Kipyegon face au temps
Faith Kipyegon après sa victoire sur 1500 m
lors des Jeux Olympiques de Paris , le 10 août 2024.
La triple championne olympique du 1500 m s’attaque aujourd’hui à Charléty à un défi fou: devenir la première femme de l’histoire à courir moins de 4’ au mile (1609 m).
Impossible sur le papier, la tentative suscite la curiosité vu les moyens développés
"Courir moins de 4’ au mile, c’est un rêve"
- FAITH KIPYEGON
26 Jun 2025 - L'Équipe
ROMAIN DONNEUX
Le marketing peut avoir du bon. Entre mille idées stupides et/ou inutiles, juste bonnes à vendre une nouveauté qui ne l’est que rarement, il peut surgir une étincelle qui peut changer la face du monde. Celui de la course à pied ne représente pas grand-chose à l’échelle d’une planète malade, mais c’est finalement beaucoup quand on sait que tout un chacun, ou presque, peut sortir dans la rue pour courir.
Faith Kipyegon, elle, courait 8 km par jour pour aller à l’école quand elle était enfant. On est dans le pur cliché de l’athlète des hauts plateaux, mais c’est son histoire. Puis, elle a couru pieds nus dans la boue des Championnats du monde de cross pour débuter dans le grand bain. Avant que ses pieds se parent des meilleurs matériaux pour écraser la planète athlétisme depuis son premier sacre planétaire sur 1500 maux JO de Rio en 2016.
Depuis, la Kényane est devenue la reine du demi-fond, compilant trois titres olympiques, quatre Mondiaux (1500 et 5000 m) et les records du monde du 1500 m (3’49’’04 en 2024) et du mile (4’7’’64 en 2023). Et c’est tout naturellement que son équipementier, Nike, s’est tourné vers elle pour essayer de casser une nouvelle barrière, après celle du marathon en 2019 (1h59’41" à Vienne sous le nom d’INEOS Challenge après une première tentative en 2017) par Eliud Kipchoge, partenaire d’entraînement de Kipyegon dans leur camp d’entraînement de Kaptagat (Kenya).
Après Breaking2, voici Breaking4 pour un projet fou: faire courir une femme en moins de 4’sur le mile.
L’idée a germé quand la Kényane a écrasé la distance en 2023 à Monaco, pulvérisant la précédente marque, le tout avec un bon bout de chemin en solo. «Après ce jour j’ai eu un déclic, lâchait-elle lors d’une conférence de presse en amont de l’événement où les journalistes étaient seulement spectateurs. Courir moins de 4’au mile, c’est un rêve. Après tout ce que j’ai réalisé, j’ai décidé qu’une femme pouvait le tenter. Et j’ose le tenter. Passer sous les 4’au mile, c’est le plus grand défi de ma vie. »
Une combinaison favorisant l’aérodynamisme
Sur le papier, «impossible is everything», pour détourner le slogan phare d’un équipementier concurrent. Mais comme toute bonne histoire, il faut plonger aveuglément dedans pour essayer d’y croire (voir par ailleurs). La firme de Beaverton (Oregon), à l’origine de la révolution des chaussures nouvelle génération qui a changé la face de l’athlétisme ces dernières années, est donc repartie au boulot.
Pour cette tentative, Kipyegon a passé du temps de l’autre côté de l’Atlantique pour enchaîner les tests. En sont ressorties une combinaison favorisant l’aérodynamisme et une nouvelle paire de pointes, la Victory Elite FK, allégée de 30 % du poids de la pointe ayant permis à la championne de dominer aux JO de Paris (90g en tout). « Il faut gagner plus de 7’’,c’est beaucoup (par rapport au record du monde), lâche Brett Kirby, directeur de la performance chez Nike, dans un reportage dans les coulisses de l’événement diffusé sur Prime. On doit se concentrer sur plusieurs facteurs: l’aérodynamisme, l’environnement, l’absence de vent. »
Pour l’emmener, la triple championne olympique aura donc le droit à un cheptel de lièvres – 13 selon nos informations, avec seulement deux femmes qui seront les Britanniques Jemma Reekie et Georgia Bell – placé dans une formation pour diminuer au maximum la résistance à l’air, avec une première ligne en diagonale devant elle et le reste de l’armada à côté et derrière elle. L’écrin de Charléty, là où elle a déjà battu deux records du monde, n’a pas non plus été choisi au hasard, entre l’envie de l’athlète de courir là où elle se sent bien et pour que ça colle avec la Fashion Week parisienne, le but étant quand même de faire parler.
