Manu Koné: « Rien ne me fait peur »

Le milieu de terrain de l’AS Rome et de l’équipe de France raconte son caractère bien trempé et la vision de son poste, avant les quarts de finale de la Ligue des nations.

“Quand j’étais petit, au quartier, que je jouais contre des gars qui avaient cinq ans de plus que moi, je peux vous dire que vous aviez des égratignures sur les genoux''

“Quand vous êtes un joueur qui a de l’envie, il y a forcément un peu d’excès d’engagement ''

“Chacun son parcours. Le mien m’a aidé à être là où je suis''

“J’ai toujours la même excitation les veilles de match, la même appréhension les heures qui précèdent que lorsque j’étais petit''

18 Mar 2025 - L'Équipe

DAMIEN DEGORRE

ROME–À 23 ans, Ma nu Ko né est un Bleu méconnudu grand public, parti à 20 ans des on club formateur, Toulouse, pour rejoindre Mön ch engladba ch. Et pourtant, au rythme où il progresse, le joueur de l’ AS Rome est appelé à revenir souvent dans son pays pour en défendre les couleurs. Depuis sa première sélection, le 6 septembre, contre l’Italie (1-3), il ne cesse de séduire Didier Des champs. À l’ aube de la double confrontationcontre la Croatie en quarts de finale de la Ligue des nations( aller jeudi à Split, retour dimanche au Stade de France), ce milieu polyvalent se raconte, dans les grandes largeurs, pour L’ Équipe.

SON JEU « Si on pouvait créer un poste “6-8”, ce serait idéal » 

«À quel poste vous sentez-vous le plus fort?

J’ ai toujours considéré qu’ un milieu devait savoir jouer à tous les postes de cette zone. J’ ai la faculté à évoluer en six ou en huit mais je suis un joueur qui aime à la fois faire des appels, avoir le ballon, le récupérer. Franchement, si on pouvait créer un poste “6-8”, ce serait idéal .( Il sourit .) J’ aime être dans les deux surface set c’ est ce que le coach( Cl audio) Ra nie rime demande.

Vous êtes l’ un des trois joueurs qui subissent le plus de fautes dans les grands Championnats européens. Les aviez-vous?

Oui. Cela veut dire que je protège plutôt bien mon ballon et cela oblige mes adversaires à faire faute. Obtenir des coups de pied arrêtés est très important dans le foot moderne.

Vous n’avez pas peur des coups?

Non. J’ en ai déjà pris beaucoup. Quand j’ étais petit, au quartier, que je jouais contre des gars qui avaient cinq ans de plus que moi, je peux vous dire que vous aviez des égratignures sur les genoux.

Vous avez aussi cette faculté à passer l’ épaule et vous mettre dans la course de l’ adversaire.

Je le fais naturellement. Dès que je peux me mettre dans sa course, je sais que soit il fera faute, soit je passe. Le but est d’ épurer mon jeu, de libérer le ballon dans les meilleures conditions et d’ alimenter les attaquants. Tout ça est instinct if, en fait. En sélection, j’ en parlais ave cD ayot(Upa mec a no ), que j’ ai affronté en Bund es ligaquandj’ étais à Mönchengladbach(2021-2024).Ilmedit qu’ à chaque fois qu’ on joue, je mets ma main en opposition. Moi, je ne le remarque pas mais c’ est vrai, pour protéger la balle, je tends le bras et mets ma main. Je suis aussi de plus en plus vigilant sur le positionnement de mes adversaires. Avant, je pensais qu’ avec mes seules qualités, je pouvais me retourner et me mettre face au jeu. Maintenant, je fais beaucoup plus attention à ce qui vient dans mon dos.

Vous êtes à deux buts et trois passes décisives cette saison.

Je dois tout améliorer. C’ est normal, à 23 ans, non? C’ est un point, effectivement, que je soulève souvent avec mes agents. Je sais que je peux être meilleur à ce niveau car j’ ai une bonne frappe, une bonne qualité de passe. J’ ai raté quelques actions que j’ aurais dû mieux finir.

Un modèle de milieu de terrain vousa-t-ilinspiré?

Quand j’ étais petit, YayaT ou ré et Paul Pogba.C’ était le rêved’ être comme eux. En grandissant, quand je vois ce que YayaT ou réaf ait en Premier Le ague, c’estchoquant.

L’autre dimension que vous devez améliorer porte sur le plan disciplinaire. Vous avez pris huit avertissements cette saison. Avez-vous une explication?

