La règle de trois
La première étape a bouleversé les plans, et tous les scénarios comme les approches sont envisageables jusqu’à dimanche et le chrono en côte.
18 Jun 2025 - L'Équipe
YOHANN HAUTBOIS
HEIDEN (SUI) – Tout le monde n’aborde pas les échéances à venir en slip (en short en réalité) comme les deux membres de l’équipe Visma-Lease a bike, les fesses posées sur le capot de la voiture, torse nu en attendant de pouvoir ravitailler leurs coureurs. Si la formation néerlandaise a peu de chance devoir son meilleur coureur au général s’imposer (Bart Lemmen, 3e), d’autres avancent dans cette semaine avec des objectifs affichés mais contrariés (notamment Joao Almeida pour UAE Emirates, Felix Gall pour DecathlonAG2R la Mondiale) ou inattendus (Romain Grégoire, en tête du général, et son dauphin Kévin Vauquelin). Au milieu de tout cela, Ben O’Connor (5e du général), bien embarqué depuis la première étape, mais qui va à un moment devoir se découvrir.
Au matin de la 4e étape, Romain Grégoire est toujours en jaune, Kévin Vauquelin (ArkéaB&B Hôtels) est à 25 secondes et les autres équipes, notamment les UAE Emirates de Joao Almeida (à 3’17’’), vont devoir s’employer pour rattrapper leur invraisemblable retard.
UAE et Decathlon veulent réparer leur « erreur »
Comme sur la plupart des courses, on attendait l’armada UAE mais si, hier, un A380 Emirates Courier Express a frôlé la route longeant l’aéroport de Zurich empruntée quelques minutes après par le peloton, l’approche de l’épreuve suisse ressemble à un flop, avec le leader désigné, Joao Almedia, pourtant en grande forme, relégué à 3’17’’ de Romain Grégoire. En terminant 3e de l’étape, le Portugais a récupéré, hier, six secondes sur le Français (4e) et cette stratégie du grignotage avait été avancée, le matin, par Simone Pedrazzini, le directeur sportif: «Il n’y a pas vraiment de montagne cette année et les coureurs devant sont très forts. On n’a pas beaucoup d’opportunité de changer les choses. On doit attaquer, on n’a rien à perdre, on ne peut attendre le final car on ne récupérera pas assez de temps.»
Mais le dirigeant semblait impuissant: «Demain (aujourd’hui), il y a 120 kilomètres tout plats puis un col. Le lendemain ( jeudi), le final est dur mais on ne peut rien faire avant. Vendredi, on ne pourra rien faire et seulement les vingt derniers kilomètres sont durs samedi.»
Felix Gall, également offensif dans le dernier kilomètre, se trouve dans la même situation, selon Julien Jurdie, son directeur sportif: «Sur ce parcours atypique, on va devoir saisir chaque opportunité. Il faut essayer comme aujourd’hui (hier), sinon on ne saura pas. Il faut qu’on grappille un peu tous les jours et peut-être qu’un jour, ce sera un peu plus important. » Pedrazzini remarque « qu’on est quand même à trois minutes, c’est une erreur. On a vu comment Grégoire, O’Connor et Vauquelin sont forts. Lui, on l’a vu à la Flèche Wall on ne (2e derrière Tadej Pogacar)».
