Le fantasme de la Cipressa


L’an dernier, les coéquipiers de Tadej Pogacar avaient imprimé un rythme d’enfer dans la Cipressa, jusqu’à exploser le record de l’ascension (9’30 ’’).

L’avant-dernière côte de Milan-San Remo, placée juste avant le Poggio, est une difficulté méjugée qui risque de cristalliser toutes les attentions cet après-midi.

L’attaque d’un favori dès la Cipressa semble tant vouée à l’échec qu’elle a fini par s’apparenter à un serpent de mer

22 Mar 2025 - L'Équipe
GAÉTAN SCHERRER (avec A. Ro.)

CIPRESSA (ITA) – La petite commune de Cipressa tient son nom de l’île de Chypre, d’où auraient fui jadis une poignée de bergers pour s’installer sur la côte ligure, en haut d’un petit promontoire rocheux où se réveillent désormais chaque matin 1 200 veinards face à la Méditerranée. On y accède depuis le front de mer par une petite route asphaltée serpentant entre les bougainvilliers et les cyprès, agrémentée de cinq virages et ajoutée en 1982 au programme de la plus longue classique du calendrier.

« Les organisateurs voulaient compliquer la vie des sprinteurs, se souvient Marc Gomez, vainqueur de cette édition pionnière après 286km d’échappée. J’avais attaqué dans la Cipressa pour la prime: je suis fier de pouvoir dire que je suis le premier coureur à être passé au sommet en tête. »

Depuis l’exploit du Rennais (voir ci-contre), rares sont ceux qui ont forgé leur victoire à San Remo dans le feu de cette avantdernière bosse au relief modéré (5,65km à 4,1%), dont le sommet est situé à 21,7 km de la ligne d’arrivée : ceux qui s’y sont essayés s’y sont bien souvent cassé les dents, comme Marco Pantani, dont l’attaque fulgurante dans ses pentes en 1999, les mains en bas du guidon, cerné par une nuée de motos, avait accouché d’une souris comme tant d’autres après lui. Vingt ans plus tard, Niccolo Bonifazio avait, lui, tenté de filer dans la redescente vertigineuse de la Cipressa vers le front de mer, un numéro d’équilibriste époustouflant qui n’avait pas davantage porté ses fruits, car le Poggio, moins difficile que sa voisine (3,7 km à 3,7 %) mais plus proche de l’arrivée, continue de paralyser toutes les volontés.

Chaque année, l’ascension de l’avant-dernière difficulté marque néanmoins le coup d’envoi des grandes hostilités : elle sépare le bon grain de l’ivraie en éjectant les sprinteurs les plus tendres d’un coup de pichenette. « Plus le tempo est élevé dans la Cipressa, plus il est facile pour les favoris de faire exploser la course dans le Poggio, note Matej Mohoric, vainqueur en 2022. Il y a trois ans, on l’avait grimpée à un rythme si infernal qu’il n’y avait même plus 30 coureurs au sommet: cet écrémage est déterminant, car il permet aux favoris d’assurer leur placement dans le final pour ensuite mieux lancer leur attaque. »

Tadej Pogacar, qui a déjà échoué à faire la différence dans le seul Poggio par le passé (4 participations, 1 podium), est celui qui a le plus intérêt à faire sauter les fusibles de loin pour lâcher ses adversaires les plus maousses sur ces pentes peu escarpées. « C’est à l’équipe de Tadej de rendre la course la plus difficile possible pour nous, dit Michael Matthews, 2e l’an passé, et qui a reconnu le final une vingtaine de fois cet hiver alors qu’il se contentait d’habitude d’une ou deux recos. Les UAE doivent juste rouler le plus fort et le plus tôt possible, et ne jamais s’arrêter. Ils n’ont pas vraiment d’autre choix. »

L’attaque d’un grand favori dès la Cipressa semble tant vouée à l’échec qu’elle a fini par s’apparenter à un serpent de mer : le Slovène, coutumier des grands raids solitaires, va-t-il refaire du mythe une réalité ? « Ça fait cinq ans que j’entends ça… », répond Jasper Stuyven, vainqueur en 2021, un brin blasé. « Si le vent est de dos, pourquoi pas, rien n’est impossible», répond Mathieu Van der Poel, plus conscient des forces de son rival. Pour Mads Pedersen, Pogacar est «le seul coureur capable de faire ça » : « Il va falloir être prêt dans la Cipressa et espérer pouvoir le suivre s’il s’en va. Mais avec un peu de chance, on pourra être un bon groupe derrière, assurer la poursuite et le rattraper avant l’arrivée. »

