Quand la mort piste les coureurs


Tadej Pogačar (en jaune) dans la descente du 
col du Tourmalet, dans les Pyrénées, samedi.

Ce mardi, avant l’arrivée au Ventoux, le peloton passera devant la stèle de Tom Simpson, coureur décédé dans le col en 1967. Une occasion d’interroger les acteurs du cyclisme sur leur peur de la mort.

«Les coureurs assument tout ce que les individus d’une société ne peuvent pas
assumer eux-mêmes .» 
   - Olivier Haralambon écrivain et ex-coureur

22 Jul 2025 - Libération
Par Quentin Girard Envoyé spécial sur le Tour

Les coureurs verront la masse blanche de très loin. D’abord, par à-coups. Au détour d’un virage. En haut d’une colline. Entre deux arbres. Ils devront avancer dans une longue et terrible procession vers l’interminable ascension de 15,7 km à 8,8%, sommet final de l’étape 16. Au hameau de Sainte-Colombe, ça ira encore. Dans les vignes et les vergers, la pente est douce. Soudain, à Saint-Estève, la route se cabrera comme un cheval fou en entrant dans la forêt de pins. Puis, au Chalet Reynard, à près de 6 km de l’arrivée, commencera la malédiction: un bitume large et fondant, frappé par le mistral, à travers la rocaille calcaire. Rien pour s’abriter, aucune ombre pour s’attarder, seule une étendue lunaire avec pour seul point de mire la tour de l’Observatoire. Elle paraîtra presque proche, accessible, mais semblera toujours s’éloigner. Un mirage. Un songe.

A 1,5 km du sommet, aucun coureur n’aura un regard pour la stèle dédiée à Tom Simpson. Ils n’auront pas le temps, ni l’énergie. En 1967, le coureur britannique est mort là, d’un collapsus cardiaque, terrassé sur son vélo par la fatigue, les amphétamines, l’absence de ravitaillement, la montagne. Depuis, le point culminant des monts de Vaucluse s’est paré d’un voile mystique: grimpent ici ceux qui acceptent de mourir.

95 MORTS DEPUIS LE DÉBUT DU XXE SIÈCLE

Cette année, l’organisation a prévu d’y déposer une simple gerbe de fleurs. Le Tour ne passe pas si souvent par le géant de Provence, tous les trois ou quatre ans en moyenne, et jamais les années en 7 depuis 1987. L’Anglais, symbole du dopage, met mal à l’aise.

Il n’est pas une victime comme Fabio Casartelli, avalé par la route le 18 juillet 1995, dans la descente du col de Portet-d’Aspet.

Ceux qui étaient là se souviennent, comme James Startt, alors jeune photographe, 35 Grandes Boucles à son actif. Trente ans après, les larmes aux yeux, il dit : «Je n’oublierai jamais sa mort. J’étais dans la descente du Tourmalet quand j’ai appris l’évacuation en hélicoptère. Ce n’est jamais bon… Le lendemain, je me suis posé dans une voiture avec Lance Armstrong [son coéquipier chez Motorola, ndlr]. Il m’a dit: “C’était un bon type.”» Aucun hommage officiel, le Tour ne passait pas par là. Le peloton avait déjà eu sa dose de minute de silence, la veille, pour rendre hommage à Samuele Privitera. L’espoir italien de 19 ans est décédé le 16 juillet après une chute lors de la première étape du Tour Val d’Aoste. Dans le vélo, la mort rôde. Le cyclisme est un sport qui tue. Pendant une épreuve, à cause d’un accident cardiaque ou d’une chute, lors d’un sprint, en descente, à n’importe quel moment. A l’entraînement, percuté parfois par un véhicule. Ou pour d’autres raisons (le dopage, la drogue). Ils sont 95 à être morts en course depuis le début du XXe siècle, dont cinq depuis 2020. Plus de deux fois plus qu’en Formule 1.

