Laurent Fignon raConté par sa bande
Laurent Fignon avec les siens (dans le sens des aiguilles d'une montre):
Laurent Loulier, Éric Boyer, Alain Gallopin et Vincent Barteau.
Grands témoins
Patrick Chassé - Miroir du cyclisme
n. 475 - 2025
Quinze ans après sa mort, ses amis continuent de pédaler en sa mémoire, celle d'un grand homme du vélo, leur copain, et en souvenir du bon vieux temps. Laurent Fignon est toujours parmi eux. Ses proches nous racontent «leur» Fignon, accompagnés du journaliste Patrick Chassé, qui avait engagé Laurent comme consultant à Eurosport.
Ses amis, le dernier carré des fidèles, en sont persuadés: le «vrai» Laurent Fignon ne correspond pas à l'image qu'il a laissée. Quand ils se retrouvent, ils ne parlent que de lui. Quinze ans déjà qu'il est parti, le 31 août 2010, mais Laurent est partout. C'est le copain invisible dans les ripailles cyclistes, quand les anciens équipiers qui ne se disent jamais « anciens » - ils sont ses « équipiers » à vie - reprennent le chemin des Alpes, ou de la Corrèze, tous ensemble, une fois par an, et s'offrent quelques bonnes descentes, sur le vélo ou au comptoir.
Dans ces randos souvenirs, il y a Vincent Barteau, l'intime, Éric Boyer, le lieutenant, Laurent Loulier, qui a massé ses jambes. Parfois, le mentor, Alain Gallopin, les accompagne un bout de chemin... Je les écoute des heures car la bande de Laurent est devenue la mienne, quand j'ai travaillé avec celui-ci entre 1994 et 2004 pour la chaîne Eurosport. Ces proches me le certifient: le "vrai" Fignon n'est pas celui qui s'est donné à voir pendant sa carrière cycliste, entre la gloire des deux Tours de France (1983-1984) et le drame des huit secondes (1989). Ce n'est pas davantage l'homme perclus de douleurs, qui s'accroche à un mince filet dìespoir jusque sur son lit de mort en 2010. Mais qui est-il, alors?
L'un des plusdiscrets de la bande, l'un des moins connus, c'est Laurent Loulier. Le kiné de Laurent Fignon, même age, même blondeur, même culot, est entré dans l'équipe Renault en 1984 « par le petite porte », comme il dit, « en remplacement sur le Tour de l'Aude ». Pour ce Corrézien, la loyauté et l'amitié envers Fignon consist à peser ses mots et à en dire le moins possible, comme pour ne pas ébrécher la statue. J'ai malgré tout appelé « Loulou » pour lui demander ce qu'il n'avait pas encore dit et ce qu'il jugeait bon de nous raconter. " J'avais deux passions dans la vie: le vélo et la musique, a-t-il commencé. Pour l'une d'elles, on devait se coucher, pas fumer, pas boire. Pour l'autre, c'était tout le contraire ! La sagesse m'a conseillé de faire des études de kiné. Et le destin a fait le reste. "
Huile de camphre
Véritable personnage du peloton, dans l'ombre avec ses litres d'huile de camphre et un savoir-faire unique, Louilier va quand même s'offrir quelques petits moments de fête. Comme en 1994, quand Fignon vint le trouver sur le Grand Prix de Plouay pour lui annoncer sa retraite. " Il courait dans une autre équipe, chez Gatorade on ne le voyait plus beaucoup, mais il nous avait mis dans la confidence, Alain Gallopin et moi. Il nous avait dit: «J'arrête ce soir. Ne dites rien à personne, mais rendez-vous à minuitchez moi." On rentre à Paris et à minuit, effectivement, Laurent à débâché la Ferrari. On a fait Paris by night, tous les trois, un vrai truc d'amitié.»
La relation entre les deux Laurent s'est nouée dix ans plus tôt, à une époque où Fignon et ses équipiers sont en pleine confiance, sur la lancée du Tour de France victorieux de 1983. Loulier doit leur passer les musettes au ravitaillement mais, dès le premier jour, c'est la catastrophe. «Le peloton arrive, je tends le bras, tous les coureurs me frôlent mais je ne vois pas un seul Renault sur le côté droite, se remémore-t-il. Un véritable fiasco. Je n'avais pu passer aucune musette. Et là je me retourne, je vois Fignon qui freine... Il fait même demi-tour! Arrivé à ma hauteur, il lance: "Je t'avais bien dit de faire attention à mon maillot, j'ai le vert du classement par points!" J'étais persuadé d'être viré le soir même. En réalité, il s'agissait d'un bizutage bon enfant, dont l'équipe était coutumière.»
