Lucien Aimar: « Ma victoire dans le Tour n'a rien changé à ma vie »


En 1966, le Francais remportait son seul etunique Tour de France. Il est désormais le plus ancien vainqueur « encore en vie » de la plus grande course cycliste au monde. Rencontre, à Hyères, avec ce Méditerranéen de 84 ans.

«Quand je vous dis que je n'ai jamais aimé le vélo, 
c'est en raison de l'histoire familiale.»

Pierre Carrey
Miroir du cyclisme n. 475/2025 

Lucien Aimar a raccroché le vélo une seconde fois dans sa vie. Parce que les routes de l'arrière-pays ne sont « plus très sûres » et que, « à un certain âge, on ne rebondit plus quand on tombe, on casse!». Le vainqueur du Tour de France 1966 a décidé, dans les replis de la saison 2023, de pendre sa machine au clou. Aujourd'hui, le Méditerranéen va bien, « malgré les petits bobos de toute personne qui a 84 ans ». Il continue d'exercer ses joies et obligations cyclistes. Comme de régler chaque détail de la cyclosportive qui porte son nom ou de répondre aux journalistes, aux classes scolaires, à des inconnus croisés au hasard qui l'interrogent sur trois sujets. Primo: ça fait quoi de gagner le Tour de France? Secundo: comment était Jacques Anquetil? Et tertio: quel était son secret pour devenir le plus grand descendeur de son époque, sinon de toute l'histoire? 

Cette même année 2023 l'a installé sous un jour nouveau, à une place nouvelle dans le grand livre du cyclisme. Le 8 août, les informations en provenance d'Espagne indiquaient la mort de Federico Bahamontes, le maillot jaune de 1959, l'Aigle de Tolède disparu à 95 ans. Anquetil, mais aussi Nencini (1960) et Gimondi (1965), ayant déjà quitté la surface du globe, c'est Aimar qui héritait de ce titre du « plus ancien vainqueur du Tour de France encore en vie ». Étrange statut, à la fois honorifique et lugubre. On vient maintenant le questionner non parce qu'il fut le premier de quelque chose-la plus célèbre course de vélo -, mais parce qu'il est le dernier. « Je suis revenu dans les journaux mais pas dans un très bon tempo! convient Aimar. Notez que je ne suis pas le doyen, parce que Jan Janssen (Tour 1968) a un an de plus que moi. Mais j'ai gagné l'édition la plus ancienne et ça veut dire que je suis probablement le plus proche de partir... »

Trois questions

Bien avant cette curieuse consécration, nous avions rencontré Lucien Aimar dans la ville où il a toujours habité, Hyères, dans le Var, au vélodrome qu'il a contribué à bâtir. C'est un ovale à travers les pins, protégé d'un demi-toit, par politesse plus que par précaution. Il ne pleut que 29 février dans cette ville du bord de mer. Nous étions en 2011, envoyés par un défunt magazine britannique. L'entretien n'est jamais paru jusqu'à ce jour, resté au chaud dans un petit enregistreur d'un modèle déjà disparu. Nous souhaitions lui poser trois questions. Sa victoire dans le Tour. Jacques Anquetil. Les descentes... »

Mais, tout d'un coup, Lucien Aimar nous a dit quelque chose de terrible. Il s'est reculé et il a articulé: « Je n'ai jamais aimé le cyclisme. »

Il a répété la phrase en regardant l'effet que ça nous faisait. Cette déclaration, nous avons appris par la suite qu'il en use et abuse, pour provoquer ses interlocuteurs mangés, eux, par la passion du vélo. « Je n'ai jamais aimé le cyclisme»: l'assertion est incroyable pour un homme qui est resté tout du long dans ce sport et dans ce monde. Dès sa dernière saison de coureur, en 1973, alors qu'il a le choix de faire autre chose, il dessine en forme de roue le restant de sa vie. Un magasin de cycles à Hyères ; un poste d'entraîneur national, redécoupé en conseiller technique régional (trente-trois ans d'exercice); des organisations d'épreuves, à commencer par le Tour Méditerranéen (38 éditions)... Une existence entière autour du vélo, qu'il n'aurait jamais aimé?