Personne n’est à l’abri d’un accident grave. Ils n’aiment pas forcément en parler. Dans les Pyrénées, Tadej Pogačar a écrasé le Tour. Il sait que, sauf malheur, il a course gagnée et n’a plus d’adversaire. Désormais, son seul ennemi est lui-même. Un moment d’inattention, comme lorsqu’il a chuté mercredi, et tout peut s’arrêter. En haut d’Hautacam, jeudi, ses premiers mots ont été pour Samuele Privitera: «Je suis très triste. Le dernier kilomètre, je pensais à lui et à quel point notre sport peut être dur. A toute la peine qu’il peut causer.» Peut-être est-ce une des raisons pour lesquelles il n’a pas tout donné le samedi, dans l’étape entre Pau et Luchon-Superbagnères. Il pleuvait, la route était trempée, les cols du Tourmalet et d’Aspin, déjà inquiétants en temps normal, disparaissaient dans la brume. En descente, on ne voyait pas à dix mètres. Pour rattraper les échappées, il aura fallu lâcher les freins et s’en remettre à la bénédiction des calvaires, nombreux sur les bords des chemins.

«IL Y A UNE PART DE VIOLENCE QU’ON S’INFLIGE»

Cela n’en valait pas la peine. «On a roulé fort mais je pensais surtout à être en sécurité, nous a dit Tadej Pogačar. Quand tu arrives en haut du Tourmalet au bout d’une demiheure d’effort et que tu penses, “oh la descente, c’est facile, je vais me reposer”, mais il y a la purée de pois, la pluie… J’étais à un moment un peu effrayé, à suivre (Pavel) Sivakov [son coéquipier]. Le voir seulement lui dans le brouillard blanc, ne même pas voir la route…» Imaginez ces ombres, vêtues d’un simple maillot en lycra, soit presque nues, lancées à 100 à l’heure dans les nuages. Il faut être un peu fou. «L’effort et le dépassement sont des notions mortifères un peu ambivalentes», juge l’écrivain et ancien coureur de bon niveau Olivier Haralambon. L’auteur a publié plusieurs ouvrages sur le vélo, dont un sur le destin tragique de Frank Vandenbroucke, cycliste talentueux des années 90 emporté par la drogue et ses démons, et l’autre sur une de ses propres chutes, qui a changé son rapport à son corps. «La nuit s’est abattue d’un coup sur le monde, dit-il joliment de ce moment. Tout le discours originel sur ce sport qui a consisté à les assimiler à des forçats, à leur capacité à endurer la douleur, a contribué à leur fascination sur les foules. On vient voir des gens capables de tout.» Il ajoute: «Ce sont les saints catholiques, des êtres un peu surnaturels, avec leur maigreur, leurs jambes rasées, monstrueuses, couvertes de veines. On attend qu’ils servent d’exemples et qu’ils nous repoussent. Ils assument tout ce que les individus d’une société ne peuvent pas assumer eux-mêmes.» Dans les sprints ou en descente, certains «débranchent le cerveau». «Les chutes font partie de la légende de ce sport, mais si tu y penses, tu ne peux pas rouler dans le peloton, tu ne peux pas descendre à 100 à l’heure», juge James Startt.

«C’est un sport extrême. Il y a une part de violence qu’on s’inflige à nous-mêmes et dans ce qui peut nous arriver, analysait Guillaume Martin-Guyonnet, lors de la journée de repos de lundi. C’est toucher aux limites de ce qui est acceptable. Il y a eu une période de ma carrière où j’aimais bien me mêler au groupe des sprinters et ressentir cette adrénaline.» L’actuel treizième du général continue : «C’est comme une drogue, ça génère des choses qui font à la fois peur et plaisir.» Jordan Jegat (Total Energies), onzième et l’une des surprises de l’épreuve, ajoute: «Malheureusement ça fait partie du sport de haut niveau. Il faut savoir le maîtriser et vivre avec. Se dire que ça fait partie du jeu. Soit ça passe, soit ça casse.»

