LENNY MARTINEZ - Une annonciation - Vingegaard perd la main
Vingegaard au tapis, Martinez au top
Au pied de la Vierge de Notre-Dame-de-Sciez, le Français de Bahrain-Victorious a confirmé tout son talent avec sa première victoire en World Tour.
"C’est vraiment un des grands espoirs français.
Il a fait preuve aujourd’hui d’une grande maturité et d’une ambition"
- BERNARD THÉVENET, DOUBLE VAINQUEUR DU TOUR DE FRANCE
"Je ne pensais jamais gagner une étape sur Paris-Nice cette année,
je me surprends chaque semaine''
- LENNY MARTINEZ
14 Mar 2025 - L'Équipe
DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL THOMAS PEROTTO
LA CÔTE-SAINT-ANDRÉ (ISÈRE) – Elle l’a vu puis l’a adoubé. Certains murmuraient hier soir qu’elle avait même cligné des yeux comme un hommage, abaissé un peu sa nuque dans une sorte de révérence discrète et religieuse. La Vierge qui surplombe Notre-Dame-deSciez et veille sur tout le plateau de la Bièvre a vu passer un ange et une fusée, qui n’étaient qu’un seul et même oisillon tout-puissant : Lenny Martinez. Le deuxième vitrail de la petite chapelle située à hauteur de la ligne d’arrivée était de toute façon porteur d’un message annonciateur : « Au coeur de la Création, tel un feu, jaillit la lumière.»
Le puncheur français de Bahrain Victorious (21 ans) est sorti des terribles pourcentages de la dernière bosse pour signer un succès majuscule, son premier en World Tour. «C’est bien sûr la plus belle victoire de ma carrière. C’ était incroyable en termes de sensations en passant la ligne, reconnaissait Martine zen descendant du podium. Je me suis retourné et j’ai vu qu’il n’y avait pas grand monde dans ma roue. Dans ma tête, gagner une étape sur ParisNice n’était pas envisageable ! »
Trois secondes devant Matteo Jorgenson, de nouveau en jaune (lire ci-contre), vingt devant Julian Alaphilippe, dont il avait voulu prendre la roue hier, ou vingt-six devant Jonas Vingegaard, double vainqueur du Tour de France. Le genre de succès qui confirme une carrière autant qu’il la lance définitivement. « Avant de dormir, j’y pensais... C’est encore autre chose de le faire. Je savais hier (mercredi) que j’avais les jambes, j’étais passé un peu à côté, j’étais déçu et je voulais un peu me venger aujourd’hui (hier )», racontait-il en mentionnant l’ étape de La Loge des Gardesterminée à la quatrième place dans le sillage des favoris comme source de motivation. Jorgenson, qui a longtemps semblé le plus costaud dans la bosse finale, n’avait qu’un compliment à adresser au Français : «C’étaitle plus fort. » Juste avant, assis au fond de la salle de presse en mangeant un plat réconfortant, l’Américain avait même glissé en se marrant: « Dimanche, tu me laisses gagner, hein ? »
Parti l’été dernier affiner et exposerson talent chez Bah rainVicto rio us, Martinez, formé au sein de Groupama-FDJ, est entré dans le grand monde hier, un an après des succès déjà marquants au Trofeo Laigueglia ou à la Classic Var. « C’est surtout important car c’est un jeune coureur français. On pense, on espère, qu’il va progresser et aller loin, confiait en fin de journée Bernard Thévenet, double vainqueur du Tour de France en 1975 et 1977, installé en Isère depuis de très nombreuses années. C’est vraiment un des grands espoirs français. Il a fait preuve aujourd’hui d’une grande maturité et d’une ambition, c’est très important de sentir qu’un coureur qui a de l’ambition peut s’arracher pour aller à la gagne.»