Le problème se pose en sens inverse: c'est le petit et grand monde du cyclisme qui a mis du temps à aimer, au moins à comprendre, Lucien Aimar. Pour son malheur, le Varois fut vainqueur dans une ère de champions immenses, de Jacques Anquetil à Eddy Merckx. Il est le contemporain d'une mascotte indépassée, Raymond Poulidor. Le collègue de forts en caractère, jusqu'aux seconds couteaux affûtés à la meule de pierre. C'est une époque à broyer les coureurs sur le vélo puis à effacer le souvenir de leurs carrières. Aimar a dû se faufiler entre les lignes pour accrocher son Tour de France 1966. Un Tour qui, dit-on, ne lui était pas destiné et qui, selon d'autres, risquant d'en atténuer un peu du prestige ou du mérite, a été principalement acquis dans les descentes...

Voilà, nous y sommes: les descentes. Lors de notre entrevue, en 2011, nous avions entraîné Lucien Aimar sur son terrain d'excellence, et il avait répondu par des histoires à peine croyables, comme celle qui entoure son record à 140 km/h. Une légende, alors? Quel chronométreur aurait délivré pareil certificat de vitesse? «La gendarmerie», répond Aimar. L'histoire se passe sur le Tour de France 1967, dans les cailloux grillés du mont Ventoux. « Au pied, je crève. Mais dans la descente, je suis revenu en tête. J'avais doublé une moto qui était à 120 km/h. Le gendarme a estimé ma vitesse à 140. J'avais l'impression de voler... » Ce chiffre le place au-dessus des autres oiseaux du peloton, Frédéric Vichot dans la décennie 1980, Matej Mohoric dans les années 2010, qui ont vu des nombres à plus de 120 s'afficher sur leur compteur. 

« Dites-vous que, dans la descente du Tourmalet, je reprenais dix minutes à Merckx. Pourtant, on le considère comme un grand descendeur, Merckx... » Écouter Aimar dévaler la pente, c'est frôler les ravins avec lui. Frissons. Vertiges. Ivresse. Il rappelle la bonne technique: entrer dans un virage à vive allure, donner un léger coup de frein avant de frein avant la courbe, jamais pendant, et ressortir « en ayant pris plus de 10 km/h, comme si le virage faisait l'effet d'un élastique ». En interview, Aimar continue de forger sa légende: « Moi, dans la saison, je ne changeais jamais les patins de frein !» Mais aussi : « J'ai dû freiner une seule fois dans toute ma carrière. Et encore, c'est parce que je tapais le parapet, je m'étais retourné pour voir où étaient les coureurs derrière. » Pour conclure sur le sujet: «J'ai décidé d'arrêter ma carrière le jour où j'ai ressenti la peur dans les descentes. » En revanche, Lucien Aimar tient à tirer les choses au clair sur son Tour victorieux. «Dire que je l'ai gagné grâce aux descentes, c'est un faux problème! insiste-t-il. Pour bien descendre, il faut d'abord monter. Je ne grimpais pas si mal!» En 1966, le coureur de l'équipe Ford, sous la direction de Raphaël Géminiani, prend le maillot jaune dans l'étape Briançon-Turin, en forçant le passage dans la descente de la Colletta. « J'ai pris 2 minutes 30 au peloton en bas de la descente, mais j'ai conservé mon avance dans les trente derniers kilomètres, en roulant seul, sur le plat. » Cette année-là, il s'avère que Jacques Anquetil, le leader devenu équipier, l'a encouragé dans l'ascension; que Maître Jacques et Poulidor se sont enterrés pour la victoire dans l'une de leurs plus noires inimitiés, et que Aimar en a profité. À l'arrivée au Parc des Princes, ses jambes tremblaient. C'est donc cela, gagner le Tour?