"Comme Laurent ne pouvait pas toujours déconner,
il a dû s'inventer un personnage
qui n'était pas le sien: un personnage dur"
S'il y en a bien un qui a beaucoup de choses à dire sur Fignon, c'est Vincent Barteau. Je l'ai choisi comme consultant à Eurosport, lui, le vainqueur d'étape sur le Tour de France le 14 juillet 1989 à Marseille, un jour de bicentenaire de la prise de la Bastille. Son duo avec Fignon au micro reposait sur des règles bien établies: à Laurent le registre savant ; à Vincent la gouailleet les blagues désopilantes. "Mais Laurent était capable d'en raconter autant que moi! tient à préciser Barteau. «Le problème, c'était son statut social. Comme Laurent ne pouvait pas toujours déconner, et qu'il n'avait pas non plus le tempérament pour être en même temps rigolo et sérieux, il a dû s'inventer un personnage qui n'était pas le sien. Un personnage dur, aussi bien avec le public qu'avec ses enfants. Mais je sais que ce n'était pas sa véritable nature.»
Fignon le bon vivant s'était fabriqué un personnage rugueux, et il détestait lorsque ses adversaires faisaient l'inverse, quand ils jouaient les types sympas, alors qu'au fond... Au bal des hypocrites, il aimait épingler l'Italian Francesco Moser, l'Irlandais Stephen Roche ou son ancien équipier chez Renault devenu son meilleur adversaire: Greg LeMond, l'Américain. À ceux-là, il desait à peine bonjour. Je me souviens d'ailleurs d'une soirée au restaurant, une veille de Milan-San Remo. Nous devions dîner a trois ou quatre mais Laurent nous avait obligés à quitter la table avant même d'avoir passé commande. Tout simplement parce que Francesco Moser avai fait son apparition dans l'établissement...
Ses quatre vérités (*)
«Il prenait souvent l'exemple de LeMond qui disait toujours oui aux journalistes, poursuit Barteau. Oui pour n'importe quoi, à n'importe qui. Yes, yes, yes. Et puis, quand le journaliste tournait le dos, LeMond disait: "Fait ch... ce mec." Laurent, quand il avait envie de dire un truc, il n'y allait pas par quatre chemins. Avec moi, c'était pareil. Quand il fallait me reprendre, il me disait mes quatre vérités.»
Une exception notable à ce franc-parler: toute situation qui le peinait ou le mettait en position de faiblesse. Dans ces moments-là, Fignon avait tendance à s'enfermer dans son mutisme. «Il te le faisait ressentir, mais il ne te le disait pas. En 1985-1986, lorsqu'on perd le sponsor Renault et qu'on ne sait pas de quoi sera fait l'avenir, c'est vrai qu'on se parle moins. Pascal Jules s'apprête à partir dans une équipe espagnole. Laurent aurait voulu qu'il patiente le temps que Guimard et lui lui trouvent un sponsor. Ça lui a fait du mal aussi. On était coursiers avant tout mais, avec Pascal Jules, l'amitié était sincère et profonde.»
Le 25 octobre 1987, la mort brutale de Pascal dans un accident de la route va anéantir Laurent. Du reste, « Julos » venait tout juste de tomber d'accord avec Guimard et Fignon pour revenir dans l'équipe dès la saison 1988. Ironie de l'histoire, Barteau a lui aussi quitté Fignon dans ces années-là, en 1987 et 1988, pour se mettre au service de l'ennemi LeMond. Il est revenu aux côtés de Laurent en 1989, lorsque celui-ci a perdu le Tour de France... Fignon avait pardonné cette infidélité de Barteau. Plus tard, les deux hommes deviendront inséparables, à l'époque où je les ai réunis au micro d'Eurosport. « Si on prend en compte nos années à la télé, je suis le seul équipier qui aura passé autant de temps avec Laurent, calcule Vincent. Donc je dois être le seul à avoir découvert en lui un autre mec, après sa carrière. » Au fond, Vincent a été l'équipier de Laurent jusqu'à la fin. J'ai été secoué de lire sa biographie parue l'an passé (Complètement Barteau! Ma vie de vélo en 100 histoires épiques, chez Solar). Barteau y raconte comment il a fait rire Laurent une dernière fois sur son lit d'hôpital à la Pitié-Salpêtrière. L'humour jusqu'au bout, à quelques minutes de basculer dans l'autre monde.