De l’ambition, aussi, pour assumer un statut de leader récupéré avant-hier soir après l’ abandon du Colombien Santiago Buitrago. « Ce n’était pas une bonne nouvelle pour l’équipe, mais c’était ensuite à moi de prendre les rênes. C’est pas mal de pression, je savais que ça reposait désormais sur moi si on ne faisait pas un bon Paris-Nice », affirmait Martinez, au moment où son coéquipier italien Edoardo Zambanini passait devant lui en serrant le poing en sa direction, très fier. «C’ est une étape vraiment très dure et, pour être honnête, je pense que la fin convient vraiment très bien à Lenny. On va tout faire pour qu’il puisse être bien », avait prophétisé le matin à Saint-Just-en-Chevalet (Loire) son coéquipier Jack Haig, 3e de la Vuelta en 2021 et trois fois 5e du Critérium du Dauphiné. Pas n’importe qui. « L’équipe m’avait dit que j’avais ma chance, elle croyait vraiment dans mon punch dans la dernière bosse. J’ avais àcoeur de ne pas me louper pour eux », soulignait encore Martinez.
« Il ne faut pas lui en demander trop et, en même temps, il faut demander des résultats, oui, il faut qu’il gagne des courses. (Sourire.)
On a fait l’erreur, il y a quelques années, de laisser nos espoirs dans le coton, dans la ouate, de les laisser y aller doucement au lieu de les mettre dans le dur. Lenny, comme Romain Grégoire, comme Paul Seixas, comme d’ autres, ils sont dans le dur et ils répondent présents», appréciait Thévenet, qui ajoutait en se marrant :« Il se trouve que le weekend dernier, j’ étais avec sa grand mère et son oncle. Sa grand-mère n’a pas arrêté de m’en parler et quand elle parle de lui...»
«À chaque fois, je fais mieux que ce que j’espère ! Je ne pensais jamais gagner une étape sur ParisNice cette année, je me surprends chaque semaine », répondait Martinez, désormais 5e du général et dont la fin de semaine sera évidemment à surveiller. Une petite heure plus tôt, il avait dans un même mouvement fait tourner ses doigts vers le ciel, poussant un cri d’exaltation avant de poser ses mains sur son casque, stupéfait et si heureux. La Vierge de NotreDame-de-Sciez avait alors souri.
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Vingegaard perd la main
Tombé à mi-étape hier, le Danois a souffert pendant 100 km. Il s’est battu mais a lâché le maillot jaune à son équipier, Matteo Jorgenson.
14 Mar 2025 - L'Équipe
PIERRE MENJOT
LA CÔTE-SAINT-ANDRÉ (ISÈRE) – Jonas Vingegaarda commencé la journée gelé, poussin aux plumes encoregelé es de la veille, alors que la neige fondue tombait au départ de Saint-Just-en-Chevalet. Il l’a terminée sonné, lèvre ensanglantée et regard hagard, au terme d’une journée où son équipe a conservé le Maillot Jaune, repris par Matteo J or gens on, mais où lui a beaucoup perdu.
Acte I – La chute
On est à mi-course, dans la côte de Trèv es, quand Radio Tour annonce la chute du Maillot Jaune. Les circonstances demeurent inconnues, d’autant que le peloton, après avoir roulé très fort pendant plus d’une heure avant que l’échappée se dessine, a un peu ralenti, et que Jorgenson est, par exemple, en train de satisfaire un besoin naturel .« Je l’ ai vu sur le côté de la route, avec du sang sur le visage », aexpliquél’ Américain à l’ arrivée. Tombé sur le visage, le Danois est touché à la lèvre, rougie et se plaint de la mâchoire, mais c’est surtout sa main gauche qui le gêne. Vite remonté à vélo néanmoins, le leader de la course retrouve sa place dans le peloton et passe à la voiture médicale pour les premiers soins.
Acte II – La course à l’arrière
Les plaies sont soignées mais, pour la main, le mal est plus profond .« Elle le faisait beaucoup souffrir, il avait du ma là tenir son gui don, a poursuivi Jorgenson. Il m’a dit qu’il ne se sentait pas à l’aise pour frotter, qu’ il resterait plutôt à l’ arrière pour éviter les moments stressants et que je devais courir pour moi. » Chez Jumbo-Vis ma, une stratégie est mise en place. «Victor Campenaerts restait avec lui et, moi, je restais à l’ avant et l’ attendait à chaque sommet de bosse pour le ramener en cas de cassure », a détaillé Axel Zingle, sanctionné d’un carton jaune pour avoir roulé sur un trottoir. Avec son casque aux couleurs du Danemark, Vingegaard est facilement identifiable en fond de classe, position si inhabituelle pour lui. Dans les cinquante derniers kilomètres, les murs s’enchaînent et jamais le double vainqueur du Tour ne remonte. «Ce n’est pas l’idéal, car vous perdez de l’énergie, a confié à Sporza Campenaerts, avant d’avouer : Jonas a parlé de vertiges, il doit avoir incroyablement souffert. C’est impressionnant qu’il ait terminé l’étape, j’avais l’impression qu’il n’était pas très lucide .» Il entame l’ ascension finale de Notre-Dame-de Sciez au sein du groupe des favoris, constitué d’une quarantaine d’éléments encore.