Pas devenu une star

Au cours de l'entretien, Lucien Aimar n'en finissait plus de prendre les mythes du cyclisme à revers, comme quand il s'exprimait sur un vélo, dans le versant opposé des cols glorieux. Il ne donnerait pas ce que nous pensions entendre. Il dégainerait l'inverse, presque par principe. Après nous avoir assuré qu'il n'aimait pas le vélo, il nous garantissait: «Ma victoire dans le Tour n'a rien changé à ma vie. » Il y a une large part de vrai dans le fait qu'il n'est pas devenu une star. Mais Aimar a reçu un cadeau; ou un fardeau. Pas une semaine ne s'écoule sans qu'il doive raconter ce que c'est que le Tour. C'est écrit sur son front: « Lucien Aimar vainqueur du Tour ». S'il n'avait pas souffert d'insolation dans le col d'Aubisque en 1965, si Roger Pingeon avait accepté de l'attendre pour une échappée à deux, sur la route d'Albi, en 1968, il y aurait peut-être marqué: « Vainqueur de deux Tours ». Mais un, déjà, c'est tout un monde, vous voyez.

Sa vie d'après s'est déroulée de façon très simple, comme les vêtements qu'il porte. Un tee-shirt, un polo, parfois une veste couleur daim, sans façon. Mais il a pris soin d'introduire une distance autour de lui. Contrairement à «Poupou » que la foule tutoyait dès la première seconde. On dit « Monsieur Aimar », et non pas «Lulu », sauf pour quelques intimes. Sa liberté, bizarrement, Aimar l'a trouvée en restant dans le vélo, comme conseiller technique régional. Le ministère et la fédération l'ont laissé faire à peu près ce qu'il voulait, et le métier lui a permis de former des dizaines de jeunes, tels Richard Virenque, voisin varois. Dans le Tour Med aussi Aimar a régné en maître et en génie, inventé des formules presque folles, contre-la-montre en descente, contre-la-montre par équipes mais avec des temps individuels pris au sommet du mont Faron, des étapes en Italie et en Espagne, dans le mistral, sous la neige, arrivées à la nuit dans les phares de voiture... L'organisateur retrouvait là « de l'adrénaline». Une nouvelle strate de consécration s'est formée sur le tard. Lucien Aimar a attendu 2016 pour publier sa première autobiographie, Le Temps des champions (éd. Mareuil), écrite avec le journaliste Jean-Paul Vespini. Il a patienté jusqu'en 2022 pour recevoir la Légion d'honneur, sur le vélodrome de Hyères où nous l'avions
rencontré. « Si on me l'avait remise à mes débuts, je crois que ça ne m'aurait pas bouleversé, mais là, à mon âge, je dois reconnaître que je suis très touché », déclarait-il. Pendant la cérémonie, il était entouré de ses amis les pistards Daniel Morelon et Pierre Trentin, de ses anciens équipiers Jacques Cadiou et Pierre Gautier, de son épouse Chantal, de sa fille Laurence et de Mathieu, le grand frère qui l'a autrefois mis au vélo, et donc lancé vers les sommets, mais à l'insu de leurs parents.

