Brest Europe Tour


Le 1er octobre, les Bretons célèbrent leur large victoire à Salzbourg (4-0). 
Un premier succès à l’extérieur qui place Brest en tête de la C1... pendant quelques heures. 

L’épopée de Brest en Ligue des champions va probablement prendre fin à Paris, ce soir. Elle aura marqué les esprits et se sera nourrie, au fil des semaines, de multiples petites histoires. Récit en coulisses.

"Avec mon meilleur ami Romain et nos pères, 
on s’est relayés pour faire les 1 600 km, 
soit seize heures de route''
   - VIVIEN, UN ABONNÉ BRESTOIS QUI S’EST RENDU À PRAGUE

"On serait allés en boîte de nuit pour fêter ça si on avait tablé sur une nuit blanche ’
   - ÉRIC ROY, ENTRAÎNEUR DE BREST À PROPOS DE 
     LEUR RETOUR DE SALZBOURG, LE 1er OCTOBRE

"On a eu des messages de sympathie de partout en France et à l’étranger''
   - DENIS LE SAINT, PRÉSIDENT DE BREST

19 Feb 2025 - L'Équipe
FRANCK LE DORZE (avec THOMAS DOUCET)

En ce dernier jour de septembre, qui étire encore sa douceur estivale sur l’Europe centrale, tout le monde n’a pas encore bien pris conscience du phénomène quand la délégation du SB29 débarque à Salzbourg pour disputer sa deuxième rencontre de Ligue des champions. « On voit leur président (Rudolf Theierl) qui me demande : “Mais c’est où, Brest?”, raconte Grégory Lorenzi, le directeur sportif finistérien. "À la fin du match (le lendemain), je lui tape sur l’épaule et je lui dis, avec le sourire: “Maintenant, vous savez où est Brest.”»

Brest est en Bretagne mais, surtout, en tête de la Ligue des champions sur les coups de 21 heures, ce que ne manquent pas d’immortaliser avec leur portable les joueurs, qui viennent de corriger leRBSalz bourg (4-0) après un baptême européen réussi face à une autre formation autrichienne, Sturm Graz (2-1, le 19 septembre ). L’épopée, fruit d’une formidable 3e place de L1 décrochée au mois de mai, est lancée.

La prise de conscience de cette aventure hors norme, une première participation à une épreuve continentale dans l’histoire du club, n’a vraiment lieu que le 29 août. Ce jour-là, le gratin européen a rendez-vous pour le tirage au sort. Le Grimaldi Forum de Monaco accueille le président Denis Le Saint, le directeur de la communication Florent Corre et Lorenzi, qui n’en revient pas: « C’est là que j’ai vraiment réalisé. Tu rencontres des stars et tu te dis: “Qu’est-ce que je fous là?” Je croise Emilio Butragueño, le représentant du Real, Cristiano Ronaldo… » Mille kilomètres plus au nord, ses joueurs vivent ce moment exceptionnel au centre d’entraînement, à l’abri des caméras. Le Real Madrid était espéré, ils auront le privilège de recevoir les Merengues lors de l’ultime journée en étant déjà qualifiés pour les play-offs, au moins (0-3, le 29 janvier). Mais, avant d’en arriver là, ils auront vécu, eux et leurs nombreux fans, de purs moments d’émotion, notamment à Guingamp, puisque le vétuste stade Francis-Le Blé n’avait pas passé le contrôle de sécurité imposé par l’UEFA.

Xabi Alonso amusé par les installations de Roudourou

Le SB29 a donc pris ses quartiers dans la petite cité des Côtes-d’Armor, grâce à la coopération de son maire, Philippe Le Goff, qui accepte de louer le Roudourou. Car quand Lorenzi doit déposer le dossier à la FFF, il n’est pas en règle. « La veille d’aller à la Fédé, j’avais encore besoin d’une attestation et j’ai dû appeler François Cuillandre (maire de Brest) pour qu’il contacte son homologue, rapporte le directeur sportif. Il m’a donné son numéro et, en dix minutes, j’avais le document. Il est vraiment top. »

Le relooking de l’enceinte doit répondre aux nombreuses exigences de l’instance européenne. « Ça nous a demandé un travail plus important que ce que l’on pensait », reconnaît Le Goff. Le premier match contre Sturm Graz est un bon test. La tant attendue musique de la Ligue des champions connaît des ratés. Malgré un changement de sono, elle sera encore plus ou moins audible face à Leverkusen (1-1, le 23 octobre) et au Real. L’UEFA récompense grassement les participants mais elle ne transige pas, même pour un novice, qu’elle a décidé d’accompagner de quatre personnes, à chaque rencontre à domicile. Cela n’a pas empêché les amendes de tomber, comme celle de 8 000 €, infligée pour une ambulance arrivée en retard.

Il a parfois fallu aussi « bricoler », comme cette passerelle en tubulaires, qui permet de passer des tribunes au chapiteau des médias, installé sur un parking. Ces tubulaires, d’une autre consistance certes, qui ont empêché Le Blé d’être homologué. On préfère en plaisanter, surtout quand on repense à la tête de Xabi Alonso, l’entraîneur du Bayer, au moment d’attaquer l’escalade. « Ça fait partie du folklore, il en a souri », affirme le club breton.

La grande tente accueille les conférences de presse. Les veilles de match, l’entraîneur et un joueur doivent s’y présenter. Le SB29 a prévu un véhicule pour son duo, afin d’effectuer la demi-heure de route entre l’hôtel de Plérin, d’où ils peuvent fréquenter la magnifique plage des Rosaires lors de la promenade matinale, et le Roudourou. Et ça chambre!