Vauquelin et Grégoire, à l’affût
Almeida a donc repris six secondes sur les deux Français, un grignotage auquel était préparé Mickaël Leveau, directeur sportif d’Arkéa-B & B Hôtels: «On va essayer de préserver le maximum de crédit temps, on sait déjà qu’à un moment ou un autre, on va perdre du temps. On ne va pas garder cet avantage. Maintenant, je ne vais pas dire que la balle est dans le camp des autres mais allez-y, faites-nous voir, on va vous dire combien de temps on tient ( rires).» Romain Grégoire, malgré une avance de 25 secondes sur son compatriote, a peut-être moins de latitude en raison de son profil plus puncheur que grimpeur et, surtout, rouleur que Vauquelin en vue du chrono de dimanche. Mais le Bisontin semble se «prendre au jeu», pour reprendre l’expression d’un membre du staff. William Green, son directeur sportif, voit la suite comme une compétition à élimination directe : « L’étape de jeudi est évidemment l’étape reine (avec trois cols de 1re catégorie) mais il faut donc d’abord se qualifier demain ( aujourd’hui). On fera alors le point et on choisira notre stratégie en fonction du ressenti des coureurs et de nos ambitions pour la suite de la course. » Le maillot jaune n’a pas des vertus que sur la Grande Boucle, il décuple aussi les forces au-delà de la frontière et Green a bien remarqué l’émulation collective qui anime ses gars: «Chaque jour sous le maillot jaune est un exploit et nous allons continuer à soutenir Romain autant que possible. S’il se retrouve en difficulté jeudi, il n’y aura vraiment aucun regret. Cette course est déjà une réussite pour nous.»
O’Connor, la troisième voie ?
Cinquième du général (à 1’18 de Grégoire), l’Australien a, paradoxalement, la place la plus bancale dans l’histoire. Ni vraiment devant ni largué, le coureur de Jayco AlUla se trouve dans un entre-deux que son statut (2e de la Vuelta l’an passé) n’arrange pas. Mais pour son directeur sportif, Matthew Hayman, qui voit le leader d’UAE Emirates toujours comme le grand favori, « Ben a peut-être une minute de retard ( sur Grégoire) mais il est dans une superbe position car c’est toujours mieux d’être devant Almeida que derrière (rires) ». L’ancien vainqueur de Paris-Roubaix (2016) compte même sur la formation émirienne pour replacer son coureur au mieux : « S’ils attaquent beaucoup, cela peut nous aider. C’est un exercice d’équilibre délicat car on doit reprendre du temps et se méfier des coureurs derrière. Mais certains n’ont pas grandchose à perdre, ils peuvent jouer une seule carte et tout miser.» Et si demain offrira «une étape très délicate, avec le potentiel de bouleverser le classement général, je pense que la course se jouera jusqu’à dimanche ». Personne ne s’en plaindra.
***
Y.H. à Heiden.
Simmons en hommage à Mäder
On sait bien que le mérite a peu à voir avec le succès, mais à part les battus du jour, ils étaient peu à se plaindre de la victoire de Quinn Simmons, hier. Déjà auteur d’une tentative du kilomètre, la veille à Schwarzsee (4e), l’Américain a remis ça, hier, avec plus de succès et surtout, il n’a pas attendu le dernier moment. Dans l’échappée du matin, le coureur dont on ne peut pas rater le look (un mélange de l’ex-coureur néerlandais Gert-Jan Theunisse et du catcheur Hulk Hogan pour les plus vieux) a résisté jusqu’au bout en prenant l’initiative de partir à 20 km de l’arrivée alors que le peloton s’apprêtait à l’engloutir. Jusqu’à Heiden, malgré le travail de Tudor et de Groupama-FDJ pour revenir, Simmons a tenu bon, suscitant l’admiration de ses adversaires (« il n’y en a pas beaucoup dans le peloton capable de faire un tel numéro » , selon William Green, DS de Groupama-FDJ) mais encore plus de sa formation, représentée par Michael Schär, le directeur sportif : « c’est tellement mérité pour lui qui travaille toujours pour l’équipe. Quand le peloton l’a presque rattrapé (à une quinzaine de secondes), je lui ai dit : « ils hésitent, c’est le moment de gagner. Il était vraiment déterminé. » Une victoire fêtée en mimant un oiseau et en levant le doigt vers le ciel, hommage au coureur suisse Gino Mäder, décédé lors de l’épreuve, en 2023 : « pour être honnête, j’aurais préféré gagner hier (lundi), cela aurait fait deux ans jours pour jour après la disparition de Gino. Je l’ai fait un jour plus tard. »
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