Intransigeance et malchance
Il existe forcément un Laurent ténébreux, et pas uniquement lorsqu'il perd le Tour in extremis en 1989, ou quand il ne peut pas défendre son maillot jaune en 1985, pour cause de tendinite. La carrière de Laurent, comme coureur et par la suite, est un combat entrecoupé de flashs lumineux très brefs. C'est Éric Boyer qui m'y fait penser. Les deux hommes n'étaient pas forcément proches, mais à force de côtoyer des intimes de Laurent, Éric a fini par comprendre les rouages de Fignon. D'ailleurs, il est à ses côtés dans sa première traversée du désert. «Entre 1985 et 1988, je n'ai pas connu un leader, mais un champion en souffrance, se souvient-il. Des fois, on partageait la chambre. Je sentais chez lui des moments de grande solitude. Il était triste et malheureux. On lui foutait la paix et, après, ça allait mieux."
Éric ne partagera pas la meilleure saison de Laurent, ni son pire dénouement lors du Tour 1989. Cette année-là, il a déjà rejoint l'équipe Z. Lui aussi retrouvera Fignon aux commentaires sur la chaîne Eurosport. " On parlait de nos projets respectifs. Quand il a monté son circuit d'épreuves cyclosportives, il m'a appelé pour que je lui donne un coup de main. Un peu plus tard, alors que je travaillais pour l'organisation de Paris-Nice, je lui ai confié que la famille Leulliot souhaitait se séparer de l'épreuve dont elle était propriétaire. Très vite, quand il a repris la course, je l'ai trouvé impatient en affaires..."
Les soucis resurgissent et Laurent ne fera que deux saisons à la tête de la Course au soleil, en 2000 et 2001. «Il voulait tripler les recettes, ajoute Boyer. Paris-Turf, le partenaire principal, n'a pas pu suivre. Je l'avais mis en contact avec une banque franco-allemande, mais Laurent demandait plus que les prix pratiqués à l'époque. Il a interrompu les négociations et, quand il a voulu les reprendre, la banque avait lâché l'affaire. C'est comme ça que Laurent a organisé son premier Paris-Nice avec un maillot blanc immaculé. Il ne s'en est pas remis. Au bout de deux ans, il a été contraint de vendre à ASO..."
Je me souviens qu'à cette époque-là, effectivement, Laurent ne voulait pas céder Paris-Nice à la Société du Tour de France, représentée par Jean-Marie Leblanc. Il n'avait pas pardonné à l'ancien journaliste un article paru une vingtaine d'années plus tôt, lors de ses problèmes de tendon, dans lequel Leblanc avait laissé entendre que Fignon aurait abusé de certains produits... Il est plus probable encore que Laurent Fignon ait abusé de ses ressources personnelles pour les investir en pure perte dans Paris-Nice. Vous en connaissez d'autres, des coureurs qui ont placé leur fortune personnelle dans ce sport qui a fait d'eux des champions?
