TOUJOURS À L’ATTAQUE


BERNARD HINAULT RÉDACTEUR EN CHEF:
«JE ME SERAIS BIEN PASSÉ DE CE RECORD»

Pour le quarantième anniversaire de sa cinquième et dernière victoire sur le Tour de France, le Breton de 70 ans pose son regard sur tous les sujets de l’actualité et fait du Slovène Tadej Pogacar le favori de la Grande Boucle, qui s’élancera samedi de Lille.

Bernard Hinault ne ressent aucune fierté d’être le dernier Français vainqueur du Tour de France, il y a quarante ans. Très cash sur les chances « nulles » de victoire d’un Tricolore cette année, il cherche à comprendre les raisons de cette longue disette.

“Le cyclisme a aussi commencé à se mondialiser. 
On n’était plus seuls avec les Belges, 
les Italiens et les Espagnols à dominer le cyclisme"

“Julian Alaphilippe aurait dû servir d’exemple à pas mal de Français. 
On a des puncheurs très performants capables de gagner des classiques. 
Pourquoi les brider à viser un top 10 du Tour?"

“Lui ( Tadej Pogacar), il aborde en plus le Tour 
avec l’idée de jouer pendant trois semaines, 
et c’est là où je me retrouve un peu en lui"

1 Jul 2025 - L'Équipe
TEXTE : PHILIPPE LE GARS PHOTOS : FRANCK SEGUIN

Il a longtemps hésité à passer à L’Équipe pour revenir sur le 40e anniversaire de sa cinquième victoire dans le Tour de France en 1985, la dernière d’un coureur français. Las de devoir toujours s’expliquer sur ce vide aupalmarès de la plus grande course du monde et convaincu de se répéter depuis des années, Bernard Hinault sait que ses propos peuvent parfo i s choquer et malmener les certitudes de certains coureurs français ainsi que de leurs encadrements. Au lendemain des Championnats de France en Vendée, où il était invité, il a passé la journée dans nos locaux, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), en qualité de rédacteur en chef exceptionnel de notre journal. Avant d’assister à la conception de cette édition, il s’est confié sur sa vision du cyclisme français, ses attentes et sur les chances du Slovène Tadej Pogacar (vainqueur 2020, 2021, 2024) d’égaler, voire de battre, son record des cinq victoires qu’il détient avec Jacques Anquetil, le Belge Eddy Merckx et l’Espagnol Miguel Indurain. Avec toujours la même franchise.

- Aviez-vous imaginé en1985, au soir del’ arrivée du Tour, être, quarante ans plus tard, le dernier Français vainqueur del’ épreuve?

Je n’aurais jamais parié le moindre centime là-dessus. On ne se posait d’ailleurs jamais ce genre de question àcette époque car un Français gagnait toujours le Tour à intervalles réguliers: Jacques Anquetil ( 1957, 1961, 1962, 1963, 1964), Lucien Aimar ( 1966), Roger Pingeon (1967), Bernard Thévenet ( 1975, 1977), Laurent Fignon ( 1983, 1984) et moi( 1978, 1979, 1981, 1982, 1985). C’est un constat terrible àfaire, mais il est inévitable: il n’y a plus de grands champions en France capables degagner le Tour. Onn’a plus la grosse moto, celle à 1000 cm3 qui peut faire la différence, onn’a que des 750 cm3. Ils font sans doute ce qu’il faut pour y arriver, mais ils n’ont pas les résultats et surtout aucune chance degagner le Tour.

- La dynamique s’est interrompue bien avant cette génération actuelle. Des Charly Mottet, Jean-François Bernard et toujours Laurent Fignon auraient pu enchaîner…

Ça s’est peut-être joué pour huit secondes, celles qui ont manqué à Fig non face à Le Mond sur les Champs-Élysée sen 1989 pour garder la flamme. Après, peu à peu, on a perdu l’habitude de se voir comme des possibles vainqueurs du Tour, on a laissé la main aux autres. Je me serais bien passé de ce record de longévité, car on est un pays de vélo, avec les plus belles courses du monde, et surtout la plus importante, le Tour. C’est une anomalie de l’histoire de notre sport.

- Quelles en sont les raisons ?