Dans un récent documentaire de L'Équipe explore, consacré aux chutes, le manager de la Groupama-FDJ, Marc Madiot, assume : «On sait qu’on va devoir prendre des risques et que les autres vont en prendre. […] On sait que ça peut tomber et que ça tombe.» Il regrette: «Il y a des morts, il y en aura d’autres. Et vous verrez, on repartira forcément le lendemain.» Face à ces risques et les traumatismes que cela peut engendrer, son équipe a mis en place un suivi psychologique, à la demande. Les coureurs ont accès à un psy, une hypnothérapeute et une préparatrice mentale, Marie-Laure Brunet, ancienne championne de biathlon. Cette dernière remarque que la demande augmente : «Avant, j’avais quatre ou cinq coureurs réguliers. Cette saison, j’en ai seize. La santé mentale devient un sujet avec aussi l’envie d’optimiser sa performance, avec la conscience que cela passe aussi par là. La question des chutes revient souvent et chaque coureur le vit différemment. Il y a ceux qui tombent à répétition et qui s’en fichent et d’autres qui en ont peur alors qu’ils ne sont jamais tombés.» Dans le peloton, ils sont nombreux à avoir un jour ou l’autre flirté avec la mort ou craint pour la vie de quelqu’un. En 2022, lors de Liège-Bastogne-Liège, juste après une collision spectaculaire, Romain Bardet décrivait ainsi, la voix tremblante, le regard dans le vide, ce qui ressemblait à un tableau de Brueghel l’Ancien : «J’ai eu très peur pour Julian [Alaphilippe]. Je l’ai vu trois mètres en contrebas et il me dit “je ne peux pas bouger, je ne peux pas bouger”. Personne n’arrivait. Ça a duré une éternité. C’était vraiment choquant comme scène. On ne fait pas du vélo pour vivre ça. Il y avait des mecs partout par terre, ce n’était plus une course.»

«La fin ne justifie pas Les moyens»

Julian Alaphilippe, qui a cru gagner dimanche, n’a que rarement évoqué ce moment traumatisant. Sa femme, Marion Rousse, ancienne coureuse et commentatrice sur France TV, raconte : «Sur le coup, il pensait qu’il allait mourir. […] Tu ne peux pas te permettre de juger la réaction des coureurs qui ont vécu la chute. Certaines personnes vont avoir le besoin d’en parler pour se libérer, d’autres préfèrent ne pas en reparler car c’est trop douloureux. Je pense que ce fut le cas de Julian.»

L’accident peut changer les hommes. Après celle lors du Tour du Pays Basque en 2024, Jonas Vingegaard a fendu sa carapace danoise. Il n’hésite plus désormais à partager ses émotions, ce qui lui attire une sympathie nouvelle. Dans la saison 3 d’Au coeur du peloton sur Netflix, il pleure : «Le plus effrayant, c’est que je n’arrivais plus à respirer et je crachais du sang. Je me demandais si j’allais vivre ou mourir.» Un autre, Remco Evenepoel, est perçu comme un survivant multirécidiviste. Il est passé tout près de la fin trois fois. Il est Lazare, celui qui sort vivant des ravins. Patrick Lefevere, son ex-manager à la Soudal-QuickStep, lance dans le Parisien: «Comment ne voulez-vous pas aimer un homme qui a failli mourir, qui a compris que la vie était fragile et qui gagne ensuite?» Parfois il faut accepter aussi de perdre, pour préserver sa santé. Jordan Jegat nous dit qu’il préfère reculer de quelques places que de prendre un risque inconsidéré. A 32 ans, Guillaume Martin-Guyonnet, lui, a vieilli et «la peur a dépassé le reste, j’ose le dire. Il y a pas mal de moments sur ce Tour où je préfère freiner. Quand je vois certains comportements, j’essaie de me rappeler que c’est une course de vélo. La fin ne justifie pas les moyens, on n’est pas là pour gagner à tout prix». Tous ne seront pas d’accord. Ce sport génère de plus en plus d’argent. Il est de plus en plus difficile de lever les bras. Certains sont prêts à tout. Dans le doc de L'Équipe explore, le jeune Axel Zingle explique: «Gagner une course peut changer ta vie. Tu peux multiplier ton salaire par cinq.» La nervosité permanente, les vélos toujours plus légers, plus rigides, la vitesse qui augmente, accentuent les risques. Les chocs paraissent plus graves et plus violents. Certains plaident pour que le peloton ralentisse, de gré ou de force, en bridant les montures, en travaillant sur la sécurisation des tracés, sans grand effet pour le moment. Par certain non plus que cela soit un souhait du public. «Quand on voit les teasers sur le Tour, il y a toujours des images de chute, commente Guillaume Martin-Guyonnet. Tout le monde prend plaisir à en voir parce que c’est une forme de grand spectacle.»

«Quand j’étais môme, ce qui me fascinait c’était que ces mecs soient prêts à crever pour avoir ce qu’ils voulaient, avoue presque en s’excusant l’écrivain Olivier Haralambon. Cela va avec cette idée de dépassement originel: ce qu’on peut obtenir à vélo vaut plus que la vie.»

***



Tadej Pogačar (in giallo) sulla discesa del 
col du Tourmalet, nei Pirenei, sabato.