À 21 ans, Fignon refuse une course arrangée:
« Non, moi je veux gagner, on fait ça tout droit! »
Enfin, au centre de cette petite bande qui entretient sa mémoire, il y a Alain Gallopin. J'ai toujours aimé parler avec lui de Laurent. Je croyais qu'on s'était déjà dit beaucoup sur lui, presque tout... Mais, pour en avoir le cœur net, j'ai appelé l'ancien masseur et confident, celui qui a relancé Laurent dans la saison 1988, par des conseils et des séances de scooter, l'aidant à accrocher son premier Milan-San Remo. Ce qui frappe dans cette remontée des souvenirs, c'est le caractère très déterminé de Fignon, depuis tout jeune. Sans compromis ni compromission, dur, brutal. Alain raconte: Laurent a 21 ans, il est néo-pro en cette saison 1982, et le voilà au départ du critérium de Garancières-en-Beauce, en Eure-et-Loir, une de ces épreuves exhibitions dont le résultat était arrangé à l'avance. «Serge Beucherie portait le maillot de champion de France, retrace Alain Gallopin. Pour lui, la victoire devait lui revenir, mais Fignon le coupe: « Non, moi, je veux gagner, on fait ça tout droit! » Le ton monte et les esprits s'échauffent. Fignon n'en démord pas: " Toi, tu n'étais qu'une m... avant ton championnat de France, tu resteras une m... après. " À l'arrivée, Fignon a gagné, Beucherie a fait deux! » Cette même année, Laurent rabroue un journaliste de l'Équipe, Michel Seassau, qui écrivait sur lui qu'il était en retard dans sa préparation: « C'est complètement faux. Il faudrait faire attention à ce que vous dites quand vous écrivez sur moi. » Le ton est poli, sans véhémence, mais la réplique est sèche. La notoriété soudaine qui s'est abattue sur Laurent Fignon, après ses deux Tours de France victorieux, s'accommodait mal de sa réserve naturelle en public. « Gallo » s'en souvient: « Les gens venaient le voir pour lui faire signer un autographe. Il les repoussait de la main et il se faisait siffler. J'ai pris un papier et un stylo pour lui apprendre. Je lui disais: "Tu en signes deux ou trois sans t'arrêter de marcher. Ils vont te courir après, mais personne ne t'en voudra de ne pas t'arrêter." Ça le gênait, mais il a fait ce que je lui ai dit. »
Aujourd'hui encore, Alain Gallopin garde une forte impression de ce sens du devoir qui animait Laurent, jusque dans cette journée funeste du 23 juillet 1989.
Aucun signe de vie
Dans l'équipe Super U, personne n'avait sérieusement imaginé sa défaite dans le Tour, et la réservation de la soirée avait donc été confirmée au Pavillon Ledoyen, un restaurant aux abords des Champs-Élysées. « Contre toute attente, on a quand même fait la fête, et c'est Fignon qui remontait le moral de tout le monde! raconte son soigneur de l'époque, encore médusé. Le lendemain lundi, il ne donne aucun signe de vie. Par contre, à 7 heures le mardi matin, je reçois un coup de fil. C'est Laurent. Il me dit: "Avec LeMond, ils ont gagné le Tour, ils étaient plus forts. Maintenant, je te demande une chose, c'est qu'on n'en parle plus..." »
Dès le jeudi, quatre jours après son échec brûlant, Laurent réapparaît sur un vélo pour un critérium aux Pays-Bas, en semi-nocturne et sur des pavés. Alain est présent, prêt à lui passer des roues de rechange. « LeMond était là avec son maillot jaune, mais il s'est mis à pleuvoir et il a abandonné. Laurent a mis un point d'honneur à finir... Dans les vestiaires, LeMond rigolait avec d'autres coureurs, et Fignon me dit: "Je n'y voyais rien avec mes lunettes, entre la pluie, la nuit, mais, moi, j'ai fait ce que j'avais à faire. Lui, il ne respecte même pas son maillot jaune..." Et dire qu'on ne devait plus en parler! »
Il est difficile de savoir jusqu'à quel point le Tour de France 1989 le hantait, si c'était une intrigue de roman ou une réalité de sa vie personnelle. Toujours est-il que, à la fin de cette saison, Fignon s'aligne sur le Grand Prix Eddy-Merckx, une épreuve chronométrée, qui s'élance devant la villa de l'autre roi de Belgique, non loin de Bruxelles. « Et comment se présente-t-il? interroge Gallopin. Avec un guidon de triathlète, semblable à celui de Greg LeMond (qui l'avait avantagé sur le Tour de France - NDLR). Sauf qu'un commissaire lui interdit cet accessoire jugé non réglementaire. "Écoutez, lui répond Fignon, poli mais déterminé, si je n'ai pas le droit de l'utiliser, je rentre chez moi tout de suite." » Ce jour-là, Fignon a donc rangé son vélo dans le coffre de sa voiture sans prendre le départ... Ce qu'il disait, promesse ou menace, il le respectait, sans y déroger. «Tout droit », comme dans le critérium qu'il ne voulait pas truquer.