C’est une accumulation de petits détails mais, à cette époque, le cyclisme a aussi commencé à se mondialiser. On n’était plus les seuls avec les Belges, les Italiens et les Espagnols à dominer le cyclisme. Les Colombiens sont arrivés, suivis des Américains avec Greg ( LeMond) qui était avec moi chez Renault et la Vie claire. Puis ce fut au tour des Australiens et des Anglais, ça venait de tous les coins de la planète. Il a fallu partager encore plus le gâteau, et on n’a pas su défendre notre part. Normalement, cela n’aurait jamais dû nous empêcher de gagner, mais visiblement on a perdu nos repères avec l’arrivée de ces nouvelles nations.

- Un complexe a peut- être pu se développer au fil du temps, car à chaque fois, on ramenait les coureurs français à votre victoire ?

C’est trop facile de se cacher derrière un quelconque complexe. Quand on fait du sport de haut niveau, on a envie de gagner. Et depuis des années, je n’ai pas cette impression quand j’entends les Français annoncer leur objectif au départ du Tour : une place dans le top 10 au classement final. Je ne supporte pas d’entendre un coureur dire après la ligne d’arrivée qu’il avait de bonnes jambes. Les bonnes jambes pour moi, elles sont faites pour gagner. Mais les coureurs ne sont peutêtre pas non plus les seuls responsables. La quatrième place de David Gaudu, par exemple, sur le Tour en 2022 a été traitée comme s’il avait gagné ou presque. Ça ne l’a certainement pas servi par la suite pour viser plus haut, car il avait déjà connu en France presque tous les honneurs qu’on réserve normalement au vainqueur.

- Quand les Français font face à la concurrence d’un Pogacar, Vingegaard ou Evenepoel, que peuvent-ils espérer ?

Rien évidemment. Mais qui les oblige alors à s’entêter à faire le Tour de France ? Il y a d’autres belles courses à gagner, Julian Alaphilippe aurait dû servir d’exemple à pas mal de Français. S’il a un tel palmarès (notamment double champion du monde en 2020 et 2021), c’est parce qu’il ne s’est jamais focalisé uniquement sur le Tour. On a des puncheurs très performants, capables de gagner des classiques, comme Liège- Bastogne- Liège ou le Tour de Lombardie et l’Amstel. Pourquoi alors les brider en les contraignant à viser un top 10 du Tour que tout le monde aura oublié aussitôt ?

- Les coureurs français se sont souvent plaints de vos critiques à leur égard.

Rien que le fait de se plaindre est déjà un aveu de faiblesse. Elles auraient dû au contraire les booster, les motiver pour me montrer que j’avais tort. Je n’invente rien quand je constate seulement que leurs résultats ne sont pas à la hauteur sur le Tour.

- Les coureurs des années 2000 n’ont pas été aidés non plus par un cyclisme pas vraiment équitable.

C’était bien trop facile de se retrancher derrière l’excuse d’un cyclisme à deux vitesses. Tout n’était pas aussi tranché qu’on a bien voulu le dire. Personne n’est à l’abri, et même en France.

En 1985, battu l’année précédente par Laurent Fignon et après une opération du genou, vous aviez malgré tout la certitude qu’une cinquième victoire était possible ?

Évidemment, sinon je n’aurais pas pris le départ. En 1984, j’avais tout tenté pour empêcher Fignon de gagner, mais il était le plus fort. Je savais que c’était encore jouable l’année suivante, j’avais quand même gagné le Tour d’Italie ( en mai 1985), ce qui voulait dire que j’avais un grand Tour dans les jambes.

Vous visiez cette victoire pour égaler Jacques Anquetil et Eddy Merckx ?

Je visais la victoire, mais je me moquais que ce soit la quatrième ou la cinquième. Je n’ai jamais couru après les records, ça n’a jamais été ma priorité, je courais pour me faire plaisir. Tout le monde me demande si je ne regrette pas de ne pas avoir joué ma carte en 1986 pour gagner un sixième Tour. Mais ça n’aurait rien changé du tout, si ce n’est qu’on me dérangerait encore plus avec ça aujourd’hui. Je n’ai jamais cherché à dépasser Merckx ou Anquetil, mes deux idoles. Le seul record que je vise, c’est de vivre plus longtemps que Raphaël Géminiani (décédé le 5 juillet 2024). Il lui a manqué six mois pour passer le cap des 100 ans. Si je peux le faire, là, ça peut être un vrai record (rires)…

- On vous ramène toujours à ce Tour 1986 que vous aviez promis à Greg LeMond. Ce qui ne vous avait pas empêché de le titiller. 