Questo martedì, prima dell'arrivo a Ventoux, il gruppo passerà davanti alla stele di Tom Simpson, un corridore morto sul colle nel 1967. È un'occasione per chiedere a chi si occupa di ciclismo quale sia la loro paura della morte.

“I ciclisti si fanno carico di tutto ciò che gli individui di una società non possono
prendere su di sé”.
   - Olivier Haralambon scrittore ed ex ciclista

22 Jul 2025 - Libération
Di Quentin Girard Inviato speciale al Tour

I corridori vedranno la massa bianca da molto lontano. All'inizio, a sprazzi. In curva. In cima a una collina. Tra due alberi. Dovranno avanzare in una lunga e terribile processione verso l'interminabile salita di 15,7 km, all'8,8%, l'ultima cima della 16ª tappa. Alla frazione di Sainte-Colombe, saranno ancora a posto. Attraverso vigneti e frutteti, la pendenza è dolce. Improvvisamente, a Saint-Estève, la strada si impenna come un cavallo imbizzarrito entrando nella pineta. Poi, all'altezza dello Chalet Reynard, a quasi 6 km dall'arrivo, inizia la maledizione: un ampio asfalto che si scioglie, battuto dal maestrale, tra rocce calcaree. Non c'è nulla in cui ripararsi, nessuna ombra in cui indugiare, solo una distesa lunare con la torre dell'Osservatorio come unico punto di riferimento. Sembrerà quasi vicina, accessibile, ma sembrerà sempre allontanarsi. Un miraggio. Un sogno.

A 1,5 km dalla vetta, nessuno dei corridori darà un'occhiata alla stele dedicata a Tom Simpson. Non ne avranno il tempo né l'energia. Nel 1967, il ciclista britannico morì qui per un attacco di cuore, stroncato in bicicletta dalla fatica, dalle anfetamine, dalla mancanza di rifornimenti e dalla montagna. Da allora, il punto più alto delle montagne di Vaucluse si è ammantato di una mistica: chi è disposto a morire si arrampica qui.

95 MORTI DALL'INIZIO DEL XX SECOLO

Quest'anno, gli organizzatori prevedono di deporre una semplice corona di fiori. Il Tour non passa spesso dal gigante della Provenza, in media ogni tre o quattro anni, e mai nei 7 anni trascorsi dal 1987. L'inglese, simbolo del doping, mette a disagio la gente.

Non è una vittima come Fabio Casartelli, inghiottito dalla strada il 18 luglio 1995, nella discesa del passo Portet-d'Aspet.

Chi c'era lo ricorda, come James Startt, allora giovane fotografo con 35 Grandes Boucles a suo nome. Trent'anni dopo, con le lacrime agli occhi, dice: "Non dimenticherò mai la sua morte. Ero in discesa dal Tourmalet quando ho saputo dell'evacuazione in elicottero. Non è mai una cosa bella... Il giorno dopo sono atterrato in macchina con Lance Armstrong [suo compagno di squadra alla Motorola, n.d.r.]. Mi ha detto: ‘Era un bravo ragazzo’". Non c'è stato un tributo ufficiale, perché il Tour non era di passaggio. Il gruppo aveva già osservato un minuto di silenzio il giorno prima per rendere omaggio a Samuele Privitera. Il 19enne italiano di belle speranze è morto il 16 luglio in seguito a una caduta durante la prima tappa del Giro della Valle d'Aosta. Nel ciclismo la morte è in agguato. Il ciclismo è uno sport che uccide. In gara, per un infarto o una caduta, in volata, in discesa, in qualsiasi momento. In allenamento, a volte investito da un veicolo. O per altri motivi (doping, droghe). Dall'inizio del XX secolo, 95 ciclisti sono morti in gara, di cui cinque dal 2020. Più del doppio rispetto alla Formula 1.