Patrick Chassé
***
Laurent Fignon raccontato dalla sua banda
Testimoni-chiave
Patrick Chassé
Miroir du cyclisme - N. 475/2025
Quindici anni dopo la sua scomparsa, i suoi amici continuano a pedalare in sua memoria, quella di un grande corridore, loro amico, e in ricordo dei bei vecchi tempi. Laurent Fignon è ancora tra loro. I suoi cari ci raccontano del "loro" Fignon, accompagnati dal giornalista Patrick Chassé, che lo fece assumere come consulente a Eurosport.
I suoi amici, gli ultimi fedeli seguaci rimasti, ne sono convinti: il "vero" Laurent Fignon non corrisponde all'immagine che ha lasciato. Quando si riuniscono, parlano solo di lui. Sono passati quindici anni dalla sua scomparsa, il 31 agosto 2010, ma Laurent è (ancora) ovunque. È l'amico invisibile delle feste ciclistiche, quando ex compagni di squadra che non si definiscono mai "vecchi" – sono i suoi "compagni di squadra" per la vita – tornano sulle Alpi o alla Corrèze, tutti insieme, una volta l'anno, e si godono qualche bella uscita, in bici o al bar.
"Dato che Laurent non sempre sapeva scherzare,
dovette inventarsi un personaggio
che non fosse il suo: quello del duro."
In queste memorabili pedalate, ci sono Vincent Barteau, l'amico intimo; Éric Boyer, il luogotenente; Laurent Loulier, che gli massaggiava le gambe. A volte, il suo mentore, Alain Gallopin, li accompagna per un tratto... Li ascolto per ore perché la banda di Laurent è diventata anche la mia quando ho lavorato con lui tra il 1994 e il 2004 per il canale Eurosport. Questi amici intimi mi assicurano: il "vero" Fignon non è quello apparso durante la sua carriera ciclistica, tra la gloria dei due Tour de France (1983-1984) e la tragedia degli otto secondi (1989). E nemmeno l'uomo tormentato dal dolore, aggrappato a un sottile filo di speranza fino al suo letto di morte nel 2010. Ma chi è, allora?
Uno dei più discreti del gruppo, uno dei meno conosciuti, è Laurent Loulier. Il fisioterapista di Laurent Fignon, stessa età, stessi capelli biondi, stesse nevrosi, arrivò alla Renault nel 1984 "dalla porta di servizio", come dice lui, "in sostituzione per il Tour de l'Aude". Per questo nativo (del dipartimento) della Corrèze, la lealtà e l'amicizia verso Fignon consistono nel pesare le parole e dire il meno possibile, come per evitare di scalfire il monumento. Ho comunque chiamato "Loulou" per chiedergli cosa non avesse ancora detto e cosa pensasse valesse la pena di dirci. "Avevo due passioni nella vita: il ciclismo e la musica", ha esordito. "Per una di queste, dovevi andare a letto presto, non fumare, non bere. Per l'altra, era l'opposto! La saggezza mi ha consigliato di studiare fisioterapia. E il destino ha fatto il resto."
Olio di canfora
Un autentico personaggio del gruppo, uno che manteneva un basso profilo con i suoi litri di olio di canfora e la sua competenza unica, Loulier si concedeva comunque qualche momento di festa. Come nel 1994 (in realtà il 1993, ndr), quando Fignon era andato a trovarlo al Gran Premio di Plouay per annunciare il proprio ritiro. "Correva per un'altra squadra, la Gatorade. Non lo vedevamo più molto, ma si confidò con me e Alain Gallopin. Ci disse: 'Stasera mi ritiro. Non ditelo a nessuno, ma ci vediamo a casa mia a mezzanotte'. Tornammo a Parigi e a mezzanotte Laurent scoprì la Ferrari. Attraversammo Parigi di notte in bicicletta, un'esperienza di vera amicizia."
Il rapporto tra i due Laurent era iniziato dieci anni prima, in un periodo in cui Fignon e i suoi compagni di squadra erano pieni di fiducia, forti del vittorioso Tour de France del 1983. Loulier doveva passare loro le musette al punto di rifornimento, ma fin dal primo giorno fu un disastro. "Il gruppo è arrivato, mi sono allungato, tutti i corridori mi hanno superato, ma sulla destra non ho visto neanche uno dei 'Renault'", ricorda. "È stato un vero fiasco. Non ero riuscito a consegnare loro neanche un sacchetto. Poi mi sono girato, ho visto Fignon frenare... Si è persino voltato! Quando mi ha raggiunto, mi ha urlato: 'Ti avevo detto di stare attento alla mia maglia, ho la verde della classifica a punti!'. Ero convinto che mi avrebbero buttato fuori quella sera stessa. In realtà, si era trattato solo di un nonnismo bonario, una cosa a cui la squadra era abituata."