Acte III – Une montée de souffrance
Le rythme en tête de course provoque des cassures et le Maillot Jaune, à l’arrière, zigzague pour remonter doucement. Il figure encore parmi les vingt premiers, à la flamme rouge, quandZinglef or ce l’ allure en tête pour J or gens on. Le relais de Brandon McNulty (UAE), un hectomètre plus loin, le fait en revanche décrocher. Vingegaard se dandine mais il ne peut pas se mettre en danseuse, visiblement. À l’ avant, J or gens on prend vite les commandes et fait exploser le groupe. « J’ai couru de manière offensive, avec un rythme régulier et élevé, ce qui est le mieux pour moi », justifiait-il. Coiffé par LennyMartinez (voir par ailleurs ), le dossard no. 1 récupère néanmoins le Maillot Jaune, lâché la veille, avec 22 secondes d’avance sur Vingegaard, arrivé 16e. Derrière la ligne, le Danois est assommé, mélange de douleurs, de tristesse et de fatigue nerveuse. Il essaie d’ enlever ses gants mais doit demander l’ aide d’un assistant pour la main gauche. Il boit beaucoup, remercie son équipier Bart Lemmen venu le câliner, et redescend en sens inverse vers son car. Les examens passés dans la soirée n’ ont pas révélé de fracture, seulement une contusion, et l’ étape du jour, dessinéepour les sprinteurs, devrait lui permettre de se refaire avant le week-end final. La décision de poursuivre ou non sera néanmoins prise ce matin par le staff médical de l’équipe. « Entre hier (jeudi) et aujourd’hui (hier), on a surtout essayé de ne pas perdre Paris-Nice, estimait Zingle. Et maintenant, on va essayer de le gagner .»
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TIRRENO-ADRIATICO
Ganna-van der Poel, deuxième round
A. Ro., à Trasacco
Filippo Ganna (Ineos Grenadiers) a le langage fleuri et l’art de la digression. Hier soir, il est parti dans un développement surnaturel sur les petits rebuts qui restent au fond de la machine à laver après ces journées froides et humides et qui, littéralement, « lui cassent les boîtes », après avoir parlé de la crostata qu’il avait commandée au cuistot d’Ineos mercredi soir et qui était « délicieuse ». Recentré sur la course, l’Italien a comparé l’attaque de Mathieu van der Poel (Alpecin-Deceuninck) dans la bosse à 5 km de l’arrivée à « un coup de lame de rasoir ». Les deux protagonistes du prochain Milan-San Remo (22 mars) se sont livré une nouvelle bataille et si le Néerlandais avait repêché Ganna dans le final mercredi, hier ce fut l’inverse. « C’est vrai qu’on joue avec Mathieu depuis deux jours, souriait le rouleur piémontais. À un tour de la fin, il m’a dit qu’il n’avait pas de bonnes jambes, mais ensuite, il a essayé. C’était une attaque très puissante, il m’a fait très mal, j’avais des crampes, mais j’ai pu boucher le trou et je suis très content. » Ganna et ses équipiers ont concassé le peloton toute la journée, notamment d’un coup de bordure au sommet de la Crocetta, à 80 km du terme, puis d’un autre 40 bornes plus loin. Ces manoeuvres ne bousculèrent finalement pas le top 10, alors qu’Olav Kooij (Visma-Lease a bike) remportait le sprint, en l’absence de Jonathan Milan (Lidl-Trek), largué de bonne heure après sa chute de la veille. Ganna s’attend à souffrir aujourd’hui dans une étape que certains comparent à… Milan-San Remo. « Les bosses sont quand même plus longues et raides », a balayé le maillot azzurro. L’occasion d’un troisième round face à van der Poel ?
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