D’ailleurs, depuis le début de la semaine, le stade Charléty s’est paré de mauve pour coller au goût de l’athlète et à toute la campagne publicitaire qui va avec. Arrivée mardi dans la capitale en provenance de son camp d’entraînement, Kipyegon s’élancera aujourd’hui à 20 heures. Ils seront 5000 spectateurs à pouvoir le vivre dans le stade, escortés par un grand nombre de journalistes curieux du challenge et d’une horde d’influenceurs, le marketing reprenant évidemment ses droits. La Kényane, elle, sera seule face au temps.
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13 - Le nombre de lièvres prévu pour accompagner Faith Kipyegon dans sa tentative de passer sous la barrière des 4’ au mile. Selon nos informations, parmi ce cheptel de lièvres, il y aura seulement deux femmes avec les Britanniques Jemma Reekie et Georgia Bell.
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Comme Agathe Guillemot, recordwoman de France du 1 500 m, le monde de l’athlétisme ne croit pas que Faith Kipyegon puisse courir moins de 4’ au mile.
R. Do.
« C’est impossible »
Pour bien comprendre de quoi on parle il faut mettre quelques chiffres sur la table. Courir moins de 4’ au mile, c’est une souffrance à plus de 24 km/h. Dans l’histoire de la course à pied, seulement 2096 hommes (selon les bilans de World Athletics) ont réussi à le faire – Roger Bannister restant le premier en 1954 –, le plus rapide d’entre eux, étant, encore à ce jour, Hicham El Guerrouj en 3’43’’13. Autant dire que ce n’est pas à la portée de grand monde et ça ne l’a jamais été pour une femme. «Pour moi, c’est impossible, juge Agathe Guillemot, recordwoman de France du 1500 m en 3’56’’69. Je trouve ça énorme de se mettre dans un tel inconfort, alors que c’est une immense championne et qu’elle n’a rien à prouver à personne. Je pense que c’est aussi grisant pour elle. Elle n’avait plus trop ce truc de “je ne sais pas si je vais y arriver”. Là, il y a plus de chances qu’elle échoue qu’elle n’y arrive. Elle n’a pas peur de l’échec.»
Pour l’heure, il est vrai que Kipyegon possède un record du monde sur 1500 m en 3’49’’04, ce qui est très loin de l’allure demandée, alors qu’elle devra courir 109 mde plus. Mais tout le monde s’accorde à dire que, ce soit sur le 1500 ou le mile, elle n’a jamais pu être accompagnée jusqu’au bout de ses courses et donc que ses records ne sont pas optimisés.
Un record qui ne sera pas homologué
« Elle n’a jamais eu l’occasion d’exprimer pleinement son potentiel sur le 1 500 m, explique Bastien Perraux, l’entraîneur de Sarah Madeleine qui vient de devenir la deuxième performeuse française de l’histoire sur 1500 m (3’59’’06). Si elle avait fait une course avec des garçons, elle aurait déjà fait 3’46-47 sur 1500 m. Et du coup, ils se sont dit qu’en optimisant plein de choses, ça le ferait peut-être. Ça ne le fera pas malgré tout ( rires)! On ne parle pas de faire 3’45 au 1 500 m.
Le niveau moyen sur 1 500 m des hommes qui font moins de 4’, c’est 3’41-42. Si elle fait moins de 4’ au mile, c’est stratosphérique.»
À 31 ans, Kipyegon devra en tout cas être dans la forme de sa vie pour espérer un record. Elle a précisé que son entraînement s’était parfaitement déroulé, même si, en février, elle a abandonné sur le cross Sirikwa, au Kenya, (coup de chaud) et que son 1000 mde rentrée lors de la Ligue de diamant de Xiamen (2’29’’21, le 26 avril) n’était pas non plus annonciateur de l’exploit qu’elle doit réussir aujourd’hui. « Ça serait étonnant qu’elle fasse 4’, prolonge Perraux. Par contre, ce qui est intéressant, c’est de voir jusqu’où elle peut être crédible sur sa tentative. Pour moi, c’est réussi si elle passe sous le record du monde au 1500 et au mile. »
Des records qui seront officieux, le cadre de la tentative ne répondant pas aux critères de la Fédération internationale. Mais l’essentiel est probablement ailleurs. « Ce n’est pas grave detenter et de nepas réussir, conclut Guillemot. Peutêtre que dans trois-quatre ans, elle y arrivera ou ça sera quelqu’un d’autre. Mais il faut quelqu’un qui le tente en premier.»