Se c'è una persona che su Fignon ha tanto da dire, quella è Vincent Barteau. L'ho scelto come consulente per Eurosport, il vincitore di tappa del Tour de France il 14 luglio 1989 a Marsiglia, nel bicentenario della presa della Bastiglia. I suoi duetti al microfono con Fignon si basavano su regole ben consolidate: Laurent aveva il registro accademico; Vincent le battute, battute esilaranti. "Laurent però era capace di raccontare quante più storie poteva!" ci tiene a sottolineare Barteau. "Il problema era il suo status sociale. Dato che Laurent non sempre sapeva scherzare, e non aveva il temperamento per essere divertente e serio allo stesso tempo, dovette inventarsi un personaggio che non era il suo. Quello del duro, sia con il pubblico sia con i suoi figli. Ma io so che non era quella la sua vera natura".
Fignon, il bon vivant, si era creato un personaggio rude, e detestava quando i suoi avversari facevano il contrario, quando facevano i bravi ragazzi, mentre in fondo... Al gran ballo degli ipocriti, gli piaceva menzionare l'italiano Francesco Moser, l'irlandese Stephen Roche, o il suo ex compagno di squadra alla Renault che era diventato il suo più grande avversario: Greg LeMond, l'americano. Li salutava a malapena. Ricordo una sera al ristorante, la vigilia di una Milano-Sanremo. Avremmo dovuto cenare in tre o quattro, ma Laurent ci ha costretti ad alzarci prima ancora di ordinare. Semplicemente perché nel locale era comparso Francesco Moser...
Le sue quattro verità (*)
«Spesso citava l'esempio di LeMond, che ai giornalisti diceva sempre di sì», continua Barteau. «Sì a qualsiasi cosa, a chiunque. Sì, sì, sì. E poi, quando il giornalista gli voltava le spalle, LeMond diceva: “Che stronzo quel tizio”. Laurent invece, quando voleva dire qualcosa, non usava mezzi termini. E con me era lo stesso. Quando doveva rimproverarmi, non mi risparmiava le mie quattro verità».
Un'eccezione degna di nota a questa schiettezza: qualsiasi situazione che lo addolorasse o lo mettesse in una posizione di debolezza. In quei momenti, Fignon tendeva a chiudersi nel silenzio. «Te lo faceva capire, ma non te lo diceva. Nel 1985-1986, quando abbiamo perso lo sponsor Renault e non sapevamo cosa il futuro ci avrebbe riservato, è vero che ci parlavamo meno. Pascal Jules stava per passare a una squadra spagnola (la Seat-Orbea nell'86 poi Caja Rural-Orbea nel 1987, ndr). Laurent avrebbe voluto che aspettasse che lui e Guimard trovassero uno sponsor. Anche questo gli aveva fatto male. Eravamo prima di tutto corridori, ma con Pascal Jules l'amicizia era sincera e profonda».
Il 25 ottobre 1987, la morte improvvisa in un incidente stradale di Pascal distrusse Laurent. Del resto, “Julos” aveva appena raggiunto un accordo con Guimard e Fignon per tornare in squadra nella stagione 1988. Ironia della sorte, anche Barteau lasciò Fignon in quegli anni, nel 1987 e nel 1988 (prima alla Toshiba-La Vie Claire poi alla PDM, ndr), per mettersi al servizio del nemico, LeMond. Tornò al fianco di Laurent nel 1989, quando questi perse il Tour de France... Fignon aveva perdonato quell'infedeltà di Barteau. In seguito, quando li riunii al microfono di Eurosport, i due diventeranno inseparabili. «Se si considerano anche i nostri anni insieme in televisione, sono l'unico compagno di squadra che ha trascorso così tanto tempo con Laurent», calcola Vincent. «Quindi devo essere l'unico ad aver scoperto in lui un altro uomo, terminata la sua carriera (agonistica)». In fondo, Vincent è stato compagno di squadra di Laurent fino alla fine. Sono rimasto sconvolto nel leggere la sua biografia pubblicata lo scorso anno (Complètement Barteau! Ma vie de vélo en 100 histoires épiques, edizioni Solar). Barteau racconta di come ha fatto ridere Laurent un'ultima volta, sul letto d'ospedale alla Pitié-Salpêtrière. Umorismo fino alla fine, a pochi minuti dal suo passaggio all'altro mondo.
