LES SPRINTEURS - Caste mouvante


Les plus grands sprinteurs du peloton sont présents au départ du Tour de France, aujourd’hui à Lille. Radiographie d’une population qui, au fil des années, a bien évolué.

"On doit désormais savoir se remettre en question à chaque fois" 
   - AIKE VISBEEK, DIRECTEUR SPORTIF 
     D’INTERMARCHÉ-WANTY

5 Jul 2025 - L'Équipe
PHILIPPE LE GARS

LILLE – Christian Prudhomme l’a clairement admis dans nos colonnes, jeudi : la tendance n’est plus à « offrir » des étapes aux sprinteurs durant toute la première semaine du Tour de France. Ce fut le cas dans les années 1990, lorsque Mario Cipollini, Djamolidine Abdoujaparov, Robbie McEwen et Erik Zabel enchaînaient quotidiennement les succès, avant le pied du premier massif montagneux. Le directeur du Tour et son équipe ont ainsi opté depuis longtemps pour des arrivées plus explosives, plutôt que des avenues plates comme la main.

La mode des purs sprinteurs s’est donc éteinte peu à peu, et même les Championnats du monde ne leur offrent que peu d’espace. La dernière arrivée jugée au terme d’un sprint massif remonte à Bergen (Norvège), en 2017, avec la victoire de Peter Sagan, et il faudra attendre les Mondiaux à Abu Dhabi (Émirats arabes unis), en 2028, pour voir les sprinteurs à la fête. Car selon toute vraisemblance, ils n’auront pas vraiment leur mot à dire à Kigali (Rwanda) cette année, à Montréal (Canada) en 2026 et à Sallanches (France) en 2027, où les parcours seront davantage favorables aux puncheurs et aux grimpeurs.

C’est aussi pour cette raison que la première étape du Tour 2025, aujourd’hui autour de Lille, aura une saveur particulière. Elle ne sera pas noyée, normalement, par le match entre les favoris du classement général, et le vainqueur sur un parcours propice à un vrai sprint sera récompensé par le maillot jaune. Ce n’est plus arrivé depuis 2019, à Bruxelles, où le Néerlandais Mike Teunissen s’était imposé devant Peter Sagan et Caleb Ewan.

Par conséquent, cette année, beaucoup d’équipes y ont vu une opportunité pour leur sprinteur maison de prendre la main d’entrée, même si le bonheur en jaune ne devrait être que de courte durée. « Ceux qui s’imaginaient voir des sprints tous les jours pendant la première semaine se trompent » , a déjà annoncé Christian Prudhomme.

La préoccupation, hier, dans le staff des équipes de sprinteurs était donc de préparer cette première étape avec minutie. « Au sprint, la vérité d’un jour n’est pas celle du lendemain, explique Aike Visbeek, le directeur sportif d’Intermarché-Wanty, celui de Biniam Girmay, Maillot Vert et vainqueur de trois étapes l’an passé. On doit désormais savoir se remettre en question à chaque fois, parce que la configuration d’un sprint est différente d’un jour sur l’autre. » Le niveau est aussi moins linéaire qu’à l’époque de Mario Cipollini, où les sprinteurs dominants étaient moins nombreux et possédaient des qualités quasi identiques.

« Avant, on pouvait compter sur les doigts d’une main le nombre de sprinteurs capables de gagner une étape du Tour, assure Marcel Kittel, ancien grand sprinteur allemand des années 2010. Aujourd’hui, ils sont plus de dix à pouvoir gagner. » Parce que les arrivées sont moins souvent dessiné es sur un même schéma ou un même format, parce que les qualités des sprinteurs se sont aussi diversifiées entre les adeptes d’un sprint long ou ceux qui sont plus performants sur un effort court, ceux qui ont besoin ou pas d’un train, ceux qui jouent plus sur leur puissance que sur leur habileté ou leur sang-froid.