Personne n’était à ma place sur ce Tour 1986, j’ai tenu ma parole et je n’ai rien à faire de ceux qui en doutent encore aujourd’hui. Si j’avais été un salaud vis- à- vis de Greg, après l’étape de Pau ( la 12e), où j’avais alors plus de cinq minutes d’avance sur lui au général, je serais resté dans sa roue jusqu’à l’arrivée à Paris et jamais il n’aurait gagné le Tour.

Votre arrivée main dans la main avec lui à l’Alpe- d’Huez est- elle l’un des moments les plus marquants de votre carrière ?

Non, seules les circonstances ont fait qu’on devait arriver ensemble là- haut. J’ai connu d’autres moments identiques. Par exemple au Stelvio avec Jean-René (Bernaudeau) sur le Giro en 1980 (le 2 juin, Bernaudeau remporte l’étape, et Hinault prend, à trois journées de la fin, le maillot rose qu’il ne lâchera plus). Mais on n’en a jamais autant parlé que de l’Alpe- d’Huez. Moi, je n’y ai jamais attaché plus d’importance que ça ne le méritait.

Qu’est- ce qui est le plus dur ? Gagner le premier Tour ou enchaîner les victoires ?

Le plus compliqué, c’est clairement d’en gagner plusieurs. Quand on voit Tadej Pogacar, il a couru cinq Tours de France, en a gagné trois ( 2020, 2021, 2024) mais en a perdu deux ( 2e en 2022 et 2023 derrière Jonas Vingegaard). Il connaît les deux sensations. Ce qui est dur, c’est de se reconcentrer et d’arriver au départ en se disant que c’est pour gagner. Mais lui, il aborde en plus le Tour avec l’idée de jouer pendant trois semaines, et c’est là où je me retrouve un peu en lui. Moi aussi, j’avais l’impression de m’amuser, et pas de travailler.

- Il lui reste deux victoires à aller chercher pour vous égaler…

Il n’en est plus très loin. Il est impressionnant, car rien ne semble l’atteindre. J’entends ici ou là que ça commence à être lassant de le voir gagner autant, mais ce n’est tout de même pas de sa faute si les autres ne tentent pas de le bousculer de son piédestal. Remco (Evenepoel) l’a bien fait sur les classiques ou quand il est champion du monde (en 2022), il l’a attaqué, et ça a marché. Aux autres d’inverser la tendance.

Qu’est-ce qui pourrait l’en empêcher ?

Peut- être l’émergence d’un nouveau talent ? Car aujourd’hui, et surtout après ce qu’on a vu sur le dernier Dauphiné, ses adversaires directs, Vingegaard et Remco, semblent résignés à jouer les deux autres places du podium. Ou alors il peut aussi bien craquer et subir le contrecoup de ses succès. Il a une confiance absolue en lui, et il ne montre jamais le moindre signe de lassitude, mais rester au sommet de cette façon ne le rend pas invulnérable pour autant. On en a vu bien d’autres avant lui être victimes de burn-out.

Le nouveau talent pourrait- il s’appeler Paul Seixas ( Decathlon- AG2R La Mondiale) ?

Qu’il gagne déjà le Tour de l’Avenir (23- 29 août 2025) et on pensera alors à la suite. On n’a pas encore suffisamment de recul pour évaluer la précocité des champions aujourd’hui. On a eu ( Egan) Bernal ( 28 ans) qui a gagné très jeune (Tours de France 2019 et d’Italie 2021), mais il a été freiné par une chute ( il a percuté un bus à l’entraînement, en janvier 2022, et subit une chirurgie de la colonne vertébrale), ou encore Remco (25 ans, vainqueur de la Vuelta 2022, champion olympique sur route et du contrela- montre à Paris) qui a vite franchi les paliers. À mon époque, on n’avait pas en tête de gagner si jeune, ce n’était pas dans les habitudes. C’était très bien d’avoir fait faire le Critérium du Dauphiné à Seixas cette année (il a terminé 8e), et je ne vois pas pourquoi il ne ferait pas le Tour l’an prochain… Il aura19 ans et tout à y apprendre. »

***

EN BREF
70 ANS
Professionnel de 1975 à 1986. 
Sélectionneur de l’équipe de France de 1988 à 1993. 
Ambassadeur des Mondiaux 2027 en Haute- Savoie. 
8 participations au Tour de France: 5 victoires (1978, 1979, 1981, 1982, 1985), 2 fois 2e (1984, 1986), 1 abandon (1980) ; 28 victoires d’étape ; maillot vert 1979 ; maillot de la montagne 1986. 
Palmarès: 3 Tours d’Italie (1980, 1982, 1985) et 6 étapes ; 2 Tours d’Espagne (1978, 1983) et 7 étapes ; 5 Monuments (Liège-Bastogne-Liège 1977, 1980; Tour de Lombardie 1979, 1984; Paris-Roubaix 1981); 1 Championnat du monde (1980); 1 Championnat de France (1978) ; GandWevelgem 1977; Flèche Wallonne 1979 et 1983; Amstel Gold Race 1981; Critérium du Dauphiné 1977, 1979, 1981.

