Fermer la porte aux géants
Échappé dans le final, le 20 mars 2021, Jasper Stuyven a résisté au retour des cadors. De g. à dr.,
au premier plan, Peter Sagan, Wout Van Aert, Mathieu Van der Poel (caché) et Caleb Ewan.
Plus aucun Monument ne semble pouvoir échapper aux « intouchables » du peloton.
Mais Milan-San Remo reste une classique à part, propice aux surprises.
"Milan-San Remo, c’est le Monument qui se joue le moins sur les qualités physiques (…).
C’est d’abord une course très tactique où tout le monde peut briller"
- VICTOR LAFAY
"J’estime avoir autant de chances de gagner qu’il y a trois ans. (…)
De toute façon, je ne me laisserai jamais influencer par la forme de mes adversaires"
- MATEJ MOHORIC
21 Mar 2025 - L'Équipe
GAÉTAN SCHERRER
SAN REMO (ITALIE) – Lorsqu’il a appris que Tadej Pogacar allait de nouveau s’aligner au départ du Tour des Flandres cette saison, Matej Mohoric n’a pas pu masquer son dépit. « J’ai pensé : bon, ben je finirai une place plus loin que prévu », raconte le routier, l’un des plus endurants du peloton, vainqueur d’étape à cinq reprises sur les grands tours. Le Slovène s’est empressé de préciser qu’il plaisantait, mais sa boutade couvre une dure réalité: depuis qu’il s’est offert Milan-San Remo en 2022 en réalisant une descente du Poggio d’anthologie, les cinq Monuments du calendrier ont été privatisés par une petite poignée de superstars, une caste d’intouchables – Tadej Pogacar (5 succès), Mathieu Van der Poel (5), Remco Evenepoel (2) et Jasper Philipsen (1) – qui mâchonnent la concurrence.
Face à ces rouleaux compresseurs et à leurs escouades, de quoi les outsiders peuvent-ils encore rêver sur les grandes classiques ? Quand reverra-t-on un vainqueur de Monument aussi improbable qu’Oliver Zaugg (Tour de Lombardie 2011), Gérald Ciolek (Milan-San Remo 2013), Mathew Hayman (Paris-Roubaix 2016) ou Alberto Bettiol (Tour des Flandres 2019)? « Peut-être dès samedi (demain), répond Jasper Stuyven, vainqueur surprise de la Primavera il y a quatre ans en profitant d’un instant de temporisation dans les rues de San Remo, après le feu d’artifice habituel du Poggio. Personne ne prendra le départ en espérant faire deuxième derrière Tadej. Pas moi, en tout cas. Si tu n’espères pas faire mieux que cela, tu as déjà perdu d’une certaine manière.»
Milan-San Remo est à la fois le plus long, le plus lisible et le moins pentu de tous les Monuments, mais c’est aussi « le plus ouvert, et de loin », ajoute Victor Lafay, qui juge la grande classique italienne « plus indécise que les Flandres ou Roubaix » et croit fermement en ses chances pour sa première ce week-end. «C’est le Monument qui se joue le moins sur les qualités physiques, précise le Haut-Savoyard. Si tu regardes le palmarès, d’une année à l’autre, ce n’est presque jamais le même vainqueur (le dernier doublé, signé Erik Zabel, remonte au début du siècle). C’est tout plat toute la journée et les bosses ne sont pas très dures, tout peut basculer en bas du Poggio, quand les ultra-favoris se regardent entre eux. Pour moi, c’est d’abord une course très tactique, où tout le monde peut briller.»
Kevin Vauquelin, qui s’apprête lui aussi à découvrir l’épreuve, se joint à l’optimisme général et estime que la présence des cadors a un effet «libérateur» et « ôte un peu de pression à tout le monde », « mais cette année sera un peu particulière car Tadej va vraiment tout mettre en oeuvre pour gagner, craint-il. C’est le Monument le plus difficile à gagner pour lui, je m’attends à ce qu’il fasse rouler ses équipiers très tôt dans la course, pour essayer de partir de loin et s’isoler avant le Poggio.»