(Il se marre.) Franchement? Déjà, les arbitres abusent un peu .( Il sourit .) Mais, quand vous êtes un joueur qui a de l’ envie, il y a forcément un peu d’ excès d’ engagement. C’ est vrai que je dois être plus vigilant parce que cela peut pénaliser l’ équipe. Ra nie ri me demande de m’ améliorer là-dessus. Il m’ a déjà sorti parceque j’ avais pris un carton. Mais c’ est de l’ engagement. Je cherche juste à bien faire .»

SON CARACTÈRE «S’il y a un duel, je ne fais pas dans la demi-mesure » «Ce texcès d’engagementest-il une illustration de votre caractère?

Disons que je suis quelqu’ un qui, naturellement, sur un terrain, ne se laisse pas faire. Quand j’ ai quelqu’ un en face, que ce soit mon ami ou pas, ce n’ est pas que je veux lui montrer que je suis le meilleur, mais s’ il y a un duel, je ne fais pas dans la demi-mesure. J’ y vais à 100%. Alors, parfois, mon 100% est un peu trop agressif, maisçarestemon100%.

Unadversaire vous a-t-il déjà impressionné?

Non, franchement, non!

Un adversaire a-t-il alors déjà cherché à vous intimider d’ entrée de jeu?

(Il rigole .) Je parlais de ça ave cE vanNdicka (son partenaire à Rome ). On évoquait nos premiers match es en pro. L’ une de mes premières titularisations en L 1, c’ était contre Lyon ave cl eT F C (2-3, le 2 novembre 2019). J’ avais fait une faute sur Memphis Depay. Ils’ é tait énervéetj’ avoue que j’ étais un peu intimidé. Je vois Memphis Depay qui me crie dessus et tout ... Après, c’ est le football. Cela ne m’ a pas contracté. Rien ne me fait peur. Par exemple, ça m’ arrive de perdre des ballons mais ce n’ est pas ça qui va me ralentir. Si vous ne tentez pas, vous finirez votre match avec des regrets.

Vous arrive-t-il de ressasser des actions, le soir, quand vous rentrez chez vous?

Bien sûr! Footballeur, c’ est dur, hein! Par exemple, àEmpo li (1-0, le 9 mars ), j’ ai frappé sur le poteau. J’ ai pensé à ça toute la nuit. En vrai, je dois le mettre. J’ aurais pu tirer entre les jambes, j’ aurais pu lober. Mais j’ ai dribblé le gardien et tapé sur le poteau. Juste avant l’ action, en l’ espace de deux secondes, je me pose au moins vingt questions. Je vous jure! Cela va trop vite. Je vois les jambes du gardien, je vois à gauche, à droite, lucarne gauche, lucarne droite, je me dis :“Je le dribble .” Je le dribble. Et je tire sur le poteau. Heureusement qu’ on a gagné.

Vous dites :“Peu importe qui j’ ai en face de moi, un ami ou pas .” Il se trouve que vous étiez face à Mat téoGu end ouzi lors du derby de Rome (1-0, le 5 janvier) et que ça ne s’ est pas très bien passé.

C’ est l’ ambiance du derby qui nous a fait abuser un peu. Vous savez, ce match, on en a parlé avec Mat téo pendant tous les rassemblements précédents. On rigolait, même avec le coach :“Eh, le derby de Rome, ça va être chaud !” Après, est arrivé ce qui est arrivé. Moi, je le prends avec le sourire. Ce n’ est pas une bonne image, c’ est vrai, mais ça reste un match de foot. Surtout, avec Mat téo,ons’ est expliqué directement après. Je l’ ai appelé et c’étaitréglé.

Vous avez connu une formation qui n’ a pas été forcément linéaire. Vous avez notamment été longuement blessé( fracture d’ un tibia) au centre de formation de Toulouse. Cela a-t-il contribué à forger votre caractère?

Bien sûr. Mais même avant le centre. Ne serait-ce qu’ avec le parcours que je faisais pour aller à l’ école puis aller m’ entraîner auParisFCd’abord(2012-2015), àBoulogneensuite(2015-2016),depuis Villeneuve-la-Garenne(Hauts-de-Seine).

Trois heures par jour dans les transports à l’âge de 12 ans?

Dix ans, je tiens à le préciser. Si vous dites ça à ma mère, elle va s’ énerver .( Il se marre .) Mais chacun son parcours. En tout cas, le mien m’ a aidé à être là où je suis aujourd’hui.

Commentvousétiez-vousblessé?

C’ était le 13 septembre 2016. On prépare le match contre Nice, en 17 nation aux. À l’ entraînement, le mardi, je glisse sur le ballon et mon coéquipier me tombe sur la jambe. Elle se brise en deux. J’ ai été en fauteuil roulant de septembre à mars.

Vous glissez sur le ballon tout seul?

Enfait, je voulais défendre. Excès d’engagement! (Il rigole.)»