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Faith Kipyegon dopo la vittoria nei 1500m
ai Giochi Olimpici di Parigi, 10 agosto 2024.
Kipyegon di fronte al tempo
La tre volte campionessa olimpica dei 1.500 m affronta ora una sfida pazzesca a Charléty: diventare la prima donna della storia a correre sotto i 4' nel miglio (1.609 m).
Impossibile sulla carta, il tentativo suscita curiosità viste le risorse sviluppate.
"Correre sotto i 4' il miglio è un sogno".
- FAITH KIPYEGON
26 giu 2025 - L'Équipe
ROMAIN DONNEUX
Il marketing può essere positivo. Tra mille idee stupide e/o inutili, buone solo per vendere una novità che raramente lo è, può nascere una scintilla che può cambiare faccia al mondo. Correre non è molto nella scala di un pianeta malato, ma lo è se si considera che quasi tutti possono andare a correre per strada.
Faith Kipyegon correva 8 km il giorno per andare a scuola da bambina. È un cliché dell'atleta degli altipiani, ma è questa la sua storia. Poi ha corso a piedi nudi nel fango dei Campionati mondiali di corsa campestre per debuttare alla grande. Prima che i suoi piedi fossero equipaggiati con i migliori materiali per asfaltare il mondo dell'atletica dopo la sua prima corona globale sui 1.500 mt alle Olimpiadi di Rio nel 2016.
Da allora, la keniana è diventata la regina del mezzofondo, collezionando tre titoli olimpici, quattro campionati del mondo (1500m e 5000m) e record mondiali nei 1500m (3'49"04 nel 2024) e nel miglio (4'7"64 nel 2023). Ed era naturale che il suo sponsor tecnico, la Nike, si rivolgesse a lei per provare a infrangere una nuova barriera, dopo quella della maratona nel 2019 (1h59'41" a Vienna con il nome di INEOS Challenge dopo un primo tentativo nel 2017) di Eliud Kipchoge, compagno di allenamento di Kipyegon nel loro centro tecnico a Kaptagat (Kenya).
Dopo Breaking2, ecco Breaking4 per un (altro) progetto folle: far correre a una donna il miglio in meno di 4'.
L'idea è nata quando la keniana ha corso la distanza nel 2023 a Monaco, frantumando il precedente record, il tutto con un bel po' di lavoro in solitaria. "Dopo quel giorno, qualcosa è scattato", ha detto in conferenza stampa prima dell'evento, dove i giornalisti erano solo spettatori. "Correre sotto i 4' il miglio è un sogno. Dopo tutto quello che ho ottenuto, ho deciso che una donna poteva provarci. E io ho il coraggio di provarci. Scendere sotto i 4 minuti nel miglio è la più grande sfida della mia vita".
Una tuta aerodinamica
Sulla carta, “l'impossibile è tutto”, per riprendere lo slogan di un produttore di attrezzature concorrente. Ma come tutte le belle storie, bisogna tuffarsi alla cieca per provare a crederci (vedi altrove). Così l'azienda di Beaverton, Oregon, che è stata all'origine della rivoluzione delle calzature di nuova generazione che ha cambiato il volto dell'atletica negli ultimi anni, è di nuovo al lavoro.
Per questo tentativo, Kipyegon ha trascorso del tempo dall'altra parte dell'Atlantico per effettuare una serie di test. Il risultato è stato una tuta migliorata dal punto di vista aerodinamico e un nuovo paio di chiodi, i Victory Elite FK, più leggeri del 30% rispetto a quelli che hanno aiutato la campionessa a dominare alle Olimpiadi di Parigi (90 g in tutto). Dobbiamo guadagnare più di 7", che è molto (rispetto al record mondiale)”, ha dichiarato Brett Kirby, direttore delle prestazioni di Nike, in un backstage dell'evento trasmesso su Prime. Dobbiamo concentrarci su una serie di fattori: aerodinamica, ambiente, assenza di vento".
Per accompagnarla, la triplice campionessa olimpica avrà a disposizione un branco di lepri - 13, stando alle nostre informazioni, con solo due donne, le britanniche Jemma Reekie e Georgia Bell - disposte in formazione per ridurre al massimo la resistenza dell'aria, con una prima linea in diagonale davanti a lei e il resto dell'armata accanto e dietro di lei. Anche la sede di Charléty, dove ha già battuto due record del mondo, non è stata certo scelta a caso, tra il desiderio dell'atleta di correre dove si sente bene e la concomitanza con la Settimana della Moda di Parigi, e dunque l'obiettivo di far parlare di sé.