«Quand je vous dis que je n'ai jamais aimé le vélo, c'est en raison de l'histoire familiale », avait tenté de nous expliquer Lucien Aimar en 2011. Adolescent, l'apprenti ébéniste s'est retrouvé coincé, en étau, entre Mathieu, véritable amoureux de la bicyclette, et ses parents, ouvriers agricoles pour qui le sport était une perte de temps notoire. Aussi longtemps que possible, « Lulu » leur a caché sa vie de coursier, évitant de rapporter les bouquets à la maison. Les fleurs poussaient naturellement dans le jardin; et puis son père en ramassait au quintal, sur des terrains loués à l'hectare, d'abord la lavande, puis les roseaux et enfin les « cabosses», ces repousses d'artichauts envoyées par bateau en Algérie. Même quand il a gagné le Tour de France, Lucien Aimar ne sait pas si ses parents ont éprouvé un brin de fierté: «Ah ça, c'est un mystère... Ma grand-mère qui m'adorait était venue me voir quand j'ai pris le maillot jaune en Italie, avec mon frère. Mes parents, je pense que ça leur passait au-dessus de la tête. » Tandis que roulent ces souvenirs, de famille ou de vélo, « le plus ancien vainqueur du Tour de France » semble trouver une nouvelle jeunesse.

Il travaille chaque jour à la bonne tenue de sa cyclo, qui réunit 500 participants au mois de septembre et dont une partie de la recette est reversée aux dons d'organes. Il répond aux questions, toujours les mêmes. Il a cessé de prêter ses maillots jaunes car il n'en a possédé que sept, un pour chaque journée en tête du classement; Jacques Goddet n'était pas très généreux sur le textile... Six maillots ne lui ont jamais été rendus. Chantal lui a fait remarquer qu'il faudrait protéger le dernier dans un cadre et l'accrocher au mur. La laine était rongée par les mites, mais qu'importe. La relique se trouve sous verre, dans la chambre à coucher de l'ancien vainqueur, à portée de regard le soir quand il s'endort, le matin quand il se lève. Oui, enfin... La maison où j'habite, sur les hauteurs de Hyères, offre une vue sur la mer, nous dit Aimar, dans une ultime confidence. De ma fenêtre, on peut voir Porquerolles, les îles de Port-Cros, de Bagaud et du Levant... Mes amis trouvent ça magnifique quand ils viennent à la maison. Moi, je n'y fais plus vraiment attention. Vous savez, c'est comme pour tout, on s'habitue. »
Pierre Carrey


Lucien Aimar (premier plan) devance Roger Pigeon, 
lors des championnats de France 1968, en Ardèche.

***

Lucien Aimar: «La mia vittoria al Tour non ha cambiato niente nella mia vita»

Nel 1966, il francese vinse il suo unico Tour de France. Oggi è il più anziano vincitore “ancora in vita” della più grande corsa ciclistica del mondo. Incontro a Hyères con questo mediterraneo di 84 anni.

"Quando ti dico che non mi è mai piaciuto andare in bicicletta,
è per via della storia familiare."

Pierre Carrey
Miroir du cyclisme n. 475/2025

Lucien Aimar ha appeso la bicicletta al chiodo per la seconda volta nella sua vita. Perché le strade dell'entroterra non sono “più molto sicure” e perché “a una certa età, quando si cade non ci si rialza più, ci si rompe!”. Il vincitore del Tour de France 1966 ha deciso, alla fine della stagione 2023, di appendere la sua bicicletta al chiodo. Oggi il mediterraneo sta bene, «nonostante i piccoli acciacchi di chiunque abbia 84 anni». Continua a dedicarsi alle sue gioie e ai suoi doveri di corridore. Come curare ogni dettaglio della gara ciclistica che ne porta il nome o rispondere ai giornalisti, alle scolaresche, agli sconosciuti incontrati per caso che gli fanno domande su tre argomenti. Primo: che cosa si prova a vincere il Tour de France? Secondo: com'era Jacques Anquetil? E terzo: qual era il suo segreto per diventare il più grande discesista della sua epoca, se non della storia? 

