FRIGORIFIÉS


La grêle et la neige ont forcé les organisateurs à neutraliser temporairement l’étape. Elle a finalement repris malgré certaines voix dissonantes parmi des coureurs transis.

"L’une des journées les plus froides que j’aie connues'"
   - JONAS VINGEGAARD

"Le cyclisme n’est pas un sport pour les personnes soft, 
il faut parfois être costaud''
   - JOAO ALMEIDA

13 Mar 2025 - L'Équipe
PIERRE MENJOT et THOMAS PEROTTO

LA LOGE DES GARDES (ALLIER) – C’était une belle journée à aller taquiner la truite, avec ces quatre pêcheurs en cuissardes qui avaient pris le temps de replier leur canne le temps de voir passer le peloton, le soleil réchauffant les forêts aux couleurs automnales. Une journée devenue une aprèsmidi sous la neige fondue à se coller à la tonnelle qui fume en espérant que la machine à hot dogs et la friteuse apportent un peu de chaleur au sommet de la Loge des Gardes, point culminant de la Montagne bourbon n aise devenu le cadre d’ un film de Noël. Les coureurs s’en approchaient doucement, il restait 48 kilomètres quand les échappés ont été rattrapés par les nuages et douchés par des rideaux de grêle qui ont contraint les organisateurs à neutraliser la course (allure réduite), puis à l’arrêter à 15 h17,à45born es del’ arrivée.Les coureurs, dont le Maillot Jaune Matteo Jorgenson, à l’arrêt dans le froid, lors de la neutralisation temporaire de l’étape.

«On a eu l’information qu’il était tombé beaucoup de grêle avant notre passage, indiquait Thierry Gouvenou, responsable sécurité de l’épreuve. Avec le président du jury, à côté de moi dans la voiture, on a pris cette décision, suivant un nouveau protocole mis en place ces derniers mois par l’UCI. » Et la course à la veste s’est alors enclenchée. « C’était la guerre dans l’échappée, revivait Sylvain Moniquet (Cofidis), présent à l’avant. Tout le monde a couru le plus vite possible aux voitures pour mettre une veste, même si elle n’était pas à nous, pas à notre taille .»

Dans le peloton, passées quelques secondes de flottement, beaucoup choisissaient de se mettre au chaud, comme Jonas Vingegaard, assis sur le siège passager de sa voiture. Les autres essayaient de faire circuler le sang jusqu’aux mains à coups de grands gestes. «J’étais frigorifié», soufflait Lenny Martinez. «Mes jambes étaient deux cailloux », abondait Joao Almeida. « Tout le monde était gelé, tout le monde tremblait, ne sentait plus ses mains, son visage. L’une des journées les plus froides que j’aie connues», rembobinait Vingegaard. Tout cela ne du ra que quelques minutes. Directeur de ParisNice, Yannick Talabardon sonna une reprise à allure neutralisée, tandis qu’à Radio Tour, le message passait : « La météo est bien mieux après.» L’info ne circula pas partout, et le Maillot Jaune Matteo Jorgenson, depuis son véhicule, a vu « la voiture rouge et un groupe de coureurs redémarrer, sans explication. J’ai sauté sur mon vélo, chassé sur dix kilomètres sans savoir si on reprenait ou pas». Le flou demeurait encore, mais la prudence restait de mise, alors qu’une moto de la gendarmerie et une voiture de DecathlonAG2R La Mondiale ont glissé et ont été accidentées (sans gravité pour les membres du staff). «Notre volonté était de descendre le plus bas possible plutôt que laisser les coureurs en pleine nature, dans des conditions difficiles», précisait Gouvenou.


À droite, la discussion entre Thierry Gouvenou, 
responsable sécurité de Paris-Nice, 
et Oliver Naesen, répresentant des coureurs.

