions, séparés géographiquement (Roglic à Monaco, Vingegaard au Danemark), ce qui n’aide pas au rapprochement, auront-ils un peu le temps d’échanger, « car en course, on discute un peu, mais en dehors, on a tous les deux assez à faire avec l’entraînement et nos familles, nos deux enfants chacun », souriait Vingegaard hier, en souvenir du bon vieuxtemps.
***
Un sprint avant le premier test
19 Feb 2025 - L'Équipe
P. Me., à Albufeira
Cette fois, les difficultés seront concentrées sur deux jours. Si les étapes d’aujourd’hui et de vendredi sont promises aux sprinteurs (Meeus, Girmay, De Lie ou Van Aert, un peu court pour sa reprise lundi sur la Clásica Jaen), si un puncheur pourrait profiter du final samedi, c’est demain et dimanche que se décidera le sort du Tour d’Algarve. C’est d’abord l’ascension de l’Alto da Foia (8,5 km à 5 %), où David Gaudu s’était imposé en 2022, que les candidats à la victoire comme Jonas Vingegaard, Primoz Roglic, Joao Almeida, Antonio Tiberi ou Romain Bardet mettront à profit pour se tester. Mais rien ne sera décidé avant dimanche et le contre-la-montre final (19,6 km), particulier car il se termine par deux kilomètres d'ascension (à 9,3 %). Côté Français, outre Bardet, Julian Alaphilippe sera là après sa rentrée prometteuse (8e de la Figueira Classic dimanche), dans le même registre que Romain Grégoire ou Brieuc Rolland (Groupama-FDJ), tandis que leur équipier Rémi Cavagna aura une belle carte à jouer sur le chrono de dimanche.
Commenti
Posta un commento