Quello stesso anno, il 2023, lo ha posto sotto una nuova luce, assegnandogli un posto nuovo nel grande libro del ciclismo. L'8 agosto, le notizie provenienti dalla Spagna annunciavano la morte di Federico Bahamontes, maglia gialla nel 1959, l'Aquila di Toledo scomparsa all'età di 95 anni. Anquetil, ma anche Nencini (1960) e Gimondi (1965), hanno già lasciato la terra, e così è toccato ad Aimar ereditare il titolo di “più anziano vincitore del Tour de France ancora in vita”. Uno status strano, al tempo stesso onorifico e lugubre. Ora lo si interroga non perché è stato il primo in qualcosa - la più famosa corsa ciclistica -, ma perché è l'ultimo. «Sono tornato sui giornali, ma non in un momento molto felice!» ammette Aimar. «Non sono il decano, perché Jan Janssen (Tour 1968) ha un anno più di me. Ma ho vinto l'edizione più antica e questo significa che probabilmente sono il più vicino alla dipartita...».

Tre domande

Molto prima di questa curiosa consacrazione, avevamo incontrato Lucien Aimar nella città in cui ha sempre vissuto, Hyères, nel Var, al velodromo che ha contribuito a costruire. Si tratta di un ovale tra i pini, protetto da una mezza tettoia, più per cortesia che per precauzione. In questa città sul mare piove solo il 29 febbraio. Era il 2011, inviato da una rivista britannica ormai defunta. L'intervista non è mai stata pubblicata fino ad oggi, è rimasta al caldo in un mini-registratore di un modello ormai scomparso. Volevamo fargli tre domande. La sua vittoria al Tour. Jacques Anquetil. Le discese... Ma, all'improvviso, Lucien Aimar ci ha detto qualcosa di terribile. Si è tirato indietro e ha articolato: «Non ho mai amato il ciclismo».

Ha ripetuto la frase osservando l'effetto che aveva su di noi. Abbiamo poi scoperto che usa e abusa di questa affermazione per provocare i suoi interlocutori, consumati dalla passione per il ciclismo. «Non mi è mai piaciuto il ciclismo»: un'affermazione incredibile per un uomo che è rimasto per tutta la vita in questo sport e in questo mondo. Fin dalla sua ultima stagione da corridore, nel 1973, quando pur avendo la possibilità di fare altro, disegnò a forma di ruota il resto della sua vita. Un negozio di biciclette a Hyères; un posto da Ct della nazionale, poi ridimensionato a consulente tecnico regionale (trentatré anni di attività); l'organizzazione di gare, a cominciare dal Tour Méditerranéen (38 edizioni)... Un'intera esistenza dedicata alla bicicletta, che lui mai avrebbe amato?

Il problema si pone in senso inverso: è stato il piccolo e grande mondo del ciclismo a impiegare tempo per apprezzare, o almeno comprendere, Lucien Aimar. Purtroppo per lui, il ciclista originario del Var ha trionfato in un'epoca di campioni immensi, da Jacques Anquetil a Eddy Merckx. È stato contemporaneo di una mascotte insuperabile, Raymond Poulidor. Il collega dal carattere forte, un cast di supporto affilato con la mola. È un'epoca in cui si spremono i corridori e poi si cancella il ricordo delle loro carriere. Aimar ha dovuto destreggiarsi per aggiudicarsi il Tour de France del 1966. Un Tour che, secondo alcuni, non era destinato a lui e che, secondo altri, rischiando di sminuirne un po' il prestigio o il merito, è stato conquistato principalmente nelle discese...

Eccoci qui: le discese. Durante la nostra intervista nel 2011, abbiamo testato Lucien Aimar sul suo terreno di eccellenza e lui ha risposto con storie incredibili, come quella che riguarda il suo record a 140 km/h. Una leggenda, quindi? Quale cronometrista avrebbe rilasciato un certificato di velocità del genere? «La gendarmeria», risponde Aimar. La storia si svolge durante il Tour de France del 1967, sui sassi roventi del Mont Ventoux. «Ai piedi della salita, ho forato. Ma nella discesa sono tornato in testa. Avevo superato una moto che andava a 120 km/h. Il gendarme ha stimato la mia velocità a 140. Mi sembrava di volare...». Questo dato lo colloca al di sopra degli altri uccelli del gruppo, Frédéric Vichot negli anni '80, Matej Mohorič negli anni 2010, che hanno visto numeri superiori a 120 sul loro tachimetro