Infatti, dall'inizio della settimana, lo stadio di Charléty è stato addobbato di color malva per adattarsi al gusto dell'atleta e alla campagna pubblicitaria che la accompagna. Arrivata nella capitale martedì dal suo training camp, Kipyegon partirà oggi alle ore 20.00. Allo stadio ci saranno 5.000 spettatori, scortati da un gran numero di giornalisti curiosi della sfida e da un'orda di influencer, con il marketing ovviamente a farla da padrone. La keniana, invece, sarà da sola contro il tempo.
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13 - Il numero di lepri che si prevede accompagneranno Faith Kipyegon nel suo tentativo di infrangere la barriera dei 4' nel miglio. Secondo le nostre informazioni, tra il branco di lepri ci saranno solo due donne: le britanniche Jemma Reekie e Georgia Bell.
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Come Agathe Guillemot, detentrice del record francese dei 1.500 m, il mondo dell'atletica non crede che Faith Kipyegon possa correre sotto i 4' nel miglio.
"È impossibile"
Per capire di cosa stiamo parlando, dobbiamo mettere sul tavolo alcune cifre. Correre meno di 4' al miglio significa soffrire a più di 24 km/h. Nella storia della corsa, solo 2096 uomini (secondo World Athletics) sono riusciti a farlo - Roger Bannister è stato il primo nel 1954 - e il più veloce di tutti è ancora oggi Hicham El Guerrouj in 3'43''13. Non è una cosa che possono fare in molti, e non è mai stata fatta da una donna. "Per me è impossibile“, dice Agathe Guillemot, primatista francese dei 1500 m con il tempo di 3'56''69. ”Trovo enorme che si metta in questa posizione di disagio, anche se è un'immensa campionessa e non ha niente da dimostrare a nessuno. Penso sia anche esaltante per lei. Non aveva quel “non so se ce la farò”. Ora, è più probabile che fallisca che abbia successo. Non ha paura di fallire".
Per il momento, è vero che la Kipyegon ha un record mondiale sui 1500m in 3'49''04, che è molto lontano dal ritmo richiesto, anche se dovrà correre 109m in più. Ma tutti concordano sul fatto che, sia nei 1500 sia nel miglio, non è mai stata accompagnata fino alla fine delle sue gare, quindi i suoi record non sono ottimizzati.
Un record che non sarà omologato
"Non ha mai avuto l'opportunità di esprimere tutto il suo potenziale nei 1500m", spiega Bastien Perraux, l'allenatore di Sarah Madeleine, appena diventata la seconda migliore atleta francese della storia nei 1500m (3'59''06). "Se avesse corso una gara con gli uomini, avrebbe già fatto 3'46"-47" nei 1500m. Quindi hanno pensato che se avessero ottimizzato molte cose, forse sarebbe stato possibile. Ma non sarà comunque così (ride)! Non stiamo parlando di fare 3'45 nei 1500m."
Il tempo medio sui 1500m per gli uomini che fanno meno di 4' è di 3'41"-42". Se fa il miglio in meno di 4', è una cosa stratosferica".
A 31 anni, Kipyegon dovrà comunque essere in forma per sperare in un record. Ha sottolineato che i suoi allenamenti sono andati alla perfezione, anche se ha abbandonato la corsa campestre di Sirikwa in Kenya a febbraio (a causa di un colpo di calore) e che la sua rimonta sui 1.000 metri alla Xiamen Diamond League (2'29''21, il 26 aprile) non era indicativa dell'impresa che deve compiere oggi. "Sarebbe sorprendente se facesse i 4'", continua Perraux. "D'altra parte, è interessante vedere quanto possa essere credibile nel suo tentativo. Per me è già un successo se scende sotto il record del mondo nei 1500 e nel miglio".
Questi record non saranno ufficiali, poiché l'ambientazione del tentativo non soddisfa i criteri della Federazione Internazionale. Ma l'essenziale è probabilmente altrove. "Non è un problema tentare e non riuscire", conclude Guillemot. "Forse tra tre o quattro anni ci riuscirà o sarà qualcun altro (a farcela). Ma deve esserci qualcuno che ci prova per primo".
(R. Do.)
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