La tension s’annonce donc extrême cet après-midi, sur les coups de 16 heures, quand le peloton déboulera au pied de la Cipressa. L’an passé, les équipiers de Pogacar avaient imposé un tel tempo qu’ils avaient explosé le record de l’ascension (9’30’’) : avec les ambitions décuplées du Slovène et le vent de dos annoncé, les compteurs devraient encore s’affoler. « On s’est dit en riant qu’on allait tenter de faire la Cipressa en moins de neuf minutes cette année », flambait même Tim Wellens cet hiver. S’agissait-il vraiment d’une plaisanterie ? Endormie depuis près de trois décennies, la montée du petit promontoire rocheux est prête à sortir de l’ombre du Poggio pour redevenir un lieu de révolte : avec Pogacar sur la route de San Remo, le bon sens est renversé et les vieux fantasmes ravivés.

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G. Sc.

Ils y ont pris la fuite





1982 MARC GOMEZ
Échappé depuis le départ, le néo-pro breton place une accélération dans la Cipressa, empruntée pour la première fois par l’épreuve, pour rafler au sommet une prime de 5 000 francs. « Jamais je ne me pensais capable de gagner », dira-t-il. Après la chute de son dernier rival, Alain Bondue, à l’entame de la descente du Poggio, le Français finira pourtant par s’imposer à San Remo.


1990 GIANNI BUGNO
Dans une édition venteuse où la plupart des favoris sont très tôt piégés, Gianni Bugno suit une attaque de son compatriote Angelo Canzonieri à 33 km de l’arrivée, avant de le lâcher dans les pentes de la Cipressa. Le coureur italien, alors âgé de 26 ans, ne sera plus jamais repris. À 45,8 km/h de moyenne, ce Milan-San Remo restera pendant trente-quatre ans le plus rapide de l’histoire.


1996 GABRIELE COLOMBO
Pour sa première Primavera, le coureur de 23 ans joue sur l’effet de surprise et attaque dans la Cipressa avec trois coureurs. L’Italien parviendra à maintenir les favoris à trente secondes jusqu’à San Remo, avant de démarrer sous la flamme rouge pour s’offrir un improbable triomphe. C’était il y a vingt-neuf ans. Plus aucun coureur n’a depuis gagné San Remo en partant dans la Cipressa.

***

L'anno scorso, i compagni di squadra di Tadej Pogacar hanno imposto un 
ritmo impressionante sulla Cipressa, battendo il record della salita (9'30'').

La fantasia della Cipressa

La penultima salita della Milano-Sanremo, poco prima del Poggio, è una difficoltà mal giudicata che probabilmente attirerà molta attenzione questo pomeriggio.

Un attacco da parte di un favorito sulla Cipressa sembra talmente destinato a fallire da assomigliare a un serpente marino.

22 mar 2025 - L'Équipe
GAÉTAN SCHERRER (con A. Ro.)

CIPRESSA (ITA) - Il piccolo comune di Cipressa prende il nome dall'isola di Cipro, da cui un tempo un manipolo di pastori fuggì per stabilirsi sulla costa ligure, in cima a un piccolo promontorio roccioso dove oggi 1.200 fortunati si svegliano ogni mattina di fronte al Mediterraneo

"Gli organizzatori volevano rendere la vita difficile ai velocisti”, ricorda Marc Gomez, vincitore di questa edizione pionieristica dopo una fuga di 286 km. "Attaccai sulla Cipressa per l'abbuono: sono orgoglioso di poter dire di essere stato il primo corridore a raggiungere la vetta in testa”.

Dopo l'impresa dell'uomo di Rennes (vedi a lato), pochissimi corridori hanno forgiato la loro vittoria a Sanremo nel calore di questa penultima salita moderatamente collinare (5,65 km al 4,1%), la cui cima si trova a 21,7 km dal traguardo: coloro che si sono cimentati in questa impresa sono spesso caduti in disgrazia, come Marco Pantani, che nel 1999, con le mani sul manubrio e circondato da un nugolo di moto, ha sferrato un attacco fulminante lungo le sue pendici, facendo la fine di tanti altri dopo di lui. Vent'anni dopo, Niccolò Bonifazio ha tentato la fuga nella vertiginosa discesa della Cipressa verso il lungomare, un equilibrismo mozzafiato che non ha dato i suoi frutti, perché il Poggio, meno difficile del suo vicino (3,7 km al 3,7%) ma più prossimo all'arrivo, continua a paralizzare ogni volontà.