***

SEMPRE ALL'ATTACCO
BERNARD HINAULT CAPOREDATTORE:
“AVREI FATTO A MENO DI QUESTO RECORD”

In occasione del quarantesimo anniversario della sua quinta e ultima vittoria al Tour de France, il settantenne bretone fa il punto sulle ultime novità e indica nello sloveno Tadej Pogacar il favorito per la Grande Boucle, che partirà sabato da Lille.

Bernard Hinault non è orgoglioso di essere stato l'ultimo francese a vincere il Tour de France, quarant'anni fa. È molto schietto sulle “zero” possibilità di vittoria di un corridore francese quest'anno e cerca di capire le ragioni di questo lungo digiuno.

"Anche il ciclismo ha iniziato a diventare globale. 
Non siamo più soli con i belgi, 
gli italiani e gli spagnoli a dominare il ciclismo".

"Julian Alaphilippe avrebbe dovuto essere un esempio per molti corridori francesi. 
Abbiamo dei puncheur che sono in grado di vincere le classiche. 
Perché impedirgli di puntare a una top 10 al Tour?".

"Anche lui (Tadej Pogacar) si sta avvicinando al Tour 
con l'idea di divertirsi per tre settimane, 
ed è in questo che un po' mi rivedo in lui".

1. luglio 2025 - L'Équipe
TESTO: PHILIPPE LE GARS FOTO: FRANCK SEGUIN

Per molto tempo ha esitato a parlare con L'Équipe del 40° anniversario della sua quinta vittoria al Tour de France nel 1985, l'ultima per un corridore francese. Stanco di dover sempre spiegare il suo record nella corsa più importante al mondo e convinto di essersi ripetuto per anni, Bernard Hinault sa che ciò che deve dire potrebbe essere uno choc e scuotere le certezze di alcuni corridori francesi e dei loro direttori sportivi. All'indomani dei Campionati francesi in Vandea, dove è stato ospite, ha trascorso la giornata nella nostra redazione di Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), in qualità di caporedattore speciale del nostro giornale. Prima di partecipare alla realizzazione di questa edizione, ha parlato della sua visione del ciclismo francese, delle proprie aspettative e delle possibilità che lo sloveno Tadej Pogacar (vincitore nel 2020, 2021, 2024) possa eguagliare, o addirittura battere, il suo record di cinque vittorie, che detiene insieme con Jacques Anquetil, il belga Eddy Merckx e lo spagnolo Miguel Indurain. E sempre con la sua stessa, solita franchezza.

- Nel 1985, la sera dell'arrivo del Tour, immaginava che quarant'anni dopo sarebbe stato lei l'ultimo francese a vincere la corsa?

Non ci avrei mai scommesso un centesimo. In realtà, a quei tempi non ci si poneva mai questo tipo di domanda perché c'era sempre un francese che, a intervalli più o meno regolari, vinceva il Tour: Jacques Anquetil (1957, 1961, 1962, 1963, 1964), Lucien Aimar (1966), Roger Pingeon (1967), Bernard Thévenet (1975, 1977), Laurent Fignon (1983, 1984) e io stesso (1978, 1979, 1981, 1982, 1985). È una dichiarazione terribile da fare, ma è inevitabile: in Francia non ci sono più grandi campioni in grado di vincere il Tour. Non abbiamo più la grossa cilindrata, il motore da 1000cc che può fare la differenza, abbiamo solo motori da 750cc. Probabilmente stanno facendo il necessario per farcela, ma non hanno i risultati e, soprattutto, non hanno la possibilità di vincere il Tour.

- La dinamica si è interrotta molto prima dell'attuale generazione. Charly Mottet, Jean-François Bernard e ancora Laurent Fignon avrebbero potuto seguire le orme (dei grandi del passato, ndr)...