À sa demande, Éric Roy utilise une tablette pour ses activités médias. Homme rompu à la communication pour avoir été consultant télé, cela lui permet de parler plus facilement de certains joueurs, de ne pas écorcher leurs noms, déjà. Mais cela ne l’empêche pas, avant le PSV Eindhoven (1-1, le 10 décembre), de confondre Télégramme et Telegraph, grand quotidien néerlandais.

Comment lui en vouloir quand on sait qu’il doit assurer entre 15 et 20 interviews, dans le monde entier, pour chaque sortie de C1? Le plus souvent, le technicien maîtrise l’exercice. La veille de la réception du PSG (0-3, le 11 février, en play-offs aller), il file la métaphore cinéphile : « On a déclenché le projet “Mission impossible”. On a vu, en plus, que Tom Cruise, Ethan Hunt, était à Paris pour recevoir un prix. On a essayé de le joindre, malheureusement il n’était pas disponi- bleetonferasanslui.»

Pas sans les nombreux fans, en revanche, qui ont accompagné les exploits des Ti-Zefs. On se remémore l’impressionnante transhumance de 15 000 Brestois vers Guingamp, avant Sturm Graz. Le trafic était dense sur la RN12, les écharpes apposées sur les lunettes arrière, desembouteillages s’étaient formés et beaucoup étaient arrivés ric-rac au Roudourou. Un membre de l’encadrement technique avait assez vite reconnu : « L’ambiance est encore meilleure qu’à Le Blé. »

Les déplacements ont été particulièrement marquants. À Prague (2-1, le 6 novembre), si certains déclarent forfait, en raison d’une grève des pompiers à l’aéroport de Nantes, d’autres n’abandonnent pas et se rendent à Paris, voire Bruxelles, pour trouver un autre vol. Et les plus téméraires effectuent le voyage en voiture. C’est le cas de Vivien. « Avec mon meilleur ami Romain et nos pères, on s’est relayés pour faire les 1 600 km, soit seize heures de route, raconte cet abonné. La “fan walk” puis le parcage à plus de 900, c’était un truc de dingue ! Alors, sur le but d’Edimilson Fernandes, c’était la folie totale. On a vécu un sentiment d’appartenance énorme. »

Barcelone, meilleur souvenir de la délégation

La soirée dans la capitale tchèque est mémorable, avec des centaines de supporters entassés au Dubliner Irish Bar. Parmi eux, Glen Dissaux, le maillot d’Irvin Cardona sur le dos. Cet élu écologiste à la mairie de Brest, dans la majorité, s’oppose au nouveau stade, alors que le premier édile y est favorable. Chez les fans, pas de discrimination, mais une réelle communion. Comme à Barcelone (0-3, le 26 novembre). Les Finistériens se sont approprié la Plaça Reial, en bas de la Rambla, dès la veille au soir. Restaurants et bars ne désemplissent pas et se répondent, comme dans des tribunes. Le jour du match, on y retrouve Gérard Le Saint, coprésident et frère aîné de Denis, plus déchaîné que jamais. Dans la lignée des déplacements précédents, il se mue en chef de chorale. On connaissait la mascotte « Zef le Pirate », il y aura désormais « Gégé l’éclate ». Quelques heures plus tard, ils sont plus de 3 000 à grimper la colline de Montjuïc pour rejoindre le stade Olympique. Record du club pulvérisé.

De leur côté, les joueurs ne sont pas à l’abri de mésaventures. C’est le cas à Salzbourg, où le retour en avion va s’enrayer. L’appareil doit s’arrêter à Strasbourg pour mettre du carburant, mais il n’est pas autorisé à redécoller, en raison de l’horaire tardif. Il faut donc patienter jusqu’àl’aubedans une porte d’embarquement, sur la moquette pour certains. « On serait allés en boîte de nuit pour fêter ça si on avait tablé sur une nuit blanche» , en rigolera Roy. Il n’y aura pas de problème de ce type, au moins, pour le tirage des play-offs, le 31 janvier à Nyon (Suisse), puisque ses dirigeants ne trouvent pas d’avion pour s’y rendre. Ces quelques fausses notes, sans conséquence, ne peuvent faire oublier de conviviaux rendez-vous au sommet.

Lors des déjeuners officiels, le très discret Denis Le Saint découvre ses homologues du gratin européen. À Barcelone, meilleur souvenir de la délégation, Joan Laporta lui réserve un superbe accueil, en français. Et quand le président catalan rencontre le Corse Lorenzi, la connexion est aussitôt établie.

À son tour, le président du Real Madrid, Florentino Pérez, aura le droit à son ancre marine, remise au restaurant, à Plérin. En échange, il offre une maquette du stade Santiago-Bernabeu. Invité dans le même établissement, le Parisien Nasser al-Khelaïfi, après un Paris-Brest en dessert, repartira avec des crêpes de froment et du caramel au beurre salé offerts par le chef, Nicolas Adam.

À l’heure du bilan, le président du SB29 est ravi de l’image laissée par son équipe: « On a eu des messages de sympathie partout en France et à l’étranger. C’est vraiment une belle aventure, partagée par le plus grand monde. On mettra tout ça dans le livre du club et dans la pièce qui sera consacrée aux trophées. On aura des photos, les maillots des équipes rencontrées… »

En attendant, Lorenzi, qui aurait pu partir à l’été, sait aussi pourquoi il est resté: « Parfois, quand je suis chez moi, tout seul, je me mets de la musique et je kiffe. » Dans un an, dans dix ans, à vie, c’est tout le peuple brestois qui kiffera ces moments d’éternité.

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