Nessuno è immune da incidenti gravi. Non necessariamente amano parlarne. Sui Pirenei, Tadej Pogačar ha fatto il vuoto al Tour. Sa che, salvo disgrazie, ha vinto la corsa e non ha più rivali. D'ora in poi, il suo unico nemico è se stesso. Un attimo di disattenzione, come quando è caduto mercoledì, e tutto potrebbe finire. Giovedì, in cima all'Hautacam, le sue prime parole sono state per Samuele Privitera: "Sono molto triste. Nell'ultimo chilometro ho pensato a lui e a quanto può essere duro il nostro sport. A tutto il dolore che può causare". Forse questo è uno dei motivi per cui non ha dato il massimo sabato, nella tappa tra Pau e Luchon-Superbagnères. Pioveva, la strada era bagnata e i passi del Tourmalet e dell'Aspin, già preoccupanti in condizioni normali, sono scomparsi nella nebbia. Non si vedevano dieci metri in discesa. Per raggiungere i fuggitivi, bisognava mollare i freni e affidarsi alla benedizione dei numerosi calvari lungo la strada.

“C'È UN ELEMENTO DI VIOLENZA CHE FACCIAMO A NOI STESSI”.

Non ne è valsa la pena. “Abbiamo pedalato duramente, ma io pensavo soprattutto alla sicurezza”, ci ha detto Tadej Pogačar. Quando arrivi in cima al Tourmalet dopo mezz'ora di fatica e pensi ‘oh la discesa, è facile, mi riposo’, ma c'è la purea di piselli, la pioggia... A un certo punto ho avuto un po' di paura, seguendo (Pavel) Sivakov [suo compagno di squadra]. Vedevo solo lui nella nebbia bianca, non riuscivo nemmeno a vedere la strada...". Immaginate queste ombre, vestite con una semplice maglia di lycra, quasi nude, che sfrecciano tra le nuvole a 100 miglia orarie. Bisogna essere un po' pazzi. “Lo sforzo e il superamento di se stessi sono concetti mortificanti e in qualche modo ambivalenti”, afferma lo scrittore ed ex corridore di alto livello Olivier Haralambon. Haralambon ha pubblicato diversi libri sul ciclismo, tra cui uno sul tragico destino di Frank Vandenbroucke, un ciclista di talento degli anni '90 travolto dalle droghe e dai suoi demoni, e un altro su una sua caduta, che ha cambiato il suo rapporto con il corpo. La notte è calata all'improvviso sul mondo", racconta meravigliosamente di quel momento. L'intero discorso originale su questo sport, che consisteva nell'equipararli ai detenuti e alla loro capacità di sopportare il dolore, ha contribuito al loro fascino sulle folle. La gente viene a vedere persone capaci di tutto". E aggiunge: "Questi sono i santi cattolici, esseri un po' soprannaturali, con la loro magrezza, le loro gambe rasate, mostruosi, coperti di vene. Ci aspettiamo che servano da esempio e che ci respingano. Si fanno carico di tutto ciò che gli individui di una società non possono fare da soli". Negli sprint o nelle discese, alcuni “staccano la spina”. “Gli incidenti fanno parte della leggenda di questo sport, ma se ci pensate, non si può pedalare nel gruppo, non si può andare in discesa a 100 km/h”, dice James Startt.

"È uno sport estremo. C'è un elemento di violenza che infliggiamo a noi stessi e a ciò che ci può accadere", ha analizzato Guillaume Martin-Guyonnet durante il giorno di riposo di lunedì. Si toccano i limiti di ciò che è accettabile. C'è stato un periodo della mia carriera in cui mi piaceva mischiarmi al gruppo dei velocisti e sentire l'adrenalina". L'attuale tredicesimo in classifica generale continua: “È come una droga, genera cose che sono allo stesso tempo spaventose e piacevoli”. Jordan Jegat (Total Energies), undicesimo e una delle sorprese dell'evento, ha aggiunto: "Purtroppo fa parte dello sport di alto livello. Bisogna sapere come affrontarlo e conviverci. Bisogna accettare che fa parte del gioco. O funziona o non funziona".