Forse si è trattato di una questione di otto secondi, quelli di cui Fignon avrebbe avuto bisogno contro Le Mond sugli Champs-Élysées nel 1989 per mantenere accesa la fiamma. Dopo di allora, a poco a poco, ci siamo tolti l'abitudine di vederci come possibili vincitori del Tour e abbiamo lasciato che gli altri facessero la loro strada. Avrei fatto volentieri a meno di questo record di longevità, perché siamo un Paese di ciclismo, con alcune delle migliori corse al mondo, soprattutto la più importante, il Tour. È un'anomalia nella storia del nostro sport.

- Quali sono le ragioni?

È un accumulo di piccoli dettagli ma, in quel periodo, il ciclismo ha cominciato anche a diventare più globale. Non eravamo più gli unici, insieme con belgi, italiani e spagnoli, a dominare il ciclismo. Arrivarono i colombiani, seguiti dagli americani con Greg (LeMond) che era con me alla Renault e poi alla La Vie Claire. Poi fu la volta degli australiani e dei britannici, sono arrivati da ogni angolo del pianeta. Abbiamo dovuto dividere ancora di più la torta e non siamo riusciti a difendere la nostra fetta. Normalmente, questo non avrebbe mai dovuto impedirci di vincere, ma evidentemente abbiamo perso la bussola con l'arrivo di queste nuove nazioni.

- Forse si è sviluppato un complesso nel tempo, perché ogni volta che si vinceva, i corridori francesi venivano accreditati della vittoria?

È troppo facile nascondersi dietro una sorta di complesso. Quando si fa sport di alto livello, si vuole vincere. E da anni non ho questa impressione quando sento i corridori francesi annunciare il loro obiettivo alla partenza del Tour: un posto tra i primi 10 nella classifica finale. Non sopporto di sentire un corridore dire, dopo il traguardo, che aveva buone gambe. Per quanto mi riguarda, le buone gambe sono fatte per vincere. Ma forse la colpa non è solo dei corridori. Il quarto posto di David Gaudu al Tour del 2022, ad esempio, è stato trattato come se avesse vinto o quasi. Di certo non lo ha aiutato a puntare in alto, perché in Francia aveva già sperimentato quasi tutti gli onori normalmente riservati al vincitore.

- Quando i francesi si trovano di fronte a concorrenti del calibro di Pogacar, Vingegaard o Evenepoel, che cosa possono aspettarsi?

Ovviamente nulla. Ma chi li obbliga a perseverare nel Tour de France? Ci sono altre grandi corse da vincere e Julian Alaphilippe dovrebbe essere un esempio per molti corridori francesi. Se ha un palmarès così impressionante (compreso il doppio titolo di campione del mondo nel 2020 e 2021), è perché non si è mai concentrato solo sul Tour. Abbiamo corridori molto forti, capaci di vincere classiche come la Liegi-Bastogne-Liegi o il Giro di Lombardia e l'Amstel. Allora perché limitarli costringendoli a puntare a un piazzamento tra i primi 10 al Tour che tutti dimenticheranno presto?

- I corridori francesi si sono spesso lamentati delle sue critiche nei loro confronti.

Anche le lamentele sono un'ammissione di debolezza. Al contrario, avrebbero dovuto dar loro una spinta, motivarli a dimostrarmi che mi sbagliavo. Non mi sto inventando nulla quando dico solo che i loro risultati al Tour non sono all'altezza.

- I corridori degli anni 2000 non sono stati aiutati da un ciclismo non proprio corretto.

Era fin troppo facile nascondersi dietro la scusa del ciclismo a due velocità. Non è stato tutto così chiaro come è stato fatto credere. Nessuno è immune, nemmeno in Francia.

- Nel 1985, battuto l'anno precedente da Laurent Fignon e dopo un'operazione al ginocchio, era ancora sicuro che una quinta vittoria fosse possibile?

Ovviamente, altrimenti nemmeno sarei partito. Nel 1984 ho fatto di tutto per impedire a Fignon di vincere, ma lui era il più forte. Sapevo che era ancora possibile l'anno successivo, avevo ancora vinto il Giro d'Italia (nel maggio 1985), il che significava che avevo un grande Tour nelle gambe.

- Puntava a questa vittoria per eguagliare Jacques Anquetil e Eddy Merckx?

Puntavo alla vittoria, ma non mi importava che fosse la quarta o la quinta. Non ho mai inseguito i record, non è mai stata la mia priorità, ho corso per divertirmi. Tutti mi chiedono se non rimpiango di non aver giocato le mie carte nel 1986 per vincere un sesto Tour. Ma non sarebbe cambiato nulla, se non che oggi mi darebbe ancora più fastidio. Non ho mai cercato di superare Merckx o Anquetil, i miei due idoli. L'unico record a cui punto è quello di superare Raphaël Géminiani (morto il 5 luglio 2024). Gli mancavano sei mesi per raggiungere il traguardo dei 100 anni. Se ci riuscissi, quello sì sarebbe un vero record (ride)...