«Pensate che nella discesa del Tourmalet ho recuperato dieci minuti su Merckx. Eppure, Merckx è considerato un grande discesista...» Ascoltare Aimar sfrecciare giù per il pendio è come sfiorare i burroni insieme a lui. Brividi. Vertigini. Euforia. Ricorda la tecnica giusta: entrare in curva a tutta velocità, dare una leggera frenata prima della curva, mai durante, e uscirne «avendo guadagnato più di 10 km/h, come se la curva avesse l'effetto di un elastico». Nell'intervista, Aimar continua a forgiare la sua leggenda: «Io, durante la stagione, non cambiavo mai i pattini dei freni!». Ma anche: «Ho dovuto frenare solo una volta in tutta la mia carriera. E anche allora è stato perché stavo per sbattere contro il parapetto, mi ero girato per vedere dove fossero i corridori dietro di me». Per concludere l'argomento: «Ho deciso di chiudere la mia carriera il giorno in cui ho provato paura nelle discese». D'altra parte, Lucien Aimar tiene a chiarire le cose sul suo Tour vittorioso. «Dire che l'ho vinto grazie alle discese è un falso storico!» insiste. «Per scendere bene, bisogna prima salire. Non ero poi così male in salita!». Nel 1966, il corridore della Ford, sotto la guida di Raphaël Géminiani, conquista la maglia gialla nella tappa Briançon-Torino, forzando il passaggio nella discesa della Colletta. «Ho guadagnato 2 minuti e 30 secondi sul gruppo alla fine della discesa, ma ho mantenuto il mio vantaggio negli ultimi trenta chilometri, pedalando da solo in pianura». Quell'anno, Jacques Anquetil, il capitano diventato gregario, lo incoraggiò lungo la salita; Maître Jacques e Poulidor si diedero battaglia per la vittoria in una delle loro più accese rivalità, e Aimar ne approfittò. All'arrivo al Parc des Princes, le gambe gli tremavano. È questo vincere il Tour?

Non è diventato una star

Durante l'intervista, Lucien Aimar non smetteva di ribaltare i miti del ciclismo, come quando parlava di bicicletta, sul versante opposto dei gloriosi passi. Non diceva quello che ci aspettavamo di sentire. Diceva il contrario, quasi per principio. Dopo averci assicurato che non amava la bicicletta, ci garantiva: «La mia vittoria al Tour non ha cambiato niente nella mia vita. C'è una grande parte di verità nel fatto che non sia diventato una star. Aimar ha però ricevuto un dono; o un fardello. Non passa settimana senza che debba raccontare com'è il Tour. Ce l'ha scritto in fronte: «Lucien Aimar vincitore del Tour». Se non avesse sofferto un colpo di calore sul Col d'Aubisque nel 1965, se Roger Pingeon avesse accettato di aspettarlo per una fuga in coppia sulla strada per Albi nel 1968, forse avrebbe potuto scrivere: «Vincitore di due Tour». Ma già uno è un mondo, capite.