Intransigenza e sfortuna
Esiste inevitabilmente un Laurent tenebroso, e non solo quando perse il Tour all'ultimo momento nel 1989, o quando non riuscì a difendere la maglia gialla nel 1985 a causa di una tendinite. La carriera di Laurent, come corridore e dopo il ritiro, è una continua lotta intervallata da brevi lampi di luce. È stato Éric Boyer a farmelo notare. I due non erano necessariamente vicini, ma frequentando gli amici intimi di Laurent, Éric ha finito per capire come Fignon funzionava. Del resto, è stato al suo fianco nella sua prima traversata del deserto. «Tra il 1985 e il 1988, non ho conosciuto un leader, ma un campione sofferente», ricorda. «A volte condividevamo la camera. Percepivo in lui momenti di grande solitudine. Era triste e infelice. Lo lasciavamo in pace e poi si sentiva meglio».
Éric non condividerà però la miglior stagione di Laurent; né il suo peggior epilogo, al Tour del 1989. Quell'anno era già entrato a far parte del team Z. Anche lui ritroverà Fignon come commentatore sul canale Eurosport. «Parlavamo dei nostri rispettivi progetti. Quando ha creato il suo circuito di gare ciclistiche, mi ha chiamato per chiedermi di dargli una mano. Poco dopo, mentre lavoravo per l'organizzazione della Parigi-Nizza, gli confidai che la famiglia Leulliot voleva cedere i diritti della gara di cui era proprietaria. Subito dopo, quando (Laurent) rilevò la corsa, lo trovai impaziente negli affari...».
I problemi ricompaiono e Laurent rimarrà alla guida della Course au soleil (la Corsa del sole, ndr) solo per due stagioni, nel 2000 e nel 2001. «Voleva triplicare gli introiti», aggiunge Boyer. Paris-Turf, il partner principale, non è riuscito a stare al passo. L'avevo messo in contatto con una banca franco-tedesca, ma Laurent chiedeva di più rispetto alle cifre di mercato dell'epoca. Interruppe le trattative e, quando volle riprenderle, la banca aveva già abbandonato l'affare. Fu così che Laurent organizzò la sua prima Parigi-Nizza, il cui leader aveva una maglia bianca immacolata (cioè senza sponsor, ndr). Non si riprese mai. Dopo due anni fu costretto a venderla all'ASO...».
Ricordo che a quel tempo, in effetti, Laurent non voleva cedere la Parigi-Nizza alla Société du Tour de France, rappresentata da Jean-Marie Leblanc. Non aveva perdonato all'ex giornalista un articolo pubblicato una ventina di anni prima, quando Laurent aveva problemi ai tendini, e nel quale Leblanc aveva insinuato che Fignon avesse abusato di alcuni prodotti (dopanti, ndr)... È ben più probabile, invece, che Laurent Fignon abbia abusato delle sue finanze personali per investirle inutilmente nella Parigi-Nizza. Conoscete altri corridori che abbiano investito la loro fortuna personale in questo sport che li ha resi campioni?