En ordre dispersé, les coureurs avalèrent 17 kilomètres, tentant de faire remonter le thermostat. Sans succès. «C’était difficile de respirer », soufflait Jorgenson. «Je ne pensais pas qu’on allait repartir, avouait Mattias Skjelmose. Mais Mads (Pedersen, son équipier chez Lidl-Trek) m’a dit de me tenir prêt. Et quand il décide de faire des choses comme ça, mieux vaut s’accrocher, parce que ça va secouer… » Gouvenou convoqua les représentants des coureurs, Matteo Trentin et Oliver Naesen (lire ci-contre) , et leur indiqua qu’un nouveau départ serait donné, quarante-deux minutes après le début des ennuis, avec 28,8 kilomètres à parcourir pour les échappés, qui conservaient l’écart au moment de l’arrêt. Le soleil était revenu sur la route de Paris-Nice, et une deuxième course commençait. « On a été arrêtés au pied d’une bosse, donc c’était comme un départ de cyclo-cross pour reprendre, trois minutes à fond », s’esclaffait Moniquet. Au sein du peloton, Pedersen et Nils Politt (UAE) accéléraient tout de suite aussi. « Pour se réchauffer et voir ce qui se passait », expliquait son équipier Joao Almeida. « Des équipes voulaient profiter du moment pour lâcher des gars, rouspétait Vingegaard. Moi, j’avais froid, j’étais à la limite.»

Le Danois a souffert, en queue de peloton dans la côte de la Chabanne. « Nous n’aurions pas dû courir dans ces conditions», martelait-il, bonnet sur la tête à l’arrivée. « Le pire était passé niveau météo, il n’y avait pas de problèmes de sécurité, donc aucune raison d’arrêter selon moi, répondait Almeida. Le cyclisme n’est pas un sport pour les personnes soft, il faut parfois être costaud.»

Les deux l’ont été, dans l’ascension de la Loge des Gardes où le double vainqueur du Tour, en partant à 2 kilomètres de l’arrivée, pensait décrocher la victoire qu’il visait. Mais l’écart n’est jamais monté, et Almeida l’a coiffé, à 20 mètres de la ligne, malgré «une météo danoise», plaisantait le Portugais auprès de son adversaire. Pour les autres, il s’agissait de sauter le plus vite possible dans les cars de l’équipe, garés quelques mètres après la ligne, en dehors de quelques courageux, sur les rouleaux malgré les 2 degrés. « Avec la gueule que j’ai, je ne fais plus de photos ! », lançait Julian Alaphilippe à la quinzaine de supporters qui l’attendaient, prenant le temps de signer des autographes avant de s’excuser de ne pas traîner. « Les coureurs ont fait preuve de beaucoup de courage aujourd’hui (hier), soulignait Gouvenou. On doit leur tirer notre chapeau d’avoir fini cette étape, c’est l’ADN du coureur cycliste de se battre contre les éléments.» Ils devront peut-être remettre ça samedi, l’arrivée à Auron étant rendue incertaine par la neige.

La neige sur les parechocs, les coureurs qui enfilent des vestes précipitamment, le froid s’est immiscé partout hier et surtout au moment de la quinzaine de kilomètres neutralisés. 
***

Th. P.

Naesen: «Impossible de descendre»

Le Belge de Decathlon-AG2R La Mondiale, représentant des coureurs, comprend la neutralisation temporaire de l’étape mais il aurait aimé avoir plus d’échanges.

«Commentavez-vous vécu la neutralisation de l’étape?

Quand la course est neutralisée, il faut laisser le temps aux équipes et aux coureurs de se réunir et faire émerger un avis, puis de le communiquer au jury. Là, on n’ a pas du tout eu le temps. Le temps que tout le monde se rejoigne, je n’ avais discuté qu’ avec cinq ou six équipes. Et on me disait :“Soit on arrête, soit on suit la majorité .” Quand j’ arrive à l’ avant–j’ étais loin derrière–, le premier trucque j’ entends c’ est :“L’ échappée est repartie, on part dans deux minutes !” Pour moi, c’ est la falsification d’ une course, ce n’ est pas honnête. Ça ne doit pas marcher comme ça. Il faut nous donner le temps d’ avoir un avis, de communiquer puis de décider.

Avez-vous pu discuter avec MatteoTrentin, l’autre représentant des coureurs?