La sua vita dopo il Tour è stata molto semplice, come i vestiti che indossa. Una maglietta, una polo, a volte una giacca color camoscio, senza pretese. Ha però avuto cura di mantenere una certa distanza intorno a sé. A differenza di «Poupou», che la folla chiamava per nome fin dal primo istante. Si dice Monsieur Aimar” e non “Lulu”, tranne che per pochi intimi. Stranamente, Aimar ha trovato la sua libertà rimanendo nel ciclismo, come consulente tecnico regionale. Il ministero e la federazione gli hanno lasciato fare più o meno quello che voleva, e il mestiere gli ha permesso di formare decine di giovani, come Richard Virenque, suo vicino di casa nel Var. Anche nel Tour Med ha regnato come un maestro e un genio, inventando formule quasi folli, cronometro in discesa, cronometro a squadre ma con tempi individuali presi in cima al monte Faron, tappe in Italia e in Spagna, nel maestrale, sotto la neve, arrivi in notturna alla luce dei fari delle auto... L'organizzatore ritrovava lì «l'adrenalina». Una nuova fase di consacrazione si è formata in tarda età. Lucien Aimar ha aspettato il 2016 per pubblicare la sua prima autobiografia, Le Temps des champions (ed. Mareuil), scritta con il giornalista Jean-Paul Vespini. E dovuto attendere fino al 2022 per ricevere la Legion d'Onore, al velodromo di Hyères dove lo avevamo incontrato. «Se me l'avessero consegnata all'inizio della mia carriera, credo che non mi avrebbe commosso, ma ora, alla mia età, devo ammettere che mi ha molto colpito», ha dichiarato. Durante la cerimonia era circondato dai suoi amici ex corridori Daniel Morelon e Pierre Trentin, dai suoi ex compagni di squadra Jacques Cadiou e Pierre Gautier, da sua moglie Chantal, da sua figlia Laurence e da Mathieu, il fratello maggiore che un tempo lo aveva avvicinato al ciclismo, lanciandolo verso il vertice, ma all'insaputa dei loro genitori.

“Quando vi dico che non ho mai amato la bicicletta, è a causa della mia storia familiare”, aveva cercato di spiegarci Lucien Aimar nel 2011. Da adolescente, l'apprendista ebanista si è trovato intrappolato, in una morsa, tra Mathieu, vero amante della bicicletta, e i loro genitori, braccianti agricoli per i quali lo sport era notoriamente una perdita di tempo. Per quanto possibile, «Lulu» ha nascosto loro la sua vita di corridore, evitando di portare a casa i mazzi di fiori (del vincitore, ndr). I fiori crescevano spontaneamente in giardino; poi suo padre ne raccoglieva quintali, su terreni affittati a ettaro, prima la lavanda, poi le canne e infine i “cabosses”, quei germogli di carciofi spediti via nave in Algeria. Anche quando vinse il Tour de France, Lucien Aimar non sa se i suoi genitori provarono un briciolo di orgoglio: «Ah, questo è un mistero... Mia nonna, che mi adorava, era venuta a trovarmi quando avevo conquistato la maglia gialla in Italia, insieme con mio fratello. I miei genitori, credo che la cosa fosse al di là della loro comprensione“. Mentre questi ricordi, di famiglia o di ciclismo, scorrono, ”il più anziano vincitore del Tour de France" sembra ritrovare una nuova giovinezza.

Lavora ogni giorno per il buon funzionamento della sua cyclo, che riunisce 500 partecipanti nel mese di settembre e parte dei cui proventi viene devoluta alle donazioni di organi. Risponde alle domande, sempre le stesse. Ha smesso di prestare le sue maglie gialle perché ne ha possedute solo sette, una per ogni giorno in testa alla classifica; Jacques Goddet non era molto generoso con il tessile... Sei maglie non gli sono mai state restituite. Chantal gli ha fatto notare che bisognerebbe proteggere l'ultima in una cornice e appenderla al muro. La lana è stata mangiata dalle tarme, ma non importa. Il cimelio si trova sotto vetro, nella camera da letto dell'ex vincitore, a portata di sguardo la sera quando si addormenta e la mattina quando si sveglia. Sì, beh... La casa in cui vivo, sulle alture di Hyères, offre una vista sul mare, ci dice Aimar, in un'ultima confidenza. Dalla mia finestra si vedono Porquerolles, le isole di Port-Cros, Bagaud e Levant... I miei amici lo trovano magnifico quando vengono a trovarmi. Io ormai non ci faccio più caso. Sapete, è come per tutto, ci si abitua. »
Pierre Carrey

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