- La riportiamo sempre a quel Tour del 1986 che aveva promesso a Greg LeMond. Ma questo non le ha impedito di prenderlo in giro. 

Nessuno era al mio posto in quel Tour del 1986, ho mantenuto la parola data e non ho nulla a che fare con chi ancora oggi ne dubita. Se io avessi fatto il bastardo con Greg, dopo la tappa di Pau (la 12ª), quando avevo un vantaggio di oltre cinque minuti su di lui in classifica generale, sarei rimasto alla sua ruota fino al traguardo di Parigi e lui mai avrebbe vinto quel Tour.

- L'arrivo a braccetto con lui all'Alpe d'Huez è stato uno dei momenti più memorabili nella sua carriera?

No, le circostanze ci hanno costretto a salire insieme. Ho avuto altri momenti simili. Per esempio, allo Stelvio con Jean-René (Bernaudeau) nel Giro del 1980 (il 2 giugno Bernaudeau vinse la tappa e Hinault conquistò la maglia rosa a tre giorni dalla fine, che non abbandonò più). Ma non se ne è mai parlato tanto quanto dell'Alpe d'Huez. Personalmente, non le ho mai dato più importanza di quanta ne meritasse.

- Qual è la cosa più difficile? Vincere il primo Tour o infilare una serie di vittorie?

La cosa più complicata è chiaramente vincerne diversi. Se si guarda a Tadej Pogacar, ha corso cinque Tour de France, ne ha vinti tre (2020, 2021, 2024) ma ne ha persi due (secondo nel 2022 e nel 2023 dietro Jonas Vingegaard). Conosce entrambe le sensazioni. È difficile concentrarsi e arrivare alla partenza dicendo che si tratta di vincere. Ma si sta anche avvicinando al Tour con l'idea di giocare per tre settimane, ed è lì che vedo un po' di me stesso in lui. Anch'io avevo l'impressione di divertirmi, non di lavorare".

- Gli mancano ancora due vittorie per eguagliarla...

Non è lontano. È impressionante perché sembra che nulla riesca a fermarlo. Ho sentito dire qua e là che sta diventando un po' stancante vederlo vincere così tanto, ma non è colpa sua se gli altri non cercano di farlo scendere dal suo piedistallo. Remco (Evenepoel) lo ha fatto bene nelle classiche o quando era campione del mondo (nel 2022), lo ha attaccato e ha funzionato. Spetta agli altri invertire la tendenza.

- Che cosa potrebbe fermarlo?

Forse l'emergere di un nuovo talento? Perché oggi, e soprattutto dopo quanto visto nell'ultimo Delfinato, i suoi diretti rivali, Vingegaard e Remco, sembrano rassegnati a giocarsi gli altri due posti sul podio. Oppure, potrebbe facilmente crollare e subire i postumi dei suoi successi. Ha una fiducia assoluta in se stesso e non mostra mai il minimo segno di stanchezza, ma rimanere al vertice in questo modo non lo rende invulnerabile. Abbiamo visto molti altri cadere vittime del burn-out prima di lui.

- Il nuovo talento potrebbe essere Paul Seixas (Decathlon- AG2R La Mondiale)?

Lasciamogli vincere il Tour de l'Avenir (23-29 agosto 2025) e poi penseremo a cosa fare. Non abbiamo ancora il senno di poi per valutare la precocità dei campioni di oggi. Abbiamo avuto (Egan) Bernal (28 anni) che ha vinto giovanissimo (Tour de France 2019 e Giro d'Italia 2021), ma è stato frenato da una caduta (si è scontrato con un autobus in allenamento nel gennaio 2022 e ha subito un intervento chirurgico alla colonna vertebrale), o Remco (25 anni, vincitore della Vuelta 2022, campione olimpico su strada e a cronometro a Parigi) che ha fatto carriera molto rapidamente. Ai miei tempi non si pensava di vincere a un'età così giovane. È stato molto bello che Seixas abbia fatto il Critérium du Dauphiné quest'anno (è arrivato 8°), e non vedo perché non dovrebbe fare il Tour l'anno prossimo... Avrà 19 anni e avrà ancora molto da imparare".

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