Renouvellement permanent

On est également passés d’une domination générationnelle du sprint à un éventail d’âges plus large. Il y a sept ans d’écart entre Tim Merlier (32 ans) et Biniam Girmay (25 ans), il y en avait même quinze, l’an passé, entre Mark Cavendish (39 ans alors) et l’Érythréen. « Le niveau s’est élargi parce que certains sprinteurs passent la montagne et peuvent donc viser des étapes qui étaient inabordables pour nous » , analyse Erik Zabel, six fois Maillot Vert du Tour et vainqueur de douze étapes entre 1995 et 2002. La hiérarchie est moins stable et moins durable qu’à son époque, quand un trio de sprinteurs se partageait les lauriers sur des périodes de cinq ou six ans.

Depuis une dizaine d’années, on a plutôt l’impression d’assister à un renouvellement permanent, avec l’émergence de nouvelles têtes, comme Olav Kooij, Casper Van Uden, Kaden Groves – encore en salle d’attente pour le Tour mais déjà vainqueurs d’étapes sur le Giro et la Vuelta –, qui ont presque fait oublier les Sam Bennett, Dylan Groenewegen ou Fabio Jakobsen, qui sont pourtant de la même génération que Merlier ou Jasper Philipsen. Mark Cavendish a ainsi refusé de nous donner son top 5 des sprinteurs de ce Tour de France, contrairement à Erik Zabel et Marcel Kittel (voir ci-contre).

André Greipel n’a pas souhaité non plus s’aventurer sur ce terrain: « C’est un exercice où l’on peut rapidement avoir tout faux, après deux sprints massifs qui reviennent à ceux qu’on n’a pas cités », soufflait l’Allemand, vainqueur de onze étapes en six éditions (de 2011 à 2016) en observant, vendredi matin en conférence de presse, Biniam Girmay, qui l’avait battu en 2019 à la Tropicale Amissa Bongo pour sa première course face aux professionnels.

« Il y a beaucoup plus de sprinteurs à pouvoir s’imposer aujourd’hui. La hiérarchie que je vous donnerai là, avant la première étape, sera totalement bouleversée à la fin du Tour. Je préfère donc ne pas être ridicule dans trois semaines.»

***

Jonathan Milan (ITA) 24 ans – Lidl-Trek - 1,96 m ; 87 kg
Jasper Philipsen (BEL) 27 ans – Alpecin-Deceuninck - 1,76 m ; 75 kg
Tim Merlier (BEL) 32 ans – Soudal Quick-Step - 1,88 m ; 76 kg

***

«Les enjeux sont colossaux»

5 Jul 2025 - L'Équipe
ROMAIN BARDET 
4 VICTOIRES D’ÉTAPE SUR LE TOUR DE FRANCE 
2e DU CLASSEMENT GÉNÉRAL EN 2016, 3e EN 2017.

«On aurait puselaisser berner par la vague dechaleur précoce irradiant l’Europe mais l’été, dans nos conceptions debipèdes vaccinés aurayon, nesaurait véritablement débuter sans le départ dela grande caravane sillonnant l’Hexagone. Capaunord pour trouver unetempérature raisonnable avant delaisser grimper le thermostat aufil des actes. L’amorce duweek-enddes grandes vacances sonne comme une délivrance pour un peloton encore statique dans la banlieue lilloise. Laparticularité d’un grand Tour est l’obligation réglementaire dedevoir se rendre aminimatrois jours avant sur place pour satisfaire les impératifs organisationnels d’avant course. Ces jours en a mont semblent durer une éternité. Tout commence l’avant-veille avec uncontrôle sanguin très matinal, suivi enaprès-midi dupremier rassemblement deses acteurs. Contrairement àla routine traditionnelle, l’entraînement se greffe autour des opérations protocolaires. Les dés sont pourtant jetés. Lebriefing général et la rétrospective des meilleurs moments de l’ édition précédente nous mettent autant les frissons qu’ils peuvent nous effrayer, tant la dramaturgie des chutes y est exacerbée. Enfin vient la présentation générale, défilé d’honneur inaugural oùla Grand’Place deLille aretrouvé ses airs deBraderie, pour immergerles coureurs dela ferveur singulière qui entoure l’événement. Les sentiments commencentalorsà osciller entre excitation et angoisse. Sur le Tour, onnesait jamais àquelle sauce onvaêtre mangé.