Ogni anno, l'ascesa della penultima salita segna comunque il calcio d'inizio delle ostilità principali: separa il grano dall'oglio, rimbalzando con un colpo di reni i velocisti più teneri. "Più alto è il ritmo della Cipressa, più è facile per i favoriti far esplodere la corsa sul Poggio”, osserva Matej Mohorič, vincitore nel 2022. "Tre anni fa l'abbiamo scalata a un ritmo così infernale che in cima non c'erano nemmeno 30 corridori: questa scrematura è cruciale, perché permette ai favoriti di assicurarsi la posizione nel finale e poi di sferrare l'attacco in modo più efficace”.

Tadej Pogacar, che già in passato non è riuscito a fare la differenza sul solo Poggio (4 partecipazioni, 1 podio), è quello che ha più interesse a far esplodere le micce da lontano per far cadere i rivali più pesanti su questi pendii poco ripidi. "Spetta al team di Tadej rendere la gara il più difficile possibile per noi”, afferma Michael Matthews, secondo l'anno scorso, che quest'inverno ha ricontrollato il traguardo una ventina di volte, mentre di solito si accontentava di una o due ricognizioni. Gli UAE Emirates devono solo pedalare il più forte e il prima possibile, senza fermarsi mai. Non hanno altra scelta.

L'attacco di un grande favorito sulla Cipressa sembra talmente destinato a fallire che ha finito per assomigliare a un serpente marino: riuscirà lo sloveno, abituato a grandi scorribande in solitaria, a trasformare il mito in realtà? “Sono cinque anni che me lo sento dire”, risponde Jasper Stuyven, vincitore nel 2021, un po' perplesso. “Se il vento è alle spalle, perché no, niente è impossibile”, risponde Mathieu van der Poel, più consapevole dei punti di forza del suo rivale. Per Mads Pedersen, Pogacar è “l'unico corridore in grado di farlo”: “Dovremo essere pronti sulla Cipressa e sperare di riuscire a seguirlo se va via. Ma con un po' di fortuna, riusciremo a stare in un buon gruppetto dietro di lui, a inseguirlo e a prenderlo prima dell'arrivo”.

La tensione sarà quindi altissima questo pomeriggio, intorno alle 16, quando il gruppo varcherà i cancelli ai piedi della Cipressa. L'anno scorso, i compagni di squadra di Pogacar avevano imposto un ritmo talmente elevato da battere il record della salita (9'30''): con le ambizioni dello sloveno decuplicate e il vento alle spalle previsto, è probabile che i cronometri vadano nuovamente in tilt. “Ci siamo detti, ridendo, che quest'anno avremmo provato a fare la Cipressa in meno di nove minuti”, ha sbottato quest'inverno anche Tim Wellens. Ma era davvero uno scherzo? Rimasta in sospeso per quasi tre decenni, la salita del piccolo promontorio roccioso è pronta a uscire dall'ombra del Poggio e a diventare nuovamente un luogo di rivolta: con il Pogacar sulla strada per Sanremo, il senso comune è stato stravolto e vecchie fantasie riaccese.

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Sono andati in fuga lì

1982 MARC GOMEZ 
Dopo aver attaccato sin dalla partenza, il neoprofessionista bretone ha accelerato sulla Cipressa, inserita per la prima volta nella gara, per ottenere un bonus di 5.000 franchi in vetta. “Non ho mai pensato di essere in grado di vincere”, ha detto. Dopo che il suo ultimo rivale, Alain Bondue, cadde nella discesa del Poggio, il francese andò a vincere a Sanremo.

1990 GIANNI BUGNO
In una corsa ventosa in cui la maggior parte dei favoriti rimase intrappolata nelle prime fasi, Gianni Bugno seguì l'attacco del connazionale Angelo Canzonieri a 33 km dall'arrivo, prima di staccarlo sulle pendici della Cipressa. Il 26enne italiano non sarebbe più stato ripreso. Con una velocità media di 45,8 km/h, questa Milano-Sanremo sarebbe rimasta la corsa più veloce della storia per 34 anni.

1996 GABRIELE COLOMBO
Per la sua prima Primavera, il 23enne sfruttò l'effetto-sorpresa e attaccò sulla Cipressa con tre corridori. L'italiano riuscì a tenere a bada i favoriti per una trentina di secondi fino a Sanremo, prima di prendere il largo sotto la fiamma rossa e conquistare un improbabile trionfo. Questo accadeva ventinove anni fa. Da allora, nessun corridore ha più vinto la Sanremo partendo dalla Cipressa.

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