LES BLEUS 

« On est un groupe de jeunes, qui aime rigoler » «Quelle a été votre réaction à l’annonce de votre première apparition dans la liste des 23, fin a oût?

J’ étais très content pour ma famille et mes amis, qui ont vu comment j’ avais travaillé. C’ était une récompense. Mais ce n’ était pas fini. Je me suis dit :“Tu vas là-bas mais maintenant, tu te mets au diapason de l’ équipe situas du temps de jeu .”

Vous en avez eu. Et, pour vos deux premières sélections, vous ête saver titrès tôt.

Le premier carton, après mon entrée contre l’ Italie, j’ aire vu l’ action encore récemment. Franchement, je ne pense pas qu’ il y ait faute. Bon ...( Il sourit .) Première action, il me met jaune. Sévère. C’ était vers la80e. Le pire, c’ était quand même lors de ma première titularisation contre laBelgiqueàLyon(2-0,le9septembre). Je commets une petite erreur d’ entrée qui peut coûter un but. Ensuite, je fais une faute dangereuse qui me vaut un avertissement. Je lève la tête vers le chrono. Je vois sept minutes .( Il s’ esclaffe .) Je me disque c’ est chaud. Pourtant, le coach, avant le match, m’ avait dit :“Tranquille .” Bon, le carton est donné, il faut passer à autre chose. Je suis en mode :“Tu ne peux que faire mieux. Joue simple, avec tes partenaires, dribble au bon moment, tout va bien se passer .”

Derrière, vous enchaînez quatre-vingts minutes de haut niveau.

Je n’ avais rien à perdre. Je me suis quand même dit qu’ il fallait que j’ aille plus intelligemment dans les duels. Il ne fallait pas pénaliser l’ équipe.

Vous avez toujours été appelé ensuite en bleu. Votre parcours auxJO a-t-il été votre porte d’ entrée chez les A?

Oui. J’ai pu montrer mes qualités, montrer aux Français qui je suis. On a fait une très bonne compétition (défaite en finale face à l’ Espagne, 3-5 a.p.).C’ est le travail individuel que j’avais fait auparavant, aussi, en vacances, qui a payé. Je suis parti trois semaines à Los Angeles où j’avais trois séances d’ entraînement par jour. Je suis arrivé auxJO prêt.

De qui êtes-vous proche en sélection?

De tout le monde. En sélections de jeunes, j’ ai joué avec William (Saliba), Eduardo (Camavinga), Aurélien (Tchouaméni). La plupart des joueurs viennent de Paris, comme moi, on s’ est donc déjà côtoyés. Avec Ibrahima (Konaté), on a joué au Paris FC. On était aussi dans le même collège. Il était en3e, moi en5e.Ilj ou ait un peu les grands mais bon... (Il se marre.) Ils avait comment nous régler. On est un groupe de jeunes, qui aime rigoler.

Vous connaissez bien un autre international, mais vous n’ avez pas encore joué avec lui chez les A, Khephren Thuram.

Ah, on se connaît très bien même. On a joué ensemble à Boulogne, en U15. On était entrés ensemble à Claire fontaine en U13.

Cela devait être solide, le milieu de l’ACBB.

C’ était bien, c’ était bien ... On a fait demi-finale de la Coupe de Paris, après on a gagné la Coupe des Hauts-de-Seine. Ça va ... On a des bons souvenirs. On est amis. On est contents d’ être dans le même Championnat.

C’ est lui qui vous avait fait venir à l’ ACBB?

En fait,j’ étais au PFC de U11 à U14 et, à la fin des U14, alors quej’ étais à l’INF Clairefontaine la semaine, j’ avais signé pour Toulouse. Le PFC avait donc décidé de mettre en avant les joueurs qui restaient et cela voulait dire que je n’ aurais pas joué en U15 DH mais en dessous. Les dirigeants de Toulouse m’ ont dit qu’ il était préférable que je joue en DH. C’ est pour ça que je suis parti alors que j’étais très attaché au PFC. Mais il faut faire des choix dans la vie. J’ ai appelé mon ami Khephren. Je lui ai dit: “C’est comment Boulogne ?” J’ y suis allé. Moi, j’ aime le foot. Tu me donnes un maillot, des crampons, je joue avec mes amis. Le seul problème, c’ est que c’ était un autre long trajet. (Il sourit.)

À bientôt 24 ans (le 17 mai), voyez-vous toujours le foot avec les mêmes yeux de passionné?

J’ai toujours la même excitation les veilles de match, la même appréhension les heures qui précèdent que lorsque j’étais petit, oui, quand j’ allais jouer contre Ville neuve ou Colombes. J’ai envie que ça arrive vite. Quand je vois que le match commence à 20h 45, je me disque la journée sera longue .»