Infine, al centro di quel piccolo gruppo che ne conserva la memoria, c'è Alain Gallopin. Mi è sempre piaciuto parlare con lui di Laurent. Credevo ci fossimo già detti molto su di lui, quasi tutto... Ma per esserne sicuro, ho chiamato l'ex massaggiatore e confidente, colui che ha rilanciato Laurent nella stagione 1988, con consigli, sessioni di allenamento dietro scooter, aiutandolo a conquistare per la prima volta la Milano-Sanremo. Ciò che colpisce, in questo flusso di ricordi, è il carattere molto determinato di Fignon, fin da giovane. Senza compromessi né concessioni, duro, brutale. Alain racconta: Laurent aveva 21 anni, era un neo-professionista nella stagione 1982, ed eccolo alla partenza del criterium di Garancières-en-Beauce, nell'Eure-et-Loir, una di quelle gare-esibizione il cui risultato si concordava in anticipo. «Serge Beucherie indossava la maglia di campione di Francia», dice Alain Gallopin. «Per lui (Serge, ndr), la vittoria doveva spettargli, ma Fignon lo interruppe: “No, io voglio vincere, facciamo le cose per bene!”. Il tono si alzò e gli animi si scaldarono. Fignon non mollava: “Eri solo uno s... prima di diventare campione di Francia, e rimarrai uno s... anche dopo”. All'arrivo, Fignon primo, Beucherie secondo!». Quello stesso anno, Laurent ha rimproverato un giornalista de l'Équipe, Michel Seassau, che aveva scritto che Laurent era in ritardo di preparazione: «È completamente falso. Dovresti stare attento a ciò che dici quando scrivi di me.» Il tono era educato, senza veemenza, ma la risposta era stata secca. L'improvvisa notorietà che si abbatté su Laurent Fignon, dopo le sue due vittorie al Tour de France, mal si conciliava con la sua naturale riservatezza in pubblico. Gallo ricorda: «La gente veniva a chiedergli un autografo. Lui li respingeva con la mano e veniva fischiato. Ho preso carta e penna per insegnargli come fare. Gli ho detto: “Ne firmi due o tre senza fermarti. Ti correranno dietro, ma nessuno ti biasimerà per non esserti fermato”. Era imbarazzato, ma ha fatto quello che gli ho detto».
Ancora oggi, Alain Gallopin conserva un forte ricordo del senso del dovere che animava Laurent, fino a quel fatidico 23 luglio 1989.
Nessun segno di vita
Nel team Super U nessuno aveva seriamente immaginato la sua sconfitta al Tour, e quindi la prenotazione per la serata era stata confermata al Pavillon Ledoyen, un ristorante ai margini degli Champs-Élysées. «Contro ogni aspettativa, abbiamo comunque festeggiato, ed è stato Fignon a risollevare il morale a tutti!», racconta il suo preparatore dell'epoca, ancora sbalordito. Il giorno dopo, lunedì, Laurent non dava segni di vita. Invece, alle 7 del martedì mattina, ricevo una telefonata. È Laurent. Mi dice: “Con LeMond hanno vinto il Tour, son stati più forti. Ora ti chiedo una cosa, ed è di non parlarne più...”».
Giovedì, quattro giorni dopo la sua cocente sconfitta, Laurent riappare in sella a una bicicletta per un criterium nei Paesi Bassi, in semi-notturna e su pavé. Alain è presente, pronto a passargli le ruote di ricambio. «LeMond era lì con la sua maglia gialla, ma ha cominciato a piovere e si è ritirato. Laurent ha fatto un punto d'onore nel finire... Negli spogliatoi, LeMond rideva con altri corridori, e Fignon mi disse: “Non vedevo nulla con gli occhiali, tra la pioggia e l'oscurità, ma io ho fatto quello che dovevo. Lui non rispetta nemmeno la sua maglia gialla...” E dire che non dovevamo più parlarne!»
È difficile sapere fino a che punto il Tour de France del 1989 lo ossessionasse, se sia stata solo una trama poi romanzata o una realtà della sua vita personale. Sta di fatto che, alla fine di quella stagione, Fignon si schierò al Grand Prix Eddy Merckx, una gara a cronometro che partiva davanti la villa dell'altro re del Belgio, non lontano da Bruxelles. «E lui come si presenta?», si chiede Gallopin. «Con un manubrio da triathlon, simile a quello di Greg LeMond. Solo che un commissario gli proibì di usare quell'accessorio, giudicato non regolamentare. «Senta», gli rispose Fignon, educato ma determinato, «se non ho il diritto di usarlo, me ne torno subito a casa». Quel giorno, Fignon ripose quindi la sua bicicletta nel bagagliaio dell'auto senza prendere il via... Ciò che diceva, promessa o minaccia che fosse, lo rispettava senza derogare. «Dritto», come in quel criterium che non voleva truccare.
Patrick Chassé
(*) In francese, l'espressione "dire les quatre vérités" significa dire ciò che si pensa veramente, anche se è scomodo o sgradevole, senza filtri o esitazioni. L'equivalente del nostro dirne, o cantarne, quattro a qualcuno.


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