In un recente documentario di L'Équipe sulle cadute, il manager di Groupama-FDJ Marc Madiot afferma: "Sappiamo che dovremo correre dei rischi e che gli altri li correranno. [...] Sappiamo che le cose possono cadere e cadono". Si rammarica: "Ci sono stati dei morti, ce ne saranno altri. E vedrete che il giorno dopo dovremo ripartire". Di fronte a questi rischi e ai traumi che possono causare, il suo team ha istituito un servizio di follow-up psicologico, su richiesta. I corridori hanno a disposizione uno strizzacervelli, un ipnoterapeuta e un mental trainer, Marie-Laure Brunet, ex campionessa di biathlon. Brunet ha notato che la domanda sta crescendo: "Prima avevo quattro o cinque corridori regolari. In questa stagione ne ho sedici. La salute mentale sta diventando un tema, insieme al desiderio di ottimizzare le prestazioni, e alla consapevolezza che è anche lì che si arriva. La questione delle cadute viene spesso sollevata e ogni ciclista la vive in modo diverso. C'è chi cade ripetutamente e non se ne preoccupa, e chi ne ha paura anche se non è mai caduto". Molti corridori del gruppo hanno sfiorato la morte o hanno temuto per la propria vita. Nel 2022, durante la Liegi-Bastogne-Liegi, subito dopo una spettacolare collisione, Romain Bardet descrisse quello che sembrava un dipinto di Brueghel il Vecchio, con la voce tremante e gli occhi fissi nel vuoto: "Ho avuto molta paura per Julian [Alaphilippe]. L'ho visto tre metri sotto e mi ha detto: ‘Non posso muovermi, non posso muovermi’. Non arrivava nessuno. Ci è voluta un'eternità. È stata una scena davvero scioccante. Non si va in bicicletta per vivere un'esperienza del genere. C'erano uomini su tutto il terreno, non era più una gara".

"Il fine non giustifica i mezzi

Julian Alaphilippe, che domenica pensava di aver vinto, ha parlato raramente di questo momento traumatico. Sua moglie, Marion Rousse, ex corridore e commentatrice di France TV, dice: "In quel momento, pensava di morire. [...] Non ci si può permettere di giudicare la reazione dei corridori che hanno vissuto l'incidente. Alcuni hanno bisogno di parlarne per liberarsi, altri preferiscono non parlarne più perché è troppo doloroso. Credo che questo sia stato il caso di Julian.

Gli incidenti possono cambiare le persone. Dopo quello avvenuto durante il Giro dei Paesi Baschi del 2024, Jonas Vingegaard ha rotto il suo guscio danese. Non esita più a condividere le sue emozioni, il che gli ha fatto guadagnare nuove simpatie. Nella terza stagione di Au coeur du peloton su Netflix, piange: "La cosa più spaventosa era che non riuscivo a respirare e tossivo sangue. Mi chiedevo se sarei sopravvissuto o morto". Un altro, Remco Evenepoel, è visto come un sopravvissuto plurirecidivo. Ha sfiorato la fine per tre volte. È Lazzaro, colui che emerge vivo dai burroni. Patrick Lefevere, suo ex manager alla Soudal-QuickStep, ha dichiarato a Le Parisien: "Come si fa a non amare un uomo che ha rischiato di morire, che ha capito che la vita era fragile e che ha continuato a vincere? A volte bisogna accettare anche le sconfitte, per preservare la propria salute". Jordan Jegat ci dice che preferisce retrocedere di qualche posizione piuttosto che correre un rischio sconsiderato. A 32 anni, Guillaume Martin-Guyonnet è invecchiato e “la paura ha superato tutto il resto, oserei dire”. In questo Tour ci sono molti momenti in cui preferisco frenare. Quando vedo certi comportamenti, cerco di ricordare che questa è una corsa ciclistica. Il fine non giustifica i mezzi, non siamo qui per vincere a tutti i costi". Non tutti sono d'accordo. Questo sport genera sempre più denaro. È sempre più difficile alzare le braccia. Alcuni sono pronti a tutto. Nel documentario di L'Équipe explore, il giovane Axel Zingle spiega: "Vincere una gara può cambiare la tua vita. Puoi moltiplicare per cinque il tuo stipendio. Il nervosismo costante, le biciclette sempre più leggere e rigide, la velocità crescente, aumentano i rischi. Gli urti sembrano più gravi e più violenti. C'è chi chiede che il gruppo rallenti, volente o nolente, facendo rientrare le biciclette e lavorando per rendere i percorsi più sicuri, senza che per il momento sortisca grandi effetti. Non è nemmeno certo che questo sia ciò che il pubblico vuole. Quando si vedono i teaser del Tour, ci sono sempre immagini di incidenti", commenta Guillaume Martin-Guyonnet. Tutti si divertono a vederli, perché è una forma di grande spettacolo".

Quando ero bambino, ciò che mi affascinava era che questi ragazzi erano disposti a morire per ottenere ciò che volevano", ammette lo scrittore Olivier Haralambon, quasi scusandosi. Va di pari passo con questa idea originale di superamento di se stessi: ciò che si può ottenere su una moto vale più della vita stessa".

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