C’est probablement le dernier moment de convivialité avant les Champs-Élysées. Onretrouve les copains. Onsescrute, aussi : nouveaux vélos, nouvelles tenues, le galbe dumollet...Tout indice à même de rassurer son ego face à l’ampleur de la tâche à venir. Cette année particulièrement, le tracé n’offrant les premiers reliefs significatifs qu’après neuf jours decourse, la tension devrait gangrener durablement la meute. Lors des quatre étapes explosives menant au premier repos, le placement des leaders sera primordial pour préserver leurs chances. Sur cette première semaine, le tempsn’a plus la même unité qu’ en troisième. Onanalyse chaque seconde concédée commeuneperte potentiellement rédhibitoire par rapport aux schémasmentaux qui nourrissent cette quête interne depuis des mois. Pourtant, régulièrement, plusieurs minutes départagent les tout premiers enfin departie. Contingence du chronomètre, qui devrait pourtant rester figé entre les protagonistes àl’issue dela première étape, malgré le couronnement duplus véloce del’emballage massif.

Il est de moins en moins courant d’ offrir le maillot jaune aux grosses cuisses, et cette opportunité quasi unique va désinhiber les velléités des plus kamikazes. Les enjeux sont colossaux. Sprint et maillot jaune, facteur Xet potentielle gloire éternelle. Toute la magie de ce sport condensée en une ouverture dans les 300 derniers mètres, pour que l’odyssée débute en fin.»

***

LE TOP 5 D'ERIK ZABEL
12 victoires d'étape sur le Tour ; 6 maillots verts (de 1996 à 2001)

« Philipsen n’a peur de rien » 

1. JASPER PHILIPSEN
« C’est un sprinteur très puissant et rapide, qui grimpe bien. Sa plus grande qualité est qu'il est intrépide. Il n'a peur de rien. »

2. JONATHAN MILAN
« Physiquement, il est actuellement celui qui peut fournir la plus grande puissance dans un sprint. S'il est bien placé par ses coéquipiers, il est pratiquement imbattable. »

3. TIM MERLIER
« Même sans lanceur direct, il a la capacité de sprinter sur de très longues distances. Il a appris à tirer parti de cette faiblesse en effectuant un sprint très long depuis l'arrière avec un excédent de vitesse. »

4. BINIAM GIRMAY
« Il sprinte très bien sur des arrivées en montée, ce qui peut être un avantage sur ce Tour. Très fair-play, il a toutes ses chances de remporter sans problème plus d'une étape comme l’an passé. »

5. JORDI MEEUS
« Il peut profiter de sa bonne forme du moment. Cependant, il dépend trop du travail préparatoire de Danny Van Poppel, certainement l'un des meilleurs lanceurs actuellement dans le peloton. »

***

LE TOP 5 DE MARCEL KITTEL
14 victoires d'étape sur le Tour

« Milan possède la meilleure équipe pour le lancer » 

1. JONATHAN MILAN
« Il a une pointe de vitesse sans doute supérieure aux autres et surtout la meilleure équipe pour le lancer.»

2. TIM MERLIER
« Très malin dans le placement, il reste toujours calme même dans les arrivées finales mouvementées. »

3. JASPER PHILIPSEN
« Il a une bonne équipe pour les sprints, il marche aussi sur les arrivées en faux plat montant, c’est surtout pour moi le favori pour le maillot vert. »

4. BINIAM GIRMAY
« Il est bon dans le placement mais aussi dans les arrivées difficiles en montée. La grande question qui se pose, c’est de savoir s’il est en forme pour le Tour. »

5. JORDI MEEUS
« Ce n’est pas un sprinteur de haut niveau comme les autres, mais il peut créer la surprise. »

Commenti

Post popolari in questo blog

Dalla periferia del continente al Grand Continent

I 100 cattivi del calcio

Chi sono Augusto e Giorgio Perfetti, i fratelli nella Top 10 dei più ricchi d’Italia?