Pasdutout! Quandles commissairesnousontappelés, j’étais trois minutes derrière le peloton. En plus, j’étais dans une descente, j’ai vouluallervite, mais j’ai vu une de nos voitures avec les airbags sortis,deux motos dans le fossé, je ne voulais pas risquer ma vie pour parler avec Thierry Gouvenou (responsable sécurité).

Avoir neutralisé un temps la course à cause des conditions météo était donc la bonne solution?

Il n’ y avait pas d’ alternative. Si les motards de la police n’ arrivent pas à descendre sans tomber, qu’ est ce qu’ on pourrait attendre d’ un peloton de 150 coureurs? C’était juste impossible de descendre sans accident. C’ était la seule décision possible.

Certains dans le peloton ont-ils envisagé de ne pas repartir?

Oui, car tout le monde était congelé, sur gelé. Tous les directeurs sportifs me disaient que ça ne servait à rien de continuer, qu’ il fallait qu’ on arrête. Encore une fois, ce sont les avis que j’ ai collectés, mais je n’ ai pas eu le temps de les communiquer. À l’ arrivée, ça va mieux, mais quand on s’ est arrêtés, il faisait vraiment froid.»

***



La victoire en trombe de Joao Almeida venu coiffer 
Jonas Vingegaard dans les tout derniers mètres.


Almeida vainqueur, Vingegaard leader

Au bout de la dinguerie, il y avait aussi une course hier. Et des vainqueurs. Le premier, Joao Almeida (UAE Emirates), a remporté l’étape en costaud, surprenant Jonas Vingegaard à la pédale dans les derniers hectomètres. Mais le Danois de Visma-Lease a bike est l’autre gagnant du jour puisqu’il est désormais maillot jaune de Paris-Nice devant son coéquipier Matteo Jorgenson (relégué à onze secondes de l’étape en comptant les bonifications et cinq au général). Cette journée vers la Loge des Gardes a également fait des dégâts, de l’abandon de Santiago Buitrago (Bahrain Victorious) après une chute en début de course, aux éclats pris par Alexandr Vlasov (Red Bull-Bora, 124e hier à 16’09) et Pavel Sivakov (UAE, 69e hier à 11’40). En revanche, le Danois de Lidl-Trek, Mattias Skjelmose, a terminé 3e de l’étape et reste dans le coup pour la victoire finale (33 secondes derrière Vingegaard). Lenny Martinez, désormais leader de Bahrain Victorious et en jambes, est premier Français de l’étape (4e) et du général (9e).

***
TIRRENO-ADRIATICO

Vendrame en guerrier

Comme ceux de Paris-Nice, les coureurs de Tirreno-Adriatico ont vécu une étape éprouvante, dans le froid et sous la pluie. Le parking des cars accueillait hier soir un défilé de zombies qui claquaient des dents et même Andrea Vendrame était tout rabougri à l’arrivée. L’Italien de Decathlon-AG2R La Mondiale, qui se « sent bien dans ces conditions », a pourtant été le plus frais du sprint d’une cinquantaine de coureurs, alors que la longue ascension de Colfiorito (18,5 km) n’avait pas été assez sélective (3 % de moyenne). Filippo Ganna et Mathieu Van der Poel y ont tout même joué une répétition en vue de Milan-San Remo, sur une distance intéressante (près de 250 km avec le fictif). L’Italien a ainsi essayé de partir à 3,5 km de l’arrivée, comme il pourrait être tenté de le faire au pied de la descente du Poggio. « J’ai voulu me tester après près de 6 h 30 de course, voir mes données », décrivait le maillot azzurro de leader, qui est très fort. Mais Van der Poel, lui, a l’air très, très fort. Car Tom Pidcock, puis Juan Ayuso, Derek Gee, Magnus Cort ont lancé la poursuite derrière Ganna, en vain, et c’est le Néerlandais qui a bouché le trou, avec facilité. Ces escarmouches ont permis de constater que Romain Grégoire (3e) était lui aussi en forme, tout comme Kévin Vauquelin, qui remonte à la 6e place du général, alors que Simon Yates a lui laissé 31’’ dans la bagarre et que Jonathan Milan a chuté, avant de repartir.

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