Sauf que le terrain n’y sera pas propice et qu’en cas d’échec, la stratégie du cador slovène se retournera contre lui: elle ouvrira la course à tous les vents, percera des brèches dans lesquelles se jetteront ses adversaires. « Je préférerais que Pogacar fasse la course, note Lafay, certain que cette prise de risque générerait des scénarios inattendus. Si je vois l’ouverture, je tenterai un truc. De toute façon, face à un mec comme Tadej, on a tout à gagner, rien à perdre. San Remo, c’est vraiment la course où ça peut valoir la peine de faire all-in.»
C’est avec cette conviction profonde qu’Arnaud Démare s’était imposé en 2016 malgré une chute à trente kilomètres de l’arrivée, que Vincenzo Nibali avait résisté en solo aux sprinteurs sur la Via Roma en 2018, ou que Mohoric avait joué aux kamikazes dans les serpentins du Poggio en 2022, dégainant une tige de selle télescopique entrée dans la légende de la Classicissima. «Les Monuments ont toujours été plus durs à gagner que les autres courses, et je pense que ça va rester comme ça pour toujours, philosophe le descendeur slovène. Mais San Remo, c’est un peu différent. J’estimeavoirautantdechancesde gagner samedi (demain) qu’il y a trois ans. L’an passé, si Mathieu (Van der Poel) ne s’était pas sacrifié pour (Jasper) Philipsen dans le final, je suis convaincu que je me serais à nouveau imposé. De toute façon, je ne me laisserai jamais influencer par la forme de mes adversaires. Sur ces grandes courses, je ne suis concentré que sur moi-même.»
Tous ces propos font écho à ceux de Mads Pedersen, qui affirmait hier dans ces colonnes qu’il ne se « réveille pas chaque matin pour monter sur [son] vélo, et finalement (se) dire “fait chier, Mathieu (Van der Poel) est encore là”.» Les favoris n’ont peut-être jamais été aussi forts, mais leurs adversaires n’ont jamais été aussi remontés.
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Jasper Stuyven è scattato nel finale il 20 marzo 2021 e ha resistito alla rimonta dei big. Da sinistra
in primo piano, Peter Sagan, Wout Van Aert, Mathieu Van der Poel (nascosto) e Caleb Ewan.
Chiudere la porta ai giganti
Non sembra esserci più un solo Monumento che possa sfuggire agli “intoccabili” del gruppo.
Ma la Milano-Sanremo rimane una classica a sé stante, con molte sorprese in serbo.
“La Milano-Sanremo è la Monumento in cui le qualità fisiche giocano il ruolo minore (...).
È innanzi tutto una corsa molto tattica in cui chiunque può brillare”.
- VICTOR LAFAY
“Penso di avere le stesse possibilità di vincere di tre anni fa (...).
In ogni caso, non mi lascerò mai influenzare dalla forma dei miei avversari”.
- MATEJ MOHORIC
21 marzo 2025 - L'Équipe
GAÉTAN SCHERRER
SAN REMO (ITALIA) - Quando Matej Mohorič ha saputo che Tadej Pogačar si schiererà ancora una volta al via del Giro delle Fiandre di questa stagione, non ha potuto nascondere la propria delusione. “Ho pensato: beh, finirò più indietro del previsto”, dice Mohorič, uno che ha vinto cinque tappe nei grandi giri ed è uno dei più duri lavoratori del gruppo. Anche lui sloveno, ha tenuto a precisare che stava scherzando, ma la sua battuta cela una dura realtà: da quando, nel 2022, ha vinto la Milano-Sanremo con una fantastica discesa dal Poggio, i cinque Monumenti del calendario sono stati conquistati da uno sparuto manipolo di superstar, una casta di intoccabili - Tadej Pogačar (5 vittorie), Mathieu Van der Poel (5), Remco Evenepoel (2) e Jasper Philipsen (1) - che masticano la concorrenza.
Di fronte a questi rulli compressori e ai loro squadroni, che cosa possono ancora sognare gli outsider nelle grandi classiche? Quando vedremo un improbabile vincitore di Monumento come Oliver Zaugg (Giro di Lombardia 2011), Gérald Ciolek (Milano-Sanremo 2013), Mathew Hayman (Parigi-Roubaix 2016) o Alberto Bettiol (Giro delle Fiandre 2019)? "Forse già sabato (domani)”, risponde Jasper Stuyven, vincitore a sorpresa della Classicissima di Primavera quattro anni fa, approfittando di un momento di pausa nelle strade di Sanremo, dopo il consueto spettacolo pirotecnico sul Poggio. "Nessuno inizierà la corsa sperando di arrivare secondo dietro a Tadej. Non io, comunque. Se non speri di fare meglio di così, in un certo senso hai già perso”.
La Milano-Sanremo è allo stesso tempo la più lunga, la più chiara e la meno veloce di tutte le Monumento, ma è anche “di gran lunga la più aperta”, aggiunge Victor Lafay, che considera la grande classica italiana “più imprevedibile del Fiandre o della Roubaix” e crede fermamente nelle proprie possibilità per la sua prima corsa questo fine settimana. “È la Monumento che si gioca meno sulle qualità fisiche”, dice il corridore originario dell'Alta Savoia. Se si guarda all'albo d'oro da un anno all'altro, non c'è quasi mai lo stesso vincitore (l'ultima doppietta consecutiva, di Erik Zabel, risale all'inizio del secolo). Il percorso è pianeggiante per tutto il giorno e le asperità non sono molto dure, ma tutto può cambiare in fondo al Poggio, quando gli ultra-favoriti si guardano in faccia. Per me è una corsa molto tattica, dove chiunque può brillare”.
Kevin Vauquelin, anch'egli in procinto di scoprire l'evento, si unisce all'ottimismo generale e ritiene che la presenza dei grandi nomi abbia un effetto “liberatorio” e “tolga un po‘ di pressione a tutti”, “ma quest'anno sarà un po’ speciale perché Tadej farà davvero di tutto per vincere”, teme. È la Monumento più difficile da vincere per lui, quindi mi aspetto che faccia tirare i suoi compagni di squadra molto presto nella corsa, per cercare di staccare tutti e isolarsi prima del Poggio”.
Ma il terreno non è adatto a questo scopo e, se non ci riuscirà, la strategia del leader sloveno gli si ritorcerà contro: aprirà la corsa a ogni vento, creando spazi in cui i suoi rivali si butteranno. Preferirei che Pogacar facesse la gara”, osserva Lafay, certo che correre questo rischio genererebbe scenari inaspettati. Se vedo un'apertura, proverò a fare qualcosa. In ogni caso, contro uno come Tadej, hai tutto da guadagnare e niente da perdere. La Sanremo è la corsa in cui può valere la pena fare all-in.
È con questa profonda convinzione che Arnaud Démare ha vinto nel 2016 nonostante una caduta a trenta chilometri dall'arrivo, che Vincenzo Nibali ha resistito ai velocisti in solitaria in via Roma nel 2018 e che Mohorič ha giocato a fare il kamikaze nelle serpentine del Poggio nel 2022, tirando fuori un reggisella telescopico che è diventato la leggenda della Classicissima. “I Monumenti sono sempre stati più difficili da vincere rispetto alle altre corse, e penso sarà così per sempre”, filosofeggia il discesista sloveno. Ma la Sanremo è un po' diversa. Penso di avere più possibilità di vincere sabato (domani) rispetto a tre anni fa. L'anno scorso, se Mathieu (van der Poel) non si fosse sacrificato per (Jasper) Philipsen nel finale, sono convinto che avrei vinto di nuovo. In ogni caso, non mi lascerò mai influenzare dalla forma dei miei avversari. In queste grandi corse, sono concentrato solo su me stesso”.
Tutti questi commenti fanno eco a quelli di Mads Pedersen, che ieri su queste colonne ha dichiarato di non “svegliarsi ogni mattina per salire sulla [sua] bicicletta e alla fine (dirsi) ‘fanculo, Mathieu (Van der Poel) è ancora qui’”. I favoriti non sono mai stati così forti